" Mais laisserons-nous donc nos amis fidèles, les associés, les copartageants de notre ruine, étendus, étonnés, sur le lac d'oubli ? "
Six mois après sa rencontre avec Nolan Ross, Amanda Clarke profite de son héritage en écumant les bars de New-York, essayant d'oublier son difficile passé. Seulement, la mémoire de l'infamie dont a été victime son père, le souvenir de sa propre expérience au sein de la prison pour mineurs la pousse à venir rencontrer les présumés coupables lors du nouvel an 2002. Au même moment, les Grayson reçoivent une carte de chantage qui vient leur rappeler leurs rôles dans l'affaire David Clarke.
Résumé de la critique
Un épisode mythologique réussi que l'on peut détailler ainsi :
- une tentative d'unification qui clarifie de nombreux points
- un épisode qui se concentre sur Victoria et ses sentiments
- quelques reproches inévitables
- une mise en place prometteuse
Ceux qui savent et se taisent
Pour cet épisode, Revenge nous offre un petit saut en arrière, technique narrative classique dans les séries feuilletonnantes pour permettre une parenthèse dans le récit ayant pour but de préparer le spectateur en vue du season final. Ce nouvel an 2002 est un bon choix comme point de départ, permettant de justifier certains éléments de l'intrigue principale pour créer l'illusion d'une maîtrise globale de la progression de l'intrigue. Une écriture étonnante, sublimée par une multitude de petits détails disséminés discrètement qui confirment le soin apporté aux auteurs au travail de planification.
Un épisode qui va se concentrer sur les victimes du jeu de massacre d'Emily Thorne, affichant encore l'optimisme de l'heure de gloire des Grayson, avant l'été qui leur a été fatal à la plupart. Un hommage bienvenue aux seconds rôles, tant la qualité des personnages secondaires et de leur interprètes fut l'une des qualités indéniables de la série, Tyler et Amanda étant les seuls à manquer à la liste. Une galerie d'invités de premier choix qui partagent un seul point commun, à savoir leur participation volontaire au plan qui a coûté sa vie à David Clarke et qui va être à l'origine de leur châtiment.
Un épisode qui ne fait pas avancer l'intrigue, mais cherche à donner du sens à une vengeance qui fut un peu trop parachutée en début de saison. C'est pour Amanda le temps de l'indécision et de l'observation, en quête d'une preuve qui lui permette de croire dans les aveux de son père, dans l'idée que sa trahison envers elle n'était finalement que le fruit du mensonge. Centré sur la fête du nouvel an, cet épisode nous raconte l'acte fondateur de la série, celui où sa rage destructrice envers son père s'est brutalement transformée en une féroce soif de vengeance.
Loin d'être manichéenne, Revenge nous décrit une valse de menteurs, chacun devant sa carrière à la mort d'un homme, chaque mensonge poussant Emily sur la voie de la rage destructrice. Loin de viser des cibles impersonnelles, elle construit sa vengeance sur le besoin de ravir ce qui a été usurpé, de prendre le bonheur des autres comme le sien lui a été dérobé, par la manipulation la plus cruelle. Un épisode qui revient à la genèse de la série, passionnant non pas pour les évènements qui s'y déroulent, mais par le sens qu'il parvient au déroulement de cette première saison.
Ceux qui savent et vivent dans la culpabilité
Les personnages les plus intéressants de Revenge sont ceux qui sont construit sur une forte ambigüité, à la fois défenseur de la mémoire du père d'Amanda sans oser pour autant en confondre les responsables. Le premier et le plus intéressant reste Treadwell, l'auteur prouvant une nouvelle fois son goût pour la mise en scène, jouant avec le feu en provoquant Victoria pour mieux confirmer la nature cruelle de Conrad ainsi que son manque de discernement. Excellent dans un personnage à la frontière du bien et du mal, Roger Bart compose un être à la fois séduisant par son style cultivé et mystérieux que par son goût prononcé pour le double discours, partagé entre son affection pour Amanda et sa propre vanité.
Une dualité que ressent aussi Nolan Ross, sa rencontre et son amitié de David Clarke lui ayant rapporté beaucoup d'argent, le sauvant des problèmes engendrés par son caractère profondément asocial. Si sa relation avec Amanda reste passionnante, sa connexion avec les Porter paraît depuis le début comme plutôt forcée, surtout que la tentative de rajeunissement de Jack n'est pas une franche réussite. Une storyline artificielle qui cherchent à donner une justification à la volonté affirmée de Nolan Ross de gagner l'amitié de Jack, ficelle assez grossière pour donner un sens artificiel aux développements autour de l'histoire des Porter.
La culpabilité apparait comme le moteur de Nolan, personnage devenu trop riche et qui désire clairement s'amender de sa réussite excessive qui lui donne la sensation d'être un usurpateur. Cherchant à s'amender, il ne partage pas le désir de vengeance d'Emily, essayant avant tout de la protéger d'elle-même et de la colère des Grayson. Cette culpabilité, Victoria la partage envers la mort de David Clarke, faisant le choix de son confort au détriment de ses sentiments, sacrifiant la sincérité d'un coup de foudre au profit d'un nom et d'un statut de reine plutôt illusoire.
Personnage passionnant, Victoria incarne la pire des lâchetés, celle d'une femme qui choisit l'égoïsme d'une existence matérialiste à un bonheur simple, refusant de perdre ce pouvoir que son union avec Conrad lui apporte. Personnage méprisable au premier abord, elle devient d'autant plus attachante par son côté profondément humain qui transparait lors des flashback passionnants sur sa rencontre avec le père d'Amanda, celle-ci portant sur elle le regard d'une petite fille jalouse d'une passion qu'elle ne peut pas comprendre. Une jalousie inconsciente, une fascination emplie de colère, celle d'une enfant démunie, prise dans la rage d'une rivalité qu'elle ne peut maîtriser.
Un non-dit qui sera, je l'espère, au centre du season final d'une série qui, derrière son apparence de soap élégant et basique, cache une vraie tragédie humaine, entre trahison et jalousie.
Ceux qui savent et ont choisi la fuite
Pourtant, si l'ambition affichée par cet épisode marque la volonté de l'équipe créative de faire montre de tout son talent, la série ne peut s'empêcher de faire transparaître quelques faiblesses, en particulier concernant le destin d'Amanda Clarke. Disparue après la mort de Tyler, son destin est lié à celui de Takeda et de Dominic Wright, deux idées que les scénaristes n'ont pas réussies à exploiter correctement. Dépassé par l'ampleur prise par cette intrigue, les scénaristes se sont laissés griser par leur propre créativité, donnant lieu à quelques maladresses regrettables et sensibles dans cet épisode.
Evidemment, ces reproches peuvent sembler un peu ridicule, mais ils sont comme autant de petites fautes de parcours qui viennent empoisonner cette fin de saison qui ne parvient pas à se montrer à la hauteur de son potentiel. La présence de Lydia vient souligner un des points noirs de cette saison, personnage important qui a brutalement disparu avec la mort de Franck. Une première maladresse passée vite inaperçue, balayée par l'arrivée de Tyler, mais qui revient à la surface avec l'évocation des infidélités de Conrad lors d'une scène un peu trop directe, mal mise en valeur malgré son importance.
Le divertissement reste très plaisant et le côté immersif de la série indéniable, malgré quelques crescendos musicaux un rien balourd qui tente d'installer une tension dramatique inutile. Peu de suspense dans cet épisode, juste l'exposition de la naissance d'une haine farouche, alors que cette fête du nouvel an devient le ballet pathétique des marionnettes des Grayson. Une cour qui agit comme un bouclier contre une vérité atroce, une trahison qu'Amanda se doit de révéler, quitte à prendre tous les risques pour cela.
Ceux qui savent et attendent avec impatience la suite
Difficile de nier l'addiction que représente Revenge, série qui parvient à fournir un mélange presque parfait entre le soap et la tragédie, divertissement simpliste en apparence, mais à la profondeur étonnante. Il ne reste que deux épisodes et le potentiel est indéniable, la fête du nouvel an 2002 ne servant qu'à nous préparer à celle de 2012. Aux scénaristes de prouver qu'ils peuvent combler nos attentes en fournissant à la série le final qu'elle mérite, donnant sans nul doute l'un des season finale les plus attendus de cette fin d'année.
En conclusion, un épisode très ambitieux qui cherche à revenir sur chacun des éléments de la saison pour former un tout cohérent en proposant une intrigue dix ans dans le passé réunissant la plupart des protagonistes du show. Un voyage en arrière qui confirme le soin apporté à l'écriture et à l'esthétique du show, même si la volonté de lier le destin de Nolan et des Porter semble moyennement crédible. Sans être parfait, Revenge installe une montée en puissance réussie avant deux derniers épisodes imprévisibles et excitants, ne perdant rien de son pouvoir de fascination.
J'aime :
- une intrigue qui met en avant les seconds rôles
- Madeleine Stowe impeccable
- la qualité de la mise en scène
- la réalisation qui parvient à ne pas nous égarer
- la relation complexe entre Emily et Victoria
Je n'aime pas :
- l'intrigue entre Nolan et les Porter légèrement tirée par les cheveux
Note : 15 / 20
Un très bon épisode de Revenge qui propose un saut de dix ans dans le passé, comme un avant-goût du season final à venir. Si certains aspects sont moyennement convaincants, le divertissement reste de très bonne qualité grâce à des acteurs impeccables et une intrigue principale riche et passionnante.