Critique : Ringer 1.01

Le 15 septembre 2011 à 16:30  |  ~ 8 minutes de lecture
Un jeu de miroirs et de faux-semblants pour un thriller surprenant et ambitieux.
Par sephja

Critique : Ringer 1.01

~ 8 minutes de lecture
Un jeu de miroirs et de faux-semblants pour un thriller surprenant et ambitieux.
Par sephja

Un reflet peut être un mensonge 

Bridget est une ex-alcoolique qui vit sous la protection de la police, car elle est la seule personne à pouvoir venir témoigner au procès d'un dangereux meurtrier. Terrifiée à l'idée de devoir affronter cet homme, elle s'enfuit jusqu'à New-York où vit sa soeur jumelle Siobhan, une femme de la haute société avec qui elle avait pris ses distances des années auparavant. Jusqu'au jour où, durant une promenade en hors-bord, Siobhan disparaît, laissant Bridget face à un choix simple : garder son identité et se faire attraper par la police ou se faire passer pour sa soeur.

 

Résumé de la critique

Un pilote impressionnant que l'on peut détailler comme suit :

  •  des images sublimes, hyper travaillées, mélange d'un grand nombre d'influences 
  •  des acteurs formidables, avec en tête une Sarah Michèle Gellar remarquable
  •  un récit pas suffisamment maîtrisé et par moment maladroit, mais assez riche pour être intrigant
  •  une série originale qui risque d'avoir du mal à tenir sur la durée

 

 

Préambule

Il est à signaler que je suis un immense fan des premières oeuvres de Jean-Jacques Beineix, la mise en scène s'inspirant beaucoup du cinéaste français. Cela peut fausser mon jugement, mais je vais m'efforcer d'être le plus objectif possible. 

 

Un visuel entre lumière et reflet 

Plus que le scénario, le premier élément qui frappe dans Ringer tient dans son visuel sublime, orchestré de main de maître par Richard Shepard, offrant un style particulièrement sophistiqué et maîtrisé à ce thriller qui exploite le thème du reflet. Entre une utilisation Hitchcockienne du miroir et une disposition des couleurs digne de Jean Jacques Beineix (le film faisant un hommage à Diva), la mise en scène alterne les séquences remarquables et originales du point de vue du cadrage avec une efficacité surprenante. Ringer est une oeuvre glaciale et géométrique qui impose une identité formelle forte d'entrée, sortant totalement du cahier des charges classique de la CW. 

Très structurée, la série alterne les couleurs, mélangeant le rouge et le monochrome pour offrir une structure étonnante aux images (voir ci-dessus) qui fait le charme de ce pilote. L'aspect géométrique des cadrages dépasse le stade du simple gimmick, offrant une cassure dans des images lisses, mélangeant les références comme la scène du bateau, totalement Hitchcockienne avec un travail sur le grain de l'eau étonnant. La mise en scène alterne les séquences contemplatives pour composer un thriller à la fois classique et sophistiqué, tout en abandonnant hélas au passage une certaine cohérence du récit au profit d'un étalage d'effets de mise en scène parfois lourdaud.

Du point de vue de la technique, une vraie réussite, puisant son inspiration dans les références du polar, offrant une série d'images étonnantes et de cadrages particulièrement bien pensés. 

 

Des acteurs au diapason 

Evidemment, la plus attendue était Sarah Michelle Gellar, confrontée à un rôle difficile, celui de deux soeurs jumelles qui s'opposent, parvenant à différencier son jeu avec un certain sens de la nuance. Surtout, elle permet de donner une vraie chronologie à une intrigue parcellaire, vacillant fréquemment entre présent et passé, et se montre suffisamment sincère et crédible pour nous faire accrocher à cet univers particulier. Face à elle, Ioan Gruffudd (Les 4 Fantastiques) est très bon, se montrant suffisamment peu naïf pour nous faire croire à cette histoire plutôt compliquée d'échange d'existence. 

Toujours dans l'optique de construire un vrai thriller dans sa forme la plus classique, Ringer construit ses personnages sur des rapports de force, les comédiens cachant les fêlures d'un passé complexe. Série originale et étonnante, cette histoire fait de l'ancienne Buffy une héroïne totalement Hitchcockienne, construisant sur des mensonges une vie qui n'est qu'une fuite en avant. Très expressif dans leur silence, les personnages de Ringer savent mentir, cachant derrière des expressions de façade un désarroi et une difficulté de vivre dans un monde de miroir, où la réalité et le reflet se mélange.

 

 

Un scénario un peu chaotique pour un thriller intrigant 

Autant le dire, pour apprécier Ringer, il ne faut pas goûter aux narrations linéaires, les scénaristes osant de fréquentes ellipses pas toujours inspirées pour raconter une intrigue difficile à mettre en place. En quelques minutes, les différents personnages se succèdent devant nous selon le seul point de vue reste celui de Bridget, jeune femme perdue dans un univers qui n'est pas le sien. Tout parait un peu confus, mais suffisamment riche pour laisser espérer une évolution dans les épisodes à venir vers un récit mieux maîtrisé. 

Mais à force d'effet de style, le scénario produit aussi quelques ellipses maladroites, comme celle où Bridget passe du bateau à la maison de Siobhan, créant une confusion regrettable dans un récit déjà tortueux. Ce passage, perturbant et peu inspiré, est sauvé par le jeu de Sarah Michelle Gellar qui parvient à apporter la touche de nuance pour nous faire comprendre la teneur de son mensonge. Le reste de l'intrigue est plutôt efficace, même si l'histoire aurait gagné à opter pour un rythme moins débridé et plus lent. Bridget est une usurpatrice, volant l'identité d'une soeur jumelle qu'elle croit disparue pour fuir une police et un passé difficile, avant de découvrir que Siobhan avait, elle aussi, de bonnes raisons de se faire passer pour morte.

Entre jeu de dupes et trahison, les scénaristes donnent l'impression de se laisser entraîner, comme leur héroïne, dans un jeu dangereux dont l'issue est loin d'être certaine. Entre confusion et perte de repère, la série propose une narratrice très mélodramatique qui fuit son existence angoissante pour sombrer dans un piège cruel tendu par une soeur inquiétante. Un univers à l'état d'ébauche, qui pourrait se révéler passionnant si la série parvient à opter pour un récit plus cohérent en évitant certains effets de style inutiles.

 

Entre le fantasme d'un reflet et l'amertume du réel  

Difficile de juger de l'avenir de Ringer avec ce seul pilote, le scénario n'arrivant pas à imposer une dynamique suffisamment solide pour donner une idée de sa capacité à tenir une saison. Les comédiens sont convaincants et le visuel suffisamment accrocheur, maniant des références originales dans un univers télévisé où le thriller Hitchcockien est devenu assez rare. En optant pour un récit feuilletonnant, la série pourra lentement se construire et offre en tout cas un spectacle largement supérieur à The Lying Game.

En conclusion, un pilote sophistiqué, techniquement remarquable, hommage appuyé à un esthétisme tiré de références cinématographiques de grands noms du thriller. Incarnant deux personnages dissemblables, Sarah Michèle Gellar est assez convaincante pour permettre d'entrer dans une intrigue par moment inutilement complexe. Un show original qui sort des sentiers battus et mérite sa chance s'il parvient à résoudre ses problèmes de structure et à opter pour un rythme plus lent. L'univers du show, thriller entre ombre et reflet, est posé à la fin de ce pilote et la série va devoir réussir à garder son ambiguïté pour développer correctement une intrigue jusqu'ici trop rapidement survolée. 

 

J'aime :

  •  l'utilisation des couleurs remarquables, avec un bel hommage à Beineix
  •  certains cadrages particulièrement osés et intrigants 
  •  des comédiens convaincants et sincères qui donnent de la crédibilité à l'intrigue 
  •  un style original et très sophistiqué 

 

Je n'aime pas :

  •  certaines ellipses inutiles 
  •  un rythme trop rapide dans la narration 

 

Note : 14 / 20 

Un pilote étonnant et original, porté par des comédiens justes et un visuel superbe, hommage appuyé aux grandes figures du thriller. Certains cadrages originaux et une utilisation des couleurs remarquables permettent d'oublier des maladresses narratives classiques d'un pilote. Un show très contemplatif, qui mérite le coup d'oeil. 

L'auteur

Commentaires

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sephja
je penses que ces clins d'oeil sont plus l'oeuvre d'Alan Shepard que de la CW. De plus, pour cette chaîne, cette série est assez singulière dans le ton très froid.

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Bleak
Justement j'ai trouvé l'ambiance générale très semblable à celle de Black Swan. Ce côté froid, cette ambiance qui nous laisse perplexe, ce scénario qui nous fait perdre nos repères. Après, je n'ai pas été autant emballé que toi sur ce pilote et j'ai plutôt l'impression que tout est possible. Il pourra s'agir autant d'une grosse bouse qu'un gros succès.

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sephja
je partage ton avis sur le manque de sûreté pour la suite. Mais j'aime les oeuvres à l'esthétique géométriques (déformation professionelle)

Image Ringer
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