Malgré sa position estivale, on peut dire que The Leftovers était attendue : adaptation d'un roman, nouvelle création de Damon Lindelof et nouvelle production HBO (en plus d'un pilote réalisé par Peter Berg, un peu moins vendeur que ses confrères cinéastes mais que j'apprécie assez). Les attentes étaient donc particulièrement hautes, en tout cas de mon côté. Trop peut-être, pour une série estivale à mystère. Pourtant et même si ce n’est pas encore gagné pour la série, ce pilote montre qu’un mélange réussi entre drame haut de gamme et mystère est possible.
Une bonne série, c'est surtout de bons personnages
C'est pourtant simple à comprendre (moins à réaliser), pourtant bon nombre de séries à mystères ont oublié ce principe : peu importe le concept de base, si le spectateur ne peut pas s'attacher aux personnages, il décrochera. Vous vous souvenez de Flashforward et Persons Unknown, n'est-ce pas ? Bon, forcément, la provenance d'HBO fait qu'on attendait déjà une qualité au-dessus, mais la série aurait quand même pu se rater à ce niveau.
Et fort heureusement, ce n'est pas le cas. Sur la base, la plupart des personnages sont construits à partir de stéréotypes assez visibles : le père un peu bad boy mais surprotecteur, la fille rebelle, ou encore le fils indépendant. Mais à chaque fois, ils ont quelque chose en plus qui les rend intéressants et attachants. Ça peut être simplement au détour d'une scène forte, comme la dernière de l'épisode pour le père, décidant d'agir à l'encontre de ses valeurs face à la désillusion du monde dans lequel il vit désormais. Cela peut même être sur une seule image, comme celle magnifique du fils criant sans bruit pour lui-même à l'intérieur de la piscine. Mais cela peut aussi être représenté par un ensemble de contradictions : la fille rebelle mais introvertie, qui paraît se foutre de tout mais qui est au final une des plus touchées par l'événement survenu trois ans auparavant.
Buddy Garrity <3
En fait, la série a eu la bonne idée de centrer son récit sur quasiment une seule famille, et non un ensemble de personnages qui se croiseraient que plus tard. Du coup, l'épisode possède une unité qui permet un attachement très rapide aux personnages. Ainsi, la situation du père n'est pas sans lien avec la relation qui l'unit à sa fille, et l'intrigue du fils, déconnectée de tout le reste pour le moment, ne paraît pas inutile pour autant. Et si l'on regarde bien, tous les personnages secondaires sont reliés à l'un des quatre personnages principaux : le fils travaille pour un dénommé Wayne qui paraît peu sympathique, le personnage de Christopher Eccleston connaît le père, et toute l'étrange secte porte désormais le point de vue intérieur de la mère. Secte qui est rejoint à la fin par le personnage incarné par Liv Tyler, assez peu développé dans ce pilote.
Cela rejoint d'ailleurs l'autre bonne idée de l'épisode, surprenante, qui est de faire de la mère de famille non pas une disparue comme on s'y attendait, mais une des membres de la secte que l'on voit à plusieurs reprises. Cela complexifie encore davantage la psychologie des personnages principaux, et permet surtout de donner des indices sur la mythologie du monde de la série sans avoir besoin de faire de grandes révélations sorties de nulle part.
Une bonne série à mystère, c'est aussi une bonne gestion dudit mystère
Autant le dire tout de suite, les raisons pour lesquelles 2% de la population mondiale ont d'un seul coup disparu, je m'en contrebalance totalement. Ce qui m'intéresse, ce sont les conséquences sur les personnages, la découverte d'un monde à la mythologie inconnue. Voir les personnages s'interroger sur ces raisons, en revanche, est tout aussi passionnant quand cela est bien traité.
Ici, le moins que l'on puisse dire c'est que ce nouveau monde nous paraît assez obscur : pourquoi une telle présence des animaux ? Pourquoi cette secte dont les membres ne prononcent pas un seul mot ? Et puis, forcément, pourquoi cette disparition aléatoire ? Bon, je dois bien reconnaître que le principal élément que la série devra nous révéler petit à petit, c'est le pourquoi de l'apparition d'une telle secte. Surtout que pour l'instant, la décision finale du personnage de Liv Tyler de la rejoindre est difficilement compréhensible donc pas très accrocheuse. Mais encore une fois, ce n'est qu'un pilote, et la suite saura sans nul doute développer cela.
Cela dit, un mystère intriguant ne se fait pas seulement par son concept. Il se fait également par une tension latente, des scènes intenses qui viennent servir ce mystère à travers les personnages. Pour cela, la réalisation du premier épisode a été confiée à Peter Berg, qui a notamment créé la série Friday Night Lights. Ici, pas de caméra à l'épaule (pas tellement le style d'HBO, à priori), mais une très bonne gestion du rapport entre l'image et le son.
Le désespoir silencieux
Par exemple, la toute première scène de l'épisode, particulièrement forte, est accompagnée d'une étrange mélodie au piano qui donne un certain contraste à la scène car innatendue. Cette mélodie revient d'ailleurs à plusieurs reprises dans l'épisode et participe un peu à l'identité de la série. Celle à la fin, plus entraînante, fait très badass mais ce que l'on voit à l'image à ce moment-là est pourtant assez dramatique. Si on constate l'ambiance sonore générale, il est évident que la série relève finalement plus du drame que de la série estivale à mystère. En effet, plutôt que des effets de cliffhangers inutiles, la série use d'une musique puissante, à l'image du montage pré-scène finale particulièrement émouvant. Et pour un pilote, c'est déjà très fort.
Cela va sans dire que j'ai personnellement beaucoup apprécié ce premier épisode de The Leftovers, qui malgré son contexte propose quelque chose de sérieux et de qualité. Les personnages et la réalisation sont réussis, et c'est le plus important. Il faudra malgré tout faire attention à ne pas laisser trop longtemps le spectateur confus sur ce qui s'est déroulé pendant les trois ans en question, et garder à l'esprit que les personnages passent en priorité. Pour le moment, c'est le cas, donc j'achète.
J'ai aimé :
- Les personnages
- La réalisation et la musique qui donnent une très bonne intensité à l'ensemble
- La gestion de l'événement déclencheur
Je n'ai pas aimé :
- Une attitude générale que je trouve légèrement incohérente
- La figure stéréotypée de chaque personnage n'est pas très loin, attention !
Ma note : 15/20.