La solitude comme une souffrance
Daphne reçoit avec Wilke le titre du sportif du mois, une récompense les obligeant à vanter l'école de Büchner devant ses différents donateurs. Pendant ce temps, Regina obtient aussi son heure de gloire avec le lancement de l'exposition où ses oeuvres sont exposées, invitant Melody et Bay à venir avec elle pour le vernissage. Seulement, elle ignore que la fille des Kennish a aussi invité Emmett, lequel semble vouloir abandonner l'école pour vivre uniquement sa passion pour la photographie.
Résumé de la critique
Un épisode intéressant que l'on peut détailler ainsi :
- Emmett en pleine crise d'identité
- Regina qui affronte la solitude de l'exposition
- Daphne qui fait face à ses propres contradictions
- une histoire avec Kathryn peu intéressante
Seul, face à un reflet qui ne lui ressemble plus
Si l'épisode propose une mise en route dans l'ensemble assez moyenne, la première scène où Sean Berdy essaie d'apprendre à articuler seul face à une glace est particulièrement troublante et permet de deviner que cet épisode va être plus ambitieux que les précédents. Le comédien est remarquable, testant son implant pour la première fois pour essayer de prononcer des phrases simples. Bien qu'il connaisse le sens de ce qu'il dit, les sons ne sont qu'une suite de bruits inintelligibles, l'obligeant à développer une partie de lui qu'il avait l'habitude de délaisser jusqu'ici.
Un effort terrible et une sensation de malaise horrible parfaitement rendue par un comédien très expressif qui va nous permettre de comprendre la crise d'identité qu'il traverse. Difficile pour celui qui s'est toujours considéré comme un sourd d'affronter un sens ennemi, symbole d'une trahison du corps à l'origine d'une frustration refoulée. Au travers d'Emmett, on comprend que l'identité sourde se définit avant tout par la volonté de remplacer le mouvement de la vibration sonore par celui du corps où les yeux et le visage servent à donner une intonation à la gestuelle.
En pleine crise, le fils de Melody peine à s'y retrouver, pris au piège d'une famille décomposée, à l'opposée de celle de Bay où la stabilité et la cohésion, même apparente, permet de prendre le temps de la découverte du soi. Si le point de vue morale de l'histoire d'Emmett autour de l'importance de l'école et de la famille est un peu simpliste, la finesse du jeu de Sean Berdy permet de sortir du cliché pour mettre en évidence une vraie souffrance. Le bruit devient une agression, expliquant parfaitement son goût pour la photographie où le visuel est chargé de sens, preuve d'un vrai travail de réflexion dans la construction des personnages.
Face à son reflet, Emmett est seul et nous faire partager cet isolement et sa douleur, instant complexe où la série retrouve une vraie finesse dans l'écriture. Un bel épisode qui réserve des instants plutôt intenses, relançant le personnage de Sean Berdy en donnant du sens à la grave crise d'identité qu'il traverse.
Seule, comme un livre ouvert à la face du monde
L'autre histoire va concerner Regina qui voit son travail exposé, invitant Melody et ses deux filles au vernissage, moment de fierté pour elle, mais aussi de grande faiblesse. Cette réception va être au centre du scénario, plaçant à l'écart le couple Kennish qui va occuper une place très secondaire dans cette histoire. L'occasion de s'apercevoir que les storylines sur Regina sont le plus souvent les plus palpitantes, intégrant un plus grand nombre de personnages avec au centre une femme dont on connaît le passé plutôt sombre, possédant un rapport à la morale moins rigide que John et Kathryn.
La scène du vernissage est la réussite de l'épisode, entre la volonté de Regina de se réconcilier avec sa fille et le conflit qui se déclenche entre Melody et le père biologique d'Emmett. Une séquence très forte et particulièrement bien écrite où le talent de Marlee Matlin saute aux yeux, perdant brutalement pied lorsqu'elle découvre que son fils a consommé de l'alcool. La séquence possède alors une telle intensité qu'un silence gêné se crée autour d'eux, instant marquant et mémorable où les sous-titres deviennent inutiles tant les comédiens sont remarquables.
Loin de l'univers protégé des Kennish, le monde de Regina est un monde où l'art est moins rationalisé, expression brute d'une souffrance et d'une frustration, évoquant un ressenti sans chercher à lui donner du sens. L'autre bonne idée concerne la brochure, lorsqu'elle découvre que sa vie a été dévoilée par l'organisateur pour mettre en valeur ses oeuvres. L'occasion de souligner combien le commerce dans l'art est une affaire entre compromis et intégrité, faisant parfaitement écho à la storyline de Daphne.
Seule, entre ambition et intégrité
Pendant que les auteurs exploitent au mieux le potentiel du personnage de Régina, Daphne se voit sélectionnée pour faire la promotion de sa nouvelle équipe de basket. Le seul problème est que son intégration au sein de celle-ci est loin d'être réussie, avec Simone qui refuse de jouer avec elle et sa relation conflictuelle avec son entraîneur. Lassée de se battre contre tout le monde pour pouvoir s'imposer, elle fait le choix de remettre en cause sa participation, marquant le constat d'échec des auteurs devant cet arc narratif qui ne fonctionnait pas vraiment.
Pour justifier correctement ce départ afin qu'il n'apparaisse pas comme un abandon, les auteurs nous offrent une séquence avec Wilke intéressante où elle découvre que ses intérêts personnels sont finalement à l'opposé de ceux de sa nouvelle école. Plutôt que de se battre en se lamentant, elle choisit d'abandonner par conviction, geste en apparence chevaleresque qui cache un orgueil indéniable, mais ramène le personnage dans la bonne direction. Un virage nécessaire qui pousse la fille de Regina à se poser la question de ce qui prévaut pour elle entre son ambition et son intégrité.
Une intrigue convenable, assez prévisible qui marque un besoin des auteurs de tourner la page sur cette histoire de basket qui n'aura jamais vraiment pris. Un virage nécessaire tant les deux derniers épisodes auront laissé des craintes quant à la capacité du show à se renouveler et à quitter l'impasse narrative où il se trouvait. A l'opposé, le procès des Kennish contre l'hôpital continue de s'enliser, histoire importante par son lien avec l'échange à l'origine de la série, mais dont la progression hachée empêche d'en apprécier les enjeux.
Un procès qui met du temps à venir
Pour compléter encore un peu cet épisode, les auteurs confrontent Kathryn à l'infirmière à l'origine de l'échange, donnant une suite de scènes inutilement larmoyantes. Une storyline qui sert avant tout de piqûres de rappel pour la suite avant un retour sur ce procès qui aura un peu trop traîné, perdant petit à petit de son importance. L'occasion de lancer un arc intéressant autour de cette confrontation entre les Kennish et l'hôpital, en espérant que les auteurs en profitent pour amener un peu de contenu pour lancer pour de bon cette seconde partie de saison.
En conclusion, un épisode convaincant, largement supérieur aux deux précédents, qui vient conclure intelligemment l'aventure de Daphne au sein de l'équipe de basket de Büchner. C'est en se focalisant du côté de Régina et en délaissant les Kennish que les scénaristes retrouvent une certaine inspiration, surtout par le biais de cette longue scène dans la salle d'exposition très réussie. Retrouvant une finesse d'écriture que la série avait perdu, l'épisode propose deux très belles scènes à Emmett, Sean Berdy prouvant une nouvelle fois qu'il est un acteur vraiment touchant et étonnamment expressif.
J'aime :
- la scène d'ouverture remarquable
- la longue séquence à la salle d'exposition
- Sean Berdy vraiment étonnant
Je n'aime pas :
- le regard un peu trop mielleux de Kathryn envers l'infirmière
- la storyline de Daphne assez prévisible
Note : 13 / 20
Un épisode satisfaisant qui renoue avec une finesse d'écriture que SaB semblait avoir perdu, offrant une très bonne storyline tournant autour du personnage de Regina. L'occasion de clore certains arcs ratés, en particulier celui tournant autour de l'intégration de Daphne au sein de sa nouvelle équipe de basket, en espérant que l'embellie observée cette semaine se poursuive.