Le pire travail au monde
Selina Meyers était en course pour la Maison Blanche lorsque sa campagne a dévissé, lui laissant le rôle de Vice-Présidente ou Veep. Une position difficile à tenir qui lui laisse la gestion des projets dont le président ne veut pas, comme les emplois verts ou le programme spatial pour Mars. Seulement, après une bourde de son équipe de communicants, elle va découvrir toute l'ingratitude et la cruauté d'un poste qui inspire plus de mépris que de prestige.
Résumé de la critique
Un épisode moyen que l'on peut détailler ainsi :
- un faux mockumentaire sur les coulisses du pouvoir
- un rythme très rapide qui empêche d'entrer totalement dans la série
- un potentiel indéniable encore à exploiter
- un vision acerbe d'un métier ingrat
Les plaisirs de la seconde place
Pour Selina Meyers, son destin était tout tracé, d'abord sénateur, puis une campagne pour la Maison Blanche et l'espoir d'hériter un jour du rôle suprême de Président des Etats-Unis. Seulement, rien ne s'est passé comme prévu et sa campagne a tourné au fiasco, faisant d'elle la vice-présidente, un rôle dont le prestige va s'avérer être beaucoup moins important que prévu. Héritant des projets dont le président ne veut pas, la jeune femme tente d'exister, en particulier avec le problème des emplois verts et de la politique écologique, prônant le remplacement du plastique par des bio polymères en farine de maïs.
Ranger Veep dans une catégorie est difficile, le show étant une satire à la limite du mockumentaire légèrement décalé où chaque effort de son héroïne pour exister se retourne fatalement contre elle. Il y a donc beaucoup de cynisme dans ce concept et la mise en scène cherche avant tout à donner une vraie crédibilité à son personnage principal malgré ses nombreuses bourdes. Ancienne vedette de Seinfeld et Old Christine, Julia Louis-Dreyfuss campe à la perfection une femme politique parfaitement crédible, la comédienne laissant la partie comédie pure à son groupe de communicants.
Evidemment, la comédienne possède toujours ce talent incroyable pour passer de la rage la plus totale à un sourire enjôleur, grand huit des sentiments de celle qui tente de masquer sa frustration en cherchant à croire encore à son importance. Assez vite, le spectateur compatit avec celle qui aligne les bourdes involontaires et n'a de cesse de vouloir récupérer ses erreurs par le biais d'une communication qui est justement son point faible. Veep, ou l'histoire d'une perdante qui vit dans l'ombre du pouvoir suprême et doit faire face à l'hypocrisie de l'univers politique à son égard, rangée dans le placard le plus exposé du monde.
Un show difficile à aborder
Diffusé sur HBO, cette série se veut donc ambitieuse et commet de ce point de vue une erreur en proposant une scène exposition trop rapide qui peut vite déboussoler, omettant de faire l'effort de nous introduire à son univers. Il faut donc s'accrocher pendant un premier temps tout en essayant d'identifier le rôle de chacun des personnages, donnant cinq premières minutes assez perturbantes où le spectateur cherche ses marques. Une tâche difficile tant le récit part sur un rythme très élevé sans montrer le moindre signe d'essoufflement, multipliant les personnages en créant une certaine confusion.
Scénaristes récompensés pour In The Loop et The Thick of It, Armando Iannucci et Simon Blackwell posent les bases d'un univers riche, mais qui nécessite une certaine patience du spectateur pour pouvoir entrer vraiment son univers. La première scène de calme entre les communicants de Selena permet de rentrer enfin dans l'épisode et de comprendre la nature de ce qui apparaît vite comme une satire, jouant beaucoup sur l'hypocrisie du monde politique. Les comédiens sont tous très bons, Tony Hale en tête, permettant au spectateur d'apprivoiser un show qui risque malheureusement d'en rebuter plus d'un.
Difficile de juger un épisode comme celui-ci qui se montre à la fois d'une grande richesse, mais peine à poser un univers à la fois singulier et joliment décalé, récit à la fois cruel et touchant d'une femme en détresse. Vivant avec un titre qui lui rappelle chaque jour sa défaite, Selena est un personnage à la fois pathétique et plutôt sympathique, point fort d'un show pas facile à appréhender, mais doté d'un potentiel indéniable.
Du potentiel, mais doit faire ses preuves
La qualité première de Veep est évidemment sur son personnage principal, femme à la destinée singulière, condamnée à occuper un poste dont elle ne veut pas. Un titre honorifique qui ne sert à rien, la laissant chercher des moyens d'exister sans pour autant pouvoir échapper au souvenir d'une défaite aux primaires qu'elle cherche encore à comprendre. Il n'y a rien de pire qu'être le deuxième et c'est ce que montre ce show légèrement grinçant, portrait d'une frustration silencieuse parfaitement incarnée par Julia Louis-Dreyfuss.
L'utilisation effrénée du Blackberry, l'obsession pour les réseaux sociaux, tout sonne vrai dans cette satire qui mise veut paraître suffisamment crédible pour que le décalage comique fonctionne pleinement. L'univers des communicants est parfaitement rendu et certaines répliques sont particulièrement savoureuses sur les techniques pour rattraper leurs différentes bourdes de leur protégée. Leur difficile tâche consiste à préserver leur patronne contre elle-même, tout en subissant la loi d'une Maison Blanche qui n'hésite pas à la censurer selon son bon plaisir ou à lui réserver le rôle flatteur de bouclier présidentiel.
Mais ce qui est le plus formidable dans ce show est de voir combien Selena est sa pire ennemie, sa défaite aux primaires s'expliquant au final par son phrasé trop naturel, chaque propos non réfléchie de sa part engendrant une bourde inévitable. Non pas que cette femme soit idiote ou incompétente, son seul défaut étant de vouloir toujours faire la blague de trop, celle qui la met inévitablement dans l'embarras, obligeant son équipe à se démener pour la sortir d'une destinée qui ressemble à une lente descente aux enfers.
Un pari risqué
Difficile de vendre une série comme Veep qui parait au premier abord pas vraiment facile à aborder et risque d'en rebuter beaucoup dès les six premières minutes. Pourtant, le show possède un réel potentiel qui apparaît peu à peu, son personnage principal constituant son meilleur atout et le moteur parfait pour une comédie grinçante sur le milieu politique. Une série à voir comme un portrait décalé et cruel, mais aussi touchant et plutôt amusant, d'une destinée ratée, celle d'une femme qui se retrouve contrainte à occuper le pire poste qui soit, strapontin honorifique de ceux qui ont failli gagner.
En conclusion, un pilot frénétique et déboussolant dans un premier temps qui s'avère être assez difficile à aborder, mockumentaire cynique sur la vie de la vice-président des Etats-Unis. Heureusement, la qualité des interprètes, en particulier Tony Hale et Julia Louis-Dreyfuss, fait qu'on s'attache petit à petit à ce portrait d'une femme qui aurait pu réussir, mais qui a perdu sa confiance en son destin et semble condamnée à multiplier les bourdes. Une bonne surprise, même si le show est encore loin d'être aussi exaltant que prévu, en espérant que la suite parvienne à exploiter pleinement un concept de départ doté d'un vrai potentiel.
J'aime :
- Julia Louis-Dreyfuss très bien
- une satire très cruelle, portrait cynique d'une perdante
- une réalisation très soignée
Je n'aime pas :
- une première séquence mal gérée
- plusieurs personnages difficiles à identifier
- certains gags mal mis en valeur
Note : 12 / 20
Un épisode plaisant malgré un démarrage pour le moins discutable qui ne donne pas les clés pour apprécier pleinement le personnage de Selena. Heureusement, la série dispose d'une réalisation soignée et se laisse petit à petit apprivoiser, révélant une satire grinçante du milieu de la politique. Portée par une excellente Julia Louis-Dreyfuss, Veep possède un vrai potentiel, mais risque d'en rebuter beaucoup à cause de son démarrage plutôt abrupt.