J’AI TROUVE ! J’AI TROUVE !
L’ensemble des personnes assises dans le grand Amphithéâtre d’Internet se retourna d’un bloc.
POUSSEZ-VOUS, MAIS POUSSEZ-VOUS A LA FIN !
Je traversai la foule compacte. Tout le monde était là : les fangirls et les fanboys de la série, ceux qui écrivaient des fanfics sur Tumblr, ceux qui étaient venus jeter un œil sur la série suite aux belles œuvres postées sur Deviant Art et qui constataient avec amertume que Stiles n’était pas le héros de la série, ceux qui se posaient les mêmes questions que moi, Pierre Langlais qui n’avait pas cru dès le pilot dans le potentiel de la série, … Il y avait même les rédacteurs de pErdusa qui avaient osé mettre la série à la seconde place de leur top annuel, assis dans un coin et moqué par tous les autres.
Non sans mal, je parvins à grimper sur l’estrade.
ECOUTEZ-MOI ! MAIS ECOUTEZ- MOI, BON SANG !
Peu à peu, dans la salle le silence se fit tandis que les regards restaient braqués sur moi.
« Je sais ce que vous pensez. Comme moi, vous cherchez depuis trop longtemps »
Un fanboy s’avança alors : « Nous, on ne cherche pas. On sait ! » Je lui jetai un regard noir et poursuivis : « A ceux qui ne se sont pas perdus, je vous dis ceci : j’ai trouvé LA réponse à la plus grande question de l’Univers ». Un petit « 42 ? » fusa du fond de l’Amphi, mais je ne me démontai pas : « Nous le savons tous, Teen Wolf est une série hybride, à la fois stupide et intelligente par fulgurance. On essaye tous depuis plus de trois ans de la définir, sans succès… Jusqu’à ce soir. Car oui, Mesdames et Messieurs, j’ai enfin trouvé ce qu’est précisément Teen Wolf ! ».
« C’est impossible ! » « HERESIE ! » « Faites-le taire ! » D’une voix forte, je poursuivis alors :
« Comme vous, j’ai été longtemps dans le noir. Comment en effet une série pouvait-elle conjuguer dans le même épisode une scène très touchante entre un fils et son père et cinq minutes chrono après, balancer des ralentis affreux sous une épaisse musique techno ? Je me suis posé moultes questions : les scénaristes sont-ils schyzo ? Y a-t-il un véritable sens à tout cela ? Tyler Posey est-il en réalité un génie d’acteur brechtien ? »
« IL L’EST ! » La fan girl qui venait de crier était rouge de colère. Ses amis eurent du mal à la calmer. Je repris :
« L’an dernier après la diffusion de l’épisode de mi-saison, j’avais cru trouver la solution : Teen Wolf était en train d’acquérir un statut de vraie série. Puis, j’ai vu cet épisode de reprise et j’ai dû refaire tous mes calculs. Cela m’a pris pas mal de temps, mais je suis enfin parvenu à une solution satisfaisante pour tout le monde »
« Accouche bon sang ! » « Quel baratin ! » La tension devenait palpable. Pas de doute, il fallait jeter ma dernière carte. Alors d’une voix forte, je lâchai la terrible vérité :
« Je puis donc dès aujourd’hui affirmer que Teen Wolf est en réalité un hommage. Un hommage global : aux films d’horreur, à leurs gimmicks, aux films de série B des années 80-90, à Buffy, aux nanars, aux fan-fics et à MTV. Teen Wolf compile toute la culture Bis de la fiction d’horreur de ces dernières années pour le transformer en pot-pourri compact ; un ensemble pas très bon, mais qu’on ne peut s’empêcher de regarder ».
Pour la première fois, la salle se tue, ce qui me donna l’impulsion suffisante pour continuer mon exposé :
« C’est une réponse de l’Entertainment US jeté à la face de ses spectateurs. Nous sommes allés bien trop loin dans le développement de notre sous-culture. Tout désormais peut être tourné en dérision. Rien n’est sérieux à notre époque. C’est pour cela que Teen Wolf contient dès l’origine les germes de sa propre parodie. Regardez ce dernier épisode, tout y passe : un remix d’Inception, des portes qui claquent à n’en plus finir, des personnages qui sursautent toutes les 30 secondes, de la comédie romantique, une poupée flippante, de la comédie grivoise de teen movie, des morts pas vraiment morts et j’en passe et des meilleurs. »
« Mais pourquoi cet épisode de reprise est-il si mauvais alors ? » demanda une voie inconnue dans le public.
« J’y viens justement. Le problème, c’est que Jeff Davis est allé trop loin. Il s’est servi trop souvent de sa propre série comme d’un gigantesque fourre-tout : banshee, alpha, arbre magique, Kamina, entre-deux monde, etc. Résultat, la série n’a aucun sens et cet épisode le montre parfaitement : il ne s’y passe rien. Les personnages sont comme en attente d’actions tandis qu’on leur demande de rejouer trois fois de suite la même scène de peur. Il n’y a pas d’enjeux, car l’enjeu est directement source de problème pour Jeff Davis ».
« Il y a de bonnes choses quand même dans cet épisode, tout de même ! » Les fans de la série s’étaient avancés vers la tribune d’un air méchant.
« Oui, bien sûr. 2-3 trucs oui. Le nouveau statut du père de Stiles, par exemple. Mais, lorsque je me suis rendu compte que ce qui m’avait le plus plu était le (léger) retour de Tatie Argent, je me suis dit qu’il y avait un problème ».
Les gens dans l’assistance s’étaient presque tous rassis, comme abattus. La dernière étape de mon discours arrivait donc à point-nommé :
« Mais tout espoir n’est pas perdu ! Car, j’ai découvert l’ultime secret de cette série. La réponse était pourtant devant nous depuis le début ».
Un silence de mort pesait dans la salle. Tous étaient suspendus à mes lèvres.
« La vérité, c’est que Jeff Davis est fan de sa propre série. Il n’écrit pas Teen Wolf comme le véritable showrunner qu’il devrait être, mais il écrit sa série comme sa propre fan-fiction. C’est pour cela que les idées les plus stupides se retrouvent souvent transposées à l’écran. Jeff Davis écoute les fans et réalise leurs souhaits. Un par un. Vous voulez un love-interest à Derek ? Il le fait. Vous voulez une relation Stiles - Lydia (Stydia pour les intimes) ? Il les montre ensemble dans le même lit. Vous voulez un père à Scott et une mère à Lydia ? Il vous les donne. Vous voulez un rapprochement Isaac - Alison ? Il leur donne une scène d’amour.
Jeff Davis n’en a rien à foutre de la mythologie qu’il a échouée à construire. Il joue avec ces personnages comme ses jouets. Comme l’enfant de six ans qu’il n’est pas. D’ailleurs, Monsieur Davis se tient parmi nous dans cette assistance, parmi le groupe qui l’adule le plus ».
C’est alors qu’un homme d’une quarantaine d’année, un peu timide, sortit du rang des fans :
« Oui, je suis Jeff Davis et vous n’avez aucune idée de ce que j’ai prévu pour la suite de la saison. Aucune ! Mais sachez juste ceci, j’ai regardé Sharknado pendant les vacances de Noël ! Mouhahahahaha ! ».
Jeff Davis s’enfuit alors vers la sortie, poursuivi par l’ensemble de l’amphithéâtre. Je restai seul… enfin pas tout à fait. Une fan-girl, larmes séchées, se tenait devant moi : « Si tu trouves cela si nul, pourquoi continues-tu de regarder ? Par masochisme ? Pour nous faire de la peine ? ».
Je lui souris : « Maintenant que j’ai compris la finalité de la série, tout va devenir plus simple. Teen Wolf est brainless et le restera à vie. Je n’ai plus de questions à me poser. Juste à apprécier une série qui a su me rendre ses personnages attachants. Ca et prier pour le vrai retour de Tatie Argent ».
Sans bruit, je sortis alors de la salle. Une partie de Lacrosse m’attendait.
To Be Continued. . .
04/20
Koss
