L'intégration et sa complexité
Daphne rencontre Simone, une ancienne amie de Bay et membre de l'équipe de Basket de Carlton avec qui elle sympathisent rapidement. Seulement, pour pouvoir sortir avec ces nouvelles amies, Daphne a besoin d'une fausse carte d'identité et va demander à Wilke de lui la procurer. Pendant ce temps, Bay découvre que la mère d'Emmett ne l'apprécie absolument pas, malgré ses nombreux efforts pour avoir son assentiment.
Résumé de la critique
Un épisode correct que l'on peut détailler ainsi :
- du positif pour Daphne qui sort du cadre habituel de la série
- une intrigue pour Bay qui enfonce des portes ouvertes
- la question passionnante du lien entre langage et intégration
- une progression trop prévisible
Changer d'équipe
Difficile de parler de cet épisode sans souligner mon sentiment mitigé de voir de bonnes idées mal exploitées, cet épisode possédant une richesse gâchée par l'emploi de certains clichés. Continuant sur la forme du soap, les auteurs de SaB passent d'une intrigue à l'autre, n'hésitant pas à enrichir leur univers de nouveaux visages. La rencontre entre Daphne et Simone est donc un point positif, offrant la possibilité de sortir la fille Vasquez de son histoire impossible avec Emmett. Sortant enfin de son registre boudeur, Katie Leclerc retrouve un certain enthousiasme qui redonne de l'élan à la série même si cela offrira quelques scènes médiocres avec son père biologique.
Surtout que l'ensemble laisse une étrange impression de déjà-vu gênante, reprenant le schéma habituel où Daphne incarne une certaine naïveté en opposition avec le matérialisme de Bay. L'histoire de la fausse carte d'identité permet d'offrir quelques scènes à Toby, mais manque de crédibilité, les auteurs ne parvenant pas à imposer une identité et une certaine originalité sur ce canevas beaucoup trop classique. On se surprend alors à anticiper les évènements à venir, l'ensemble demeurant assez prévisible, laissant quelques regrets face aux bonnes idées mal exploitées qui apparaissent par instant.
Le duo entre Maiara Walsh et Kathy Leclerc est plutôt intéressant et la storyline possède un vrai potentiel, mais la complémentarité entre les deux jeunes femmes n'est pas encore assez évidente. L'idée de sortir du cadre restreint des familles Kennish et Vasquez est une bonne idée, en espérant que les auteurs sauront tirer de cette histoire autre chose qu'une simple leçon de morale trop prévisible pour Daphne. Un récit qui change des habitudes, à la différence de celle de Bay qui poursuit sa tentative pour se faire accepter de Melody qui n'apprécie pas sa liaison avec son fils.
Un couple dont personne ne veut...
... sauf le spectateur tant la relation entre Emmett et Bay reste une des bonnes idées de la fin de saison estivale, à l'opposée d'une liaison avec Daphné condamnée à l'échec. Les scénaristes s'amusent à continuer de leur mettre des obstacles sur leur chemin, que ce soit Daphne qui abandonne enfin ou plus naturellement la mère d'Emmett. Le principal point positif de cette opposition entre les deux femmes réside dans l'incapacité de Bay à comprendre les échanges entre elle et son fils, l'obligeant à se référer au ressenti plus qu'au signifiant d'un langage dont les subtilités lui échappent.
L'occasion d'appuyer sur le concept ingénieux de l'épisode, à savoir que le langage est un facteur décisif de l'intégration, devenir un membre de la famille voulant dire avant tout saisir les codes et nuances de leur mode d'échange. Le plus bel exemple apparait dans la scène où Bay découvre Daphne en conversation avec Simone et tente de prendre part à la discussion. Son incapacité à suivre le fil de celle-ci l'exclut du groupe naturellement, là où sa relation avec Emmett se définit par leur capacité à échanger un ressenti allant au-delà des mots.
La scène la plus marquante reste celle où Marlee Matlin est saisi d'un fou rire à cause d'une faute d'expression de Bay, séquence où celle-ci, avec un peu plus de maturité et d'aplomb, aurait pu retourner la situation à son avantage. Manquant cruellement de confiance en elle, la fille des Kennish est incapable de se mettre dans la peau des autres et de trouver le bon mode de communication pour nuancer ses propos. Une séquence de rire à gorge déployée qui est à la fois cruelle et très humaine, de loin la meilleure d'un épisode qui pose avec intelligence la question du langage et de ses nuances.
Un dialogue de sourd n'est pas ce que l'on croit (réponse à CAD sur Switched at Birth)
Evidemment, la note de cet épisode peut sembler dure au vu des qualités énumérées, mais elle correspond à un ressenti, celui d'un épisode qui peine à démarrer et à trouver le bon rythme. La quête de la fausse carte d'identité, les disputes entre Daphne et son père biologique sont autant de scènes qui alourdissent l'épisode, bavardages inutiles pour un show qui énonce une vérité forte, à savoir que l'abus des mots les privent de leur sens. Mettre l'expressivité en avant, privilégier le langage du corps à celui du verbe, voici la piste que les auteurs ont le mérite d'explorer en développant des scènes signées particulièrement fortes et intenses.
Cette seconde moitié de saison porte donc sur le langage de manière générale, celui du coeur et de l'esprit, celui de l'innée et de l'acquis, où un simple fou rire peut prendre deux sens totalement différents. Comprendre un langage ne repose pas sur la seule capacité de traduction, il repose surtout sur le rapport que l'on a envers l'autre et le ressenti devient aussi important que le signifiant. Là où Cad n'a vu dans le pilote et à juste titre qu'un conflit maladroit entre deux classes sociales (voir son papier intéressant dans la section chronique), il fallait voir aussi une série qui parle de l'identité par sa définition génétique certes, mais aussi culturelle.
C'est en confrontant les langues, en mélangeant les discours et en utilisant au maximum l'expressivité des comédiens que SaB devient un soap singulier et très intéressant. La scène entre Wilke et Daphne dans le bar devient symbolique de la complexité du sens qu'un simple mot peut prendre, la jeune femme envoyant des signaux contradictoires à l'ami de Toby. Le handicap s'efface pour laisser parler les émotions et montre combien la langue des signes et le discours parlé ont d'éléments en commun, ouvrant la porte indispensable pour permettre d'accepter l'autre et de l'intégrer malgré sa différence.
Des thèmes forts, mais une intrigue trop prévisible
Personne ne pourra dire que SaB n'a pas un message à faire passer, tant la série possède un fond complexe, brillant et, à première vue, quasi-inépuisable. Seulement, la forme va se révéler être beaucoup moins convaincante, reprenant un fonctionnement trop classique où l'identité de la série ne s'affirme pas assez. Voir Daphne enrager contre le reste des joueuses de son équipe est intéressant, mais la scène donne l'impression de ne pas exploiter cette frustration pour mettre la jeune femme face à ses propres contradictions.
En conclusion, le matériel est là, les idées de base sont très intéressantes et devrait donner un épisode de très bonne facture, mais la série joue trop la sécurité avec une intrigue dans l'ensemble beaucoup trop prévisible. Inégale, le show exploite mal ses bonnes idées, donnant une intrigue qui laisse sur sa faim malgré des comédiens particulièrement convaincants, Sean Berdy et Marlee Matlin en tête. Un épisode qui a surtout le mérite de sortir Daphne de sa latence et de faire éclater le cadre du show qui devenait de plus en plus restreint.
J'aime :
- la scène du rire de Marlee Matlin
- la thématique autour de l'intégration et du langage
- Daphne qui fait sortir la série de l'univers des Kennish
Je n'aime pas :
- un script trop prévisible
- les scènes entre Daphne et son père
- l'histoire de la fausse carte d'identité
Note : 12 / 20
Un épisode inégal qui, malgré un thème sur le langage et l'intégration particulièrement fort, ne soigne pas les détails et déçoit à cause de quelques scènes trop prévisibles. Un bon soap, mais légèrement décevant au vu du potentiel de ce sujet sur le lien entre identité et langage.