Entre 1818 et 1829, Georg Wilhelm Friedrich Hegel que l'on connait plus communément sous le nom de Hegel établit une liste des arts qu'il classe en se servant d'un procédé logique justifiant sa classification:
- 1er art : l'architecture
- 2eme art : la sculpture
- 3eme art : la peinture
- 4eme art : la musique
- 5eme art : la poésie
Hegel ajoute : « Ces cinq arts forment le système déterminé et organisé des arts réels. En dehors d'eux, il existe, sans doute, encore d'autres arts, l'art des jardins, la danse, etc. Mais nous ne pourrons en parler que d'une manière occasionnelle. »
Le procédé permettant ainsi de classifier les arts se base sur deux échelles, l'une privilégiant la matière, et l'autre l'expression. On peut ainsi lire ce classement dans les deux sens selon ce que l'on recherche: de l'art matériel mais peu expressif ou de l'art immatériel plus émouvant.
Ainsi, l'architecture est l'art qui utilise le plus de matériel car elle implique une construction solide plus ou moins esthétique mais très peu expressive. A contrario, la poésie ne nécessite aucun matériel particulier, celle-ci pouvant même être récitée ou chantée tout en étant le support artistique procurant selon Hegel le plus d'émotions.

En se basant sur cette classification, Ricciotto Canudo, un écrivain français d'origine italienne du début du 20eme siècle, ajoute à cette liste deux arts dont l'un est basé sur une croyance populaire induite par de nombreux écrivains avant lui. Le sixième art sera pour lui la danse, cité par Hegel comme étant un art dont nous ne pourrons « parler que d'une manière occasionnelle. »
Ce sixième art n'est pas clairement défini. Il inclut la danse mais aussi selon la version le mime, le théâtre et le cirque. La danse inclue donc tous les arts vivants impliquant une démonstration publique.
Le second art qu'introduit Canudo à la liste de Hegel n'avait avant lui jamais réellement et officiellement été considéré comme un art. C'est l'art que tout le monde connait aussi bien par sa dénomination d'usage, le cinéma, que par sa classification artistique, le 7eme art.
Canudo établit alors un manifeste du septième art dans lequel il expose un réquisitoire convaincant sur l'appartenance du cinéma à l'art en tant que grande catégorie et en le classant de tel sorte que ce 7eme art inclut en lui-même l'ensemble des six premiers arts. Je cite :
« En fabriquant sa première cabane, et en dansant sa première danse avec le simple accompagnement de la voix que cadençaient les frappements des pieds sur le sol, il [l'homme] avait trouvé l'Architecture et la Musique. Ensuite, il embellit la première avec les figurations des êtres et des choses dont il voulait perpétuer le souvenir, en même temps qu'il ajoutait à la Danse l'expression articulée de ses sentiments : la parole. De la sorte, il avait inventé la Sculpture, la Peinture et la Poésie; il avait précisé son rêve de perpétuité dans l'espace et dans le temps. L'angle esthétique se posa dès lors devant son esprit :"

Voici maintenant comment il définit le 7eme art: « Aujourd'hui, le « cercle en mouvement » de l'esthétique se clôt enfin triomphalement sur cette fusion totale des arts dite : cinématographe. Si nous prenons l'ellipse comme l'image géométrique parfaite de la vie, c'est-à-dire du mouvement - du mouvement de notre sphère écrasée aux pôles - et si nous la projetons sur le plan horizontal du papier, l'art, tout l'art apparaît ainsi :"

En se basant sur ce procédé d'introduction des arts précédents pour en faire un tout constituant un art nouveau, la télévision figure en bonne place pour être considérée comme le huitième art. En effet, celle-ci incorpore l'idée d'expression fictive regroupant tous les autres arts comme le cinéma, mais aussi un moyen de mise en scène de la réalité. Le 8ème art se retrouve dans la même posture que le sixième. Là où le sixième art est définit populairement comme « art vivant », la 8ème se place en tant qu' « art médiatique » regroupant la radio, la télévision et la photographie.
Nous nous arrêterons là pour la définition des arts. Il y en a d'autres comme la bande dessinée, définit en 1964 par Maurice de Bevere - alias Morris, l'auteur de Lucky Luke - et Pierre Vankeer comme le neuvième art, mais l'objectif de cet article est de définir la place de la série télévisée dans l'art.
En effet, comment placer la série télévisée dans ce classement ? Ce support artistique appartient de fait à deux grandes catégories.
- Le cinéma car la série télévisée inclut en elle même les autres arts selon le procédé de Ricciotto Canudo. Cependant, ce serait injuste au regard du format unique qu'induit ce support, tout en étant légitime car la série télévisée vise le même objectif.
- La télévision, ou plus largement l'art médiatique car le support commercial de la série télévisée implique le média télévisuel.
Série-All fait appel à vous, téléspectateurs, pour ouvrir le débat sur la place que doit occuper la série télévisée en tant qu'art. De notre coté, nous ne souhaitons pas que ce support face figure d'art 7,5, en demi teinte entre le cinéma et la télévision. La série TV n'est ni l'un ni l'autre vu qu'elle est les deux à la fois. Elle implique une expression diffusée par un procédé cinématographique autant que médiatique. Elle se place donc en tant que support artistique à part entière car elle nécessite un procédé de création et de diffusion unique. Qui plus est, à l'instar du cinéma et du média, elle se décline depuis peu sous plusieurs formes comme la websérie et la minisérie.
Nous pouvons donc nous poser la question suivante : la série télévisée peut-elle être légitimement placée en tant que catégorie dans le classement des arts à la manière du modèle de Hegel ? Si non, dans quelle catégorie l'introduire ? Si oui où la placer ?
Pour apporter un début de réponse, basons-nous sur la définition des arts médiatiques et cinématographiques.
Le média, selon le dictionnaire encyclopédique « Le Robert » est un anglicisme regroupant les « moyens, techniques et supports de diffusion massive de l'information ». C'est bel et bien ce que font la télévision, la radio et la presse incluant la photographie, encore que cette dernière puisse aussi être discuté en raison de son caractère esthétique mais cela ne concerne pas notre débat.
Le même dictionnaire nous donne comme définition artistique du mot « cinéma » : « art de composer et de réaliser des films ».
La série télévisée n'étant clairement pas un support de diffusion de l'information, doit-on pour autant la considérer comme du cinéma ?
Avant tout, il nous faut considérer le cinéma en tant que support artistique, c'est à dire en tant que moyen d'expression et non de divertissement. Pour le comparer à la peinture, le cinéma est un procédé permettant à un réalisateur (le peintre) d'exprimer une opinion, un sentiment ou une idée via une histoire animée (immobile dans le cas du peintre) de manière plus ou moins esthétique. Cette définition n'implique que moi et représente ma manière d'envisager le cinéma. En se basant sur cette idée, qu'est-ce qui différencie le cinéma de la série tv hormis son procédé narratif et son support ? Rien, mais ce n'est pas forcément un argument recevable.
En nous basant sur le manifeste de Ricciotto Canudo, si l'architecture a donné naissance à la sculpture et à la peinture (la sculpture étant à l'architecture un embellissement « avec les figurations des êtres et des choses dont il (l'homme) voulait perpétuer le souvenir », le cinéma à incontestablement donné naissance à la télévision en tant que média et à la série télévisée. Nous pouvons même envisager la télévision comme découlant du média pour inclure la photographie comme catégorie mère du cinéma et de la série télévisée. En reprenant les schémas de Canudo pour y inclure la photographie, le cinéma, le média et la série télévisée, on obtiendrait donc l'un des deux schémas ci-dessous :

Ce schéma déplacerait le cinéma au 8eme rang en plaçant la photographie à sa place. Cela nous paraitrait plus juste mais en opposition avec la réalité. Pour être plus en adéquation avec celle-ci et ne respectant pas la chronologie nous obtiendrions ce schéma :

La série télévisée se retrouverait donc à la 8eme place sur le classement de Hegel et la télévision à la neuvième place. Cependant, nous pouvons également considérer la télévision, la radio et la presse, donc les médias comme étant eux-même des supports de diffusion des autres arts en tant qu'entités distinctes contrairement au cinéma qui regroupe, lui, l'essence des autres arts. Pour illustrer, le cinéma inclut la sculpture, la peinture, l'architecture, la poésie, la musique et le spectacle comme étant un tout, alors que les médias ne font que les diffusé distinctement. Nous obtiendrions ainsi ce schéma, plus simple :

Nous ne prétendons pas savoir si les médias sont des arts, nous laisserons aux autres le soin d'en discuter. La bande dessinée et les autres arts s'ajouteraient naturellement à la liste mais en nous basant sur la logique de Canudo, voici le classement des arts tel que nous l'envisagerions :
- 1er art : l'architecture
- 2eme art : la sculpture
- 3eme art : la peinture
- 4eme art : la musique
- 5eme art : la poésie
- 6eme art : les arts vivants
- 7eme art : le cinéma
- 8eme art : la série télévisée
- 9eme art : la photographie
Nous laisserons les intéressés débattre de la question de la place de la bande dessinée légitimement 9ème par rapport à la photographie. Pour ce qui nous concerne, la question reste ouverte, et je vous la repose.
La série télévisée peut-elle être légitimement placée en tant que catégorie dans le classement des arts à la manière du modèle de Hegel ? Si non, dans quelle catégorie l'introduire ? Si oui où la placer ?
La parole est à vous !

Avec des arts de 1er range/second etc.