D'emblée entendons-nous bien : cette saison est une catastrophe. Si on m'avait dit, il y a sept ans, le niveau atteint par la série cette année, je ne l'aurais pas cru. Bien au-délà d'un simple problème de qualité déclinante au fil des saisons, cette année, par son art consummé de la "presquitude", engenre une frustration immense.

Le Constat :

Tout découle de la relation chaotique entre Carter Bay et Creg Thomas d'un coté et la chaine CBS, productrice du show, de l'autre. Après avoir été au bord de l'annulation constante pendant quatre ans de suite, la série s'est vue renouvelée quasiment ad vitam eternam à partir de la fin de la saison 4. Bizarrement, ce fût justement à partir de cette saison 4 que les choses commencèrent à se gâter. Je ne connais pas l'histoire personnelle de M. Thomas et de M. Bay dont la série est librement inspirée (tout est compris justement dans ce "librement"). Mais je suis tout à fait sûr que cette histoire racontée à leurs enfants au coin du feu n'était pas destinée à durer aussi longtemps. Et je le démontre :

• Ted rencontre Robin (pilot)
• Sort avec elle (fin de saison 1)
• Rompt avec elle (fin de saison 2)
• Se fait un tatouage papillon (1er épisode de la saison 3)
• Tombe amoureux de Stella, la dermathologiste chargée de le lui enlever (saison 3)
• La demande en mariage (Fin de la saison 3)
• Est laissé sur l'autel par Stella qui retourne avec son ex-mari (mi-saison 4)
• Ce dernier se fait pardonner en offrant un poste de professeur à Ted (saison 4)
• Où il rencontre sa femme (fin saison 4)

Sauf que, grisé par le succès (HIMY est devenue entre-temps une formidable machine à cash), CBS l'a prolongée cinq saisons supplémentaires. Du coup, l'histoire devient incohérente :

• Ted rencontre Robin (pilot)
• Sort avec elle (fin de saison 1)
• Rompt avec elle (fin de saison 2)
• Qui sort avec Barney (mi-saison 3)
• Ted rencontre la mère à leur mariage (saison 9)

On le voit tout de suite, toute les intrigues Stella-Ted et Zoey-Ted ne servent à rien. Au mieux, c'est une meilleure compréhension de Ted sur ce qu'il attend véritablement de l'amour. Au pire, on a six saisons de bouche-trou. A vous de choisir. Et les scénaristes, par la voix de Barney, ne disent pas autre chose :

Les Problèmes :

On se retrouve alors face à cette saison 9. Faute d'avoir trop attendu et trop dilué son propos pendant six ans, cette saison se trouve vidée de son sens : la mère est déjà connue et on sait que le mariage Robin-Barney se passera mal. A quoi bon raconter une histoire dont on connait déjà la fin ? Carter Bay et Greg Thomas trouvent alors une solution radicale : concentrer toute la saison dans les dernières heures du mariage. Annoncée en juin dernier, cette idée a suscité chez nous des réactions pas franchement rassurées. Six mois plus tard, le constat est fait : nous avions raison. Cette saison souffre, en fait, d'un triple problème :

1. Un manque d'air et d'espace : la petite bande, de plus en plus tournée vers elle-même, évolue au sein d'un vase clôt et anxiogène : la salle de réception du mariage. Comme dans toute sitcom multi-caméra, How I Met Your Mother présente un décor de théâtre que le spectateur regarde au travers d'un 4ème mur. Cette saison reprend ces mêmes codes en les transposant dans le cadre du mariage : l'appartement devient la chambre de Barney et Robin, le MacLaren's devient le restaurant du mariage et les rues de New York deviennent la réception du mariage. Sauf que tout cela ne marche pas. Bloquées entre les quatre murs de cette horrible villa, les intrigues manquent d'espace pour pouvoir pleinement s'exprimer. En outre, l'absence de Marshall (pour des raisons contractuelles) pèse beaucoup sur le groupe qui, comme nous et plus que jamais, tourne en rond.

 

2. Une mauvaise gestion de la temporalité : la saison n'avance pas et c'est peu dire. Dans un espace réduit de temps et d'espace, la série est obligée de sacrifier SA force principale : sa gestion des flashback et flashforward. How I Met Your Mother s'est d'abord et avant tout distinguée (et on a un peu tendance à l'oublier) par son montage toujours dynamique. Cette saison l'utilise beaucoup moins et elle en pâtit immédiatement.

 

3. La gestion de la mère : ce dernier problème est pour moi rédibitoire. Coincés par le temps limité dont ils disposent pour construire leur récit, les deux showrunners ont trouvé une deuxième (mauvaise) idée : faire apparaitre le futur de Ted et de la mère. Ils décident même de montrer (dans une paradoxale belle scène sur fond vert moche) la demande en mariage. Cela fait huit ans qu'on attend le premier dialogue, les premières interactions entre celle-ci et Ted. Et là, on nous balance à la va-vite et souvent en fin d'épisode, des courtes scènes bancales destinées à faire patienter le specteur. Le pire dans tout cela, c'est que l'alchimie entre Cristin Milioti et Josh Radnor saute aux yeux.

La Théorie :

Normalement, tous ces éléments auraient dû me faire abandonner la saison. Normalement, je ne devrais pas être en train d'écrire ce papier. Et pourtant, un truc me titille... J'ai mis du temps à m'en rendre compte mais, à la différence des saisons 5 et 7 qui étaient juste très nulles, cette saison me frustre terriblement. Jusqu'à la semaine dernière, je ne savais pas pourquoi. J'ai tout de même fini par trouver : la saison culmine dans la presquitude des choses. La presquitude des choses, c'est l'art de pratiquement réussir et de se foirer lamentablement. Cette année, How I Met Your Mother donne ses lettres de noblesse à l'art du presque.

Chaque épisode contient, en effet, une ou plusieurs très bonnes idées... qui finissent toutes par se planter. Cela en est presque fascinant. Juger plutôt : les verres cassés par Lily, bon gag sur-usé à l'extrême, le concept même de Last Time in NY sous-exploité au possible dans l'épisode éponyme, le poker peu utilisé dans The Poker Game, l'idée du No Question Asked bien trop diluée dans un épisode épouvantable et j'en passe. Du coup, on a l'impression d'assiter à une forme de jeu de la part de scénaristes : "Regardez tous qu'on aurait pû faire et qu'on ne fait pas !" semblent-ils nous dire. Devant nos yeux et semaine après semaine, un potentiel immense est donc gaché systématiquement.

Les Solutions :

Face à cette accumulation de mauvais choix reste-il encore des solutions ?

On ne va pas se mentir, c'est très compliqué. Certains épisodes ont pourtant constitué chez moi des motifs d'espoir. C'est notamment le cas de l'épisode Platonish qui possède la particularité d'avoir son action située en quasi-intégralité à New York. Et tout de suite, la différence se fait sentir ! On respire mieux. On respire enfin. A dire vrai l'épisode en question possède une autre qualité que le reste des épisodes devrait penser à copier. La mère est, en effet, utile dans l'intrigue général, au lieu d'être balancée dans un flashforward comme on jette des restes à la poubelle. Mieux encore, lorsque la bonne idée de l'épisode est tenue tout au long de celui-ci, l'épisode s'en retrouve qualitativement grandit (les rimes dans Bedtimes Story).

On peut plus globalement espérer une meilleure accalmie à partir de l'épisode 13 qui voit le retour de Marshall parmi la bande (enfin !). La série a souvent eu comme particularité de réussir ce mid-season (on se souvient notamment de celui de l'an dernier). Celui-ci ne devrait donc pas déroger à la règle. La saison, par la suite, devrait se voir tirer vers le haut avec deux épisodes attendus : "Slapsgiving 3: Slappointment in Slapmarra" (ou l'épisode de la dernière baffe) et surtout "How Your Mother Met Me" (épisode que j'attends personnellement depuis le pilot).

Le problème, c'est que tout cela n'est que somme de conjecture. Je n'ai aucune foutue idée de la direction que va prendre la série dans son ultime ligne droite. Pire, la série peut encore baisser de qualité. Après la saison 5, j'avais déjà cru qu'on était arrivé au fond et puis il y a eu la saison 7. Après la saison 7, j'étais encore partisan du "Allez, maintenant, cela ne peut pas être pire ! ". Et puis il y a eu cette saison 9... En outre, j'ai le lourd sentiment que la série est tout à fait bien partie pour rater sa sortie de route. La récente annonce d'un spin-off du show intutilée How I Met Your Dad (le titre se suffit à lui-même, je crois) qui introduirait une nouvelle bande dans l'épisode final ne m'a absolument pas rassuré. Bien au contraire...

On le voit, par la faute successive de CBS, puis celle de Carter Bay et Creg Thomas, la série est désormais dans une impasse créative et narrative. Alors qu'il reste moins de quinze épisodes, il faudrait un véritable miracle pour l'en sortir. Après tout, nous sommes à Hollywood : le pays où tout est possible...

L'auteur

Koss