La vérité s'écrit en trois temps
Emily parvient enfin à voir le visage de l'homme qu'elle suspecte d'être le meurtrier de son père par le biais de la caméra installée dans le bureau de Conrad. Pendant ce temps, les fédéraux sont obligés de révéler à Victoria qu'ils n'ont rien trouvé permettant d'incriminer Conrad dans un quelconque complot contre David Clarke. Elle décide alors de prendre les choses en main et découvre que son ex-mari s'est désormais installé avec Lydia à New-York.
Résumé de la critique
Un épisode réussi que l'on peut détailler ainsi :
- une intrigue émotionnellement forte entre présent et passé
- un épisode entre nostalgie et règlement de comptes
- une montée en puissance perceptible et efficace
- un référence qui en dit long sur l'ambition de la série
Le passé qui nous divise et nous rapproche
Avant-dernier épisode pour Revenge qui se doit de marquer une orientation claire, misant beaucoup sur la confrontation entre Emily et le meurtrier présumé de son père. Mais, plus qu'un dernier combat, les scénaristes doivent préparer l'expansion de l'intrigue pour la saison deux et résoudre certains points qui n'auront clairement plus leur place dans l'avenir. Le passé occupe donc une place très importante dans cet épisode, un décès tragique venant rappeler à l'héroïne la nature irrépressible du temps, emportant avec lui des êtres chers du présent vers le passé, de la réalité vers le souvenir.
Rien n'est plus important que le passé pour Emily Thorne, une vengeance ne pouvant s'effectuer qu'en niant le présent et la possibilité d'une rédemption, l'héroïne s'enfermant dans la contemplation du passé. Gardant vivant son souvenir par le biais de vidéos et autres photographies, Amanda Clarke refuse d'accepter la fatalité et s'interdit tout processus de deuil. Un comportement qui se retrouve dans son style glacial et froid, les vidéos de David Clarke n'étant que des incarnations frustrantes d'un amour conservé dans la glace, celui d'une fille qui refuse de perdre ses derniers souvenirs de son père.
A l'opposé, le passé est un poison qui refuse de se dissiper chez les Grayson, leur couple reposant sur un mensonge originel qu'ils n'auront jamais réussi à effacer totalement. Malgré l'aspect un rien prévisible de cet affrontement, les confrontations entre les deux sont encore assez plaisantes grâce au jeu savoureux des comédiens, les rapports de force entre les deux reposant sur une mécanique un peu trop bien huilée pour surprendre. L'utilisation du tableau est une métaphore trop parfaite de la nature malsaine des fondations du couple entre Victoria et Conrad, le symbolisme l'emportant sur la fluidité du récit.
Mais, que ce soit pour Emily, Conrad ou même Charlotte, le passé est un poison qui refuse de se dissiper, le présent n'étant pour eux que source de désillusions et de trahisons. Des souvenirs qui marquent l'importance du temps écoulé, appuyé par le rythme des saisons, le froid mordant de l'hiver poussant les personnages à révéler leurs vrais visages, leurs faiblesses et cette tristesse devant le spectacle des proches qui se transforment petit à petit en fantômes.
Le présent qui nous contraint à faire des choix
Personnage devenu matérialiste après son séjour en prison, Daniel est désormais l'homme fort de Grayson Global, faisant le choix de ne pas révéler la responsabilité de son père dans le complot contre David Clarke. En privilégiant l'entreprise familiale à sa propre intégrité, il devient la déception de Victoria et Emily, privilégiant la protection d'un nom au détriment de ses propres convictions. Prenant de plus en plus de poids grâce au jeu étonnant de Joshua Bowman, il perd cet esprit naïf et juvénile du début de saison et devient un personnage assez charismatique, sa droiture apparente servant à masquer le lent déclin de son père.
De son côté, Charlotte essaie de reprendre le cours de sa vie en vain, perdant totalement ses repères pour devenir une étrangère à son propre regard. Coupant tout lien avec elle, Declan poursuit sa scolarité et son existence, réussissant à laisser le passé derrière lui au contraire de la jeune femme, devenant dès lors un traitre aux yeux de celle-ci. Un couple né d'une passion sincère, mais qui n'aura pas pu résister à la course du temps, à des choix qui ont lentement poussé le cadet des Porter sur une voie divergente de la fille des Grayson. Dans un monde sans sauvegarde, le cycle des saisons efface lentement les passions d'hier pour ne laisser que la nostalgie de ce qui fut, donnant à Revenge son ton volontiers mélancolique.
En donnant Samy à Jack, Amanda avait accompli un acte de foi, celle de donner sa confiance au jeune garçon pour prendre soin d'un cadeau de son père, symbole des temps heureux avant l'arrestation de celui-ci. Leurs choix d'achever cet arc apparait comme logique à ce point du récit, les auteurs laissant la douleur et la force des sentiments révéler le vrai visage des différents personnages, avec un Jack Porter brisé devant la disparition de celui qui incarnait le souvenir du bonheur passé. Aussitôt, le masque d'Emily se fracture enfin, montrant un chagrin sincère en révélant sa nature profonde, celle d'une fille triste et trop fragile pour prendre le risque de vivre, offrant une scène vraiment touchante grâce à l'interprétation impeccable d'Emily Van Camp.
Les larmes de Jack Porter la touchent d'autant plus qu'ils révèlent une faiblesse et une sincérité dans l'affection qui n'existe plus entre elle et son père. Bien plus qu'un acte d'amour, la vengeance d'Amanda est avant tout un moyen pour elle de se pardonner à elle-même la haine qu'elle a ressenti pendant des années contre son père, la poussant à effacer de sa mémoire ses anciens souvenirs. Cette spontanéité du chagrin est le coeur de cette scène remarquable, un instant où la froideur du passé disparait, laissant apparaître toute la dimension affective du présent.
Le futur, entre surprise et déception
Si les scénaristes maîtrisent parfaitement les deux premières dimensions du récit, le troisième temps va poser quelques problèmes, laissant apparaître un léger manque de soin dans la progression du show dans cette seconde moitié de saison. En effet, au lieu de tirer profit des éléments mis en place la semaine dernière, les scénaristes font le choix de marquer une rupture assez évidente en donnant au Grayson une place secondaire dans les plans d'Emily. Certes, le charisme et le talent de James Morrison suffit à donner une réelle force à cet homme mystérieux, mais ce changement de cible reste plutôt maladroit, donnant l'impression que les auteurs veulent prolonger l'arc sur les Grayson encore quelques temps.
Pourtant, la prise de pouvoir inattendue et très inspirée de Daniel, le virage d'Ashley de meilleur amie à celle de garce opportuniste prouve que Revenge possède une vraie capacité à se renouveler. Cet épisode permet de ce point de vue aux scénaristes de nous préparer au fait que l'épisode de la semaine prochaine ne sera qu'une étape de plus dans le processus de vengeance d'Emily Thorne, ouvrant plus de portes qu'il ne va en fermer. Entre surprise et déception, ce season final gagnerait à oser quelques sacrifices, une tragédie ne pouvant s'achever que par la mort d'un innocent.
En position de faiblesse, tous les personnages le sont, que ce soit Nolan au travers du jeu subtil et sensible de Gabriel Mann ou Charlotte, la jeune femme choisissant clairement la voie de l'auto destruction. En réduisant à néant l'unité d'une famille, Emily détruit le coeur d'une valeur fondatrice de l'Amérique, entrainant des répercutions imprévisibles qui mènent à une redistribution brutale des cartes sur le principe de la loi du plus fort. Il ne reste plus aux scénaristes qu'à fournir le sacrifice nécessaire pour donner du sens à cette saison jusqu'ici très réussie tout en plongeant le spectateur dans le trouble délicieux des multiples possibilités qui composent l'avenir.
Une référence amusante
Si le thème du temps se retrouve dans la multitude d'horloges qui entourent James Morrison, la scène entre lui et Nolan rappelle à un moindre niveau la confrontation entre Glickman et Gatehouse dans The Shadow Line. Une référence troublante qui montre que Revenge veut être bien plus qu'un simple soap élégant, cherchant à trouver dans ce mystérieux assassin une figure digne du tueur mythologique joué par Stephen Rea. Un clin d'oeil qui prouve que la série de Mike Kelley est ambitieuse, marquant une volonté claire de ne pas se laisser enfermer dans un registre particulier en cherchant à embrasser tous les genres possibles.
En conclusion, un épisode très plaisant qui cherche à briser les résistances de son héroïne pour laisser apparaître sa fragilité avant le season final. Esthétiquement impeccable, cette histoire offre une dose d'émotion assez forte, plaçant l'intrigue dans le registre inhabituel de l'émotion avec beaucoup de réussite et de justesse qui prouve la capacité des auteurs à passer d'un genre à l'autre. Seul petit défaut, ce récit manque d'une vraie continuité avec celui de la semaine précédente, à l'exception d'un retour intéressant de Lydia pas très bien exploité lors d'une scène du tableau qui manque d'un réel effet de surprise.
J'aime :
- la performance surprenante de Gabriel Mann
- la performance d'Emily Van Camp impeccable
- la profondeur du scénario assez surprenante
- la première confrontation entre Conrad et Victoria
- la nouvelle position de Daniel
Je n'aime pas :
- le manque de continuité avec l'épisode précédent
Note : 14 / 20
Après un épisode flashback ambitieux, Revenge surprend en ne lançant pas Emily après les Grayson, préférant concentrer une bonne part du récit sur le mystérieux tueur aux cheveux blancs. Malgré quelques séquences un peu trop mécaniques, la série nous offre une intrigue très immersive, laissant enfin apparaître le vrai visage d'Amanda Clarke lors d'une scène émouvante vraiment réussie.