Pitch guerre de pouvoir et comédie musicale
Max continue de chercher à récupérer l'entreprise familiale, plaçant ses pions pour parvenir à déstabiliser son frère en tentant de séduire sa fiancé Emily. De son côté, Carmen et sa mère ouvre leur école de danse qui ne rencontre pas vraiment le succès attendu, la jeune femme révélant à cette occasion le nom de la vraie mère de Travis. Un nouvel héritier des Burr apparaît alors, donnant l'occasion à Max prendre l'avantage.
Un parfait équilibre entre mélodrame kitsch et drame social
Après un premier épisode au concept sympathique, mais gangréné de défauts particulièrement gênants, Sugartown revient sous une forme largement améliorée, en faisant preuve dès la première scène d'un enthousiasme surprenant. Les acteurs s'amusent énormément, les décors sont de moins en moins cheap, sans que la série ne renie son amour pour le soap le plus kitsch, avec ici une série de coups de théâtres sur la famille Burr particulièrement drôles. En méchant au cynisme affuté et au charme ravageur, Tom Ellis fait toujours merveille, prenant un plaisir partagé à composer ce personnage que tout le monde aime détester.
Mais là où le pilote sombrait dans une quantité excessive de lourdeurs, Sugartown propose un épisode beaucoup plus sobre et mieux maîtrisé, le tout pour une heure où les genres sont brassés, entre mélodrame et comédie, sans réelle fausse note. Les séquences de comédie musicale sont de loin les meilleures, le genre acceptant par nature toute forme d'excès tout en permettant de construire une intrigue romantique réussie entre Travis et Carmen. Sans atteindre des sommets, le scénario parvient avec succès à mélanger les genres, les saveurs et les couleurs sans jamais verser dans le n'importe quoi.
Bref, la série fait sourire par son atmosphère multicolore et rêver par son univers entre le réalisme d'ouvriers qui se battent pour leur emploi et le kitsch d'un genre naturellement excessif. Une bonne surprise que ce show anglais décalé qui s'avère passionnant à suivre, clamant haut et fort un amour du soap dans un déluge incroyable de couleurs.
Un visuel kitsch entre rose fluo et teinte pastel
Des années quatre vingt et leur tenue disco aux mélodrame hollywoodien aux teintes pastels de Douglas Sirk, la série nous propose un feu d'artifice de teintes variées, les utilisant pour aider le spectateur à anticiper la tonalité de la scène. Les séquences comiques héritent des couleurs fortes (voir première photo) avec dans ce cas une rupture entre le rose et le blanc, marquant l'opposition entre Max et Emily. Les teintes plus pâles évoquent des scènes plus intimistes et plus lentes (voir ci dessus), ce simple code couleur résolvant une bonne partie des problèmes de lisibilité du pilote.
L'épisode poursuit donc la lutte qui partage la ville en deux, Max parvenant petit à petit à gagner son combat contre son frère, dévoilant son projet de reconstruction de la ville. Maniant les promesses avec adresse et un discours mielleux à souhait, Max crée le malheur autour de lui et entraine la lente dégradation du tissu social d'une ville condamnée à disparaître. Les premiers départs commencent, la ville succombant à la contre attaque d'un homme qui rêve de bâtir un empire, fondé sur le pêché et le luxe.
Entre lutte sociale et un méchant constructeur, la série propose quelques instants de vrai poésie avec des numéros dansés superbes, surtout celle où Carmen et Harvey donne l'impression de danser ensemble alors qu'ils se tiennent dans deux pièces différentes. Culotté, irrévérencieuse et naïve, Sugartown est capable de faire preuve d'une vraie poésie, tout en offrant un hommage plus qu'appuyé à un genre trop souvent raillé : le soap.
Le soap comme un art majeur
Autrefois encensé, le soap est une forme de récit qui a eu son heure de gloire avant de sombrer ces dix dernières années dans une avalanche de production moyenne ne laissant que peu de place à la créativité. Devenu au bout d'un moment un sujet de railleries, le genre s'est refermé sur lui-même, rejetant toute originalité au profit de recettes tellement exploitées qu'elle avait perdu toute saveur. Nostalgique des grands soaps et de leur heure de gloire, Sugartown parvient à redonner vie à un genre devenu l'ombre de lui-même en le sortant de son format habituel.
Frappé par une crise créative terrible, le soap tendait petit à petit à disparaître, des shows vieux d'une dizaine cédant enfin sous le poids de leur propre médiocrité, n'étant plus que le pâle reflet d'une époque révolue. Sugartown possède le mérite de revenir aux bases du genre afin de nous prouver qu'il est encore possible de le réinventer, même après plusieurs milliers d'épisodes de Coronation Street.
Réhabiliter le soap opéra, sortir du discours classique de mépris à l'égart de ce genre à part entière, voilà une mission qui me tient particulièrement à coeur. Regardez Sugartown, c'est redécouvrir le plaisir du soap de qualité et saluer le culot des créateurs de ce show marginal et délectable comme une confiserie.
J'aime :
- une belle introduction de la comédie musicale
- la scène du petit train hilarante
- un récit mieux équilibré et mieux maîtrisé
- l'emploi pertinent d'un code couleur très intéressant
- les comédiens très bons
Je n'aime pas :
- quelques lourdeurs dans le scénario
- un humour qui manque parfois de subtilité
Note : 13 / 20
Une bonne surprise avec un second épisode du soap coloré de la BBC qui conserve toute son originalité en évacuant une bonne part des défauts du pilote. Une fantaisie sucrée et sympathique entre mélodrame et kitsch qui propose quelques séquences remarquablement réussis. Réjouissant.