Petit historique pour les plus jeunes
Pour tous ceux qui ne connaissent pas, Seinfeld est né de la collaboration de Larry David et Jerry Seinfeld, comique de stand-up très populaire aux Etats-Unis. Nous sommes en 1989 sur NBC, époque où règnent en maître les sitcoms familiales (The Cosby Show) et Seinfeld est avant tout perçu comme un show opportuniste profitant de la popularité de sa vedette. Un rien frileuse, NBC propose une courte première saison de six épisodes, diffusée durant l'été 1989, durant laquelle les créateurs poseront les bases du fameux "Show about nothing" qui séduira rapidement plus de trente millions de téléspectateurs.
Durant les critiques à venir, j'essaierai au mieux de faire apprécier ce qui fut fréquemment cité comme un des meilleurs shows comiques de tous les temps.
Pitch du pilote
Seinfeld raconte l'histoire de Jerry, star de la comédie qui vit à New-York et partage sa vie entre son travail et ses amis Georges et Kramer. L'histoire commence aprés qu'une amie nommée Anna demande à Jerry s'il peut l'héberger le temps qu'elle séjourne à New-York. Jerry est perturbé car il ignore quel sens donner à cette demande et choisit d'interroger son meilleur ami Georges à ce sujet.
Le duo Costanza-Seinfeld
Dès la première scène, il saute aux yeux que, malgré son titre un rien mégalomaniaque, la série va être marquée par un autre personnage, le névrosé Georges Costanza, joué à merveille par un Jason Alexander qui semble déjà habité par son rôle. L'échange entre les deux protagonistes est terriblement réussi, donnant au pilote son meilleur moment où les répliques fusent, et maniant avec talent premier et second degré.
Dans cette scène, l'amitié entre Georges et Jerry ne semble jamais forcée ou artificielle, car il paraît évident par les non-dits et les remarques acides que les deux hommes se connaissent depuis longtemps. Georges et Jerry forment un duo à la fois complémentaire et en opposition, comme seuls deux vrais amis peuvent l'être. Dès cette première scène, on découvre que cette série possède déjà une galerie de personnages formidables, et une tendance plus que marquée pour les longs bavardages sinueux jouant avec l'absurde pour finalement, engendrer le rire.
Cosmo Kramer, un voisin bien encombrant
Remarque: L'auteur de la critique tient à signaler combien les propos et le comportement de l'acteur Michael Richards sont scandaleux et indéfendables. Je fais donc le choix de considérer Kramer comme un personnage de fiction et les louanges que je ferai iront à Kramer et à lui seul. Honte à toi, Michael Richards, pour ce que tu as fait.
Pardon pour cet aparté, mais cela devait être dit.
Un autre personnage haut en couleur apparaîtra durant cet épisode, le voisin de Jerry, Cosmo Kramer, pique-assiette dont l'apparence et le comportement incontrôlable jouent eux aussi sur ce principe d'humour par le décalage (voir en particulier la façon dont il plonge dans le réfrigérateur).
A l'opposé du comportement névrotique de Costanza, Kramer n'a aucun complexe et s'insère dans la vie de Jerry à la manière d'un ouragan, un poids que Jerry est obligé de porter. Loin du caractère bavard et de l'obsession du détail de Georges, Kramer opte pour un humour plus silencieux, mélange de postures et de mimiques outrancières vraiment amusantes. Son arrivée apporte un second souffle au pilote, tandis que l'histoire principale s'enlisait lentement, vu son manque de réel developpement.
Seinfeld ou le comique minimaliste
Loin d'avoir besoin de grands effets comiques, Seinfeld est une série qui ne fonctionne que si le récit est limité à une situation la plus simple possible. En effet, le développement de l'histoire sur une possible liaison amoureuse de Jerry est cantonnée au strict minimum et n'apporte rien de vraiment convaincant à l'histoire.
Pourtant, ce sont dans les instants d'attentes, les intervalles de narration que la série est la plus drôle.
Par exemple, la scène où Georges et Kramer se retrouvent seuls à attendre Jerry dans son appartement est particulièrement savoureuse, car en rupture de ton total avec le reste de l'épisode. Leur conversation est tellement hors contexte par sa banalité qu'elle en devient un grand moment de comédie, prouvant combien la série est capable de créer le rire avec très peu d'éléments.
D'où la réputation de "show about nothing" de cette sitcom qui ose les instants d'ennui et parvient à en faire un objet comique.
Un pilote vraiment perfectible
Malgré ses nombreuses qualités, le pilote possède de nombreux défauts:
- la direction artistique véritablement moyenne donne un épisode qui a terriblement vieilli. Les costumes sont assez affreux et certains décors sont réellement cheap. (Regardez le pantalon de Jerry ci-dessus)
- une intrigue principale trop anectodique, servant uniquement à introduire les séquences stand-up de Jerry. Ce sont les défauts inhérents à bon nombre de pilotes, mais la dernière scène entre Jerry et la jeune femme est véritablement ratée.
- Le rythme est trop irrégulier, de l'aveu même de Larry David. L'énergie incroyable de la scène entre Jerry et Georges ne se retrouvent à aucun autre moment du show.
- Les séquences de stand-up trop nombreuses hachent le récit, cassent le rythme et s'intègrent assez mal dans l'épisode. Il s'agit évidemment de mettre la star en avant, donnant de Jerry une image un rien prétentieuse des plus désagréable.
L'expression "Rome ne s'est pas fait en un jour " convient parfaitement à ce pilote, symbole d'une époque où on laissait le temps aux créateurs de développer leur série. Seinfeld a déjà le potentiel, et saura par la suite effacer lentement ses défauts pour mieux présenter ses nombreuses qualités.
Pour ma part, je conseille à tous de découvrir Seinfeld, une sitcom vraiment réussie, en n'hésitant pas à regarder ce pilote, certes imparfait, mais qui permet de voir comment une équipe peut lentement réussir à améliorer un show.
Note: 12 / 20
Prochain épisode et arrivée de Elaine, personnage féminin plus qu'indispensable dans Seinfeld, jouée par l'excellente Julia Louis-Dreyfus