C'est toujours un moment délicat en soirée : « Et toi, tu regardes quoi comme série ? » Dois-je mentir et faire croire que je m'enflamme pour la dernière saison de House of the Dragon ? Feindre que la dernière pépite suédoise d'une obscure plateforme m'enchante comme jamais ? Non. Non ! Il est désormais temps de tout assumer ! Car oui : j'aime la télé-réalité coréenne ! Et laissez-moi vous prouver le bien-fondé de mes propos :
100% physique !
C'est quoi ?
Cent candidats s'affrontent pour décider qui est l'homme ou la femme le ou la plus fort·e de Corée, à travers une série d'épreuves... physiques (oui, c'était dans le nom).
Durée
Deux saisons de neuf épisodes chacune.
Et c'est bien ?
C'est... complètement débile et génial. Voir des hommes et des femmes combattre dans la boue pour attraper une grosse balle, tenir le plus longtemps suspendu dans le vide, courir la plus longue distance possible sur un tapis de course mécanique ou porter un bateau de bois de 2,5 tonnes sur plusieurs mètres dans le sable me fascine entièrement. L'objectif n'est jamais aussi limpide que lorsqu'il est réduit au plus grand dénominateur de l'humanité : alors, c'est qui le plus fort ?
Comment j'assume de regarder ça ?
La Corée du Sud, État si particulier, est tiraillée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale entre deux aspects : la compétition individuelle inhérente au capitalisme et l'esprit d'entraide coréenne face à un environnement géopolitique menaçant. 100 % physique ! traite précisément de ce sujet : chaque candidat pense en effet qu'il ou elle est intrinsèquement le plus fort ou la plus forte, tout en respectant profondément ses aîné·es ou ses maîtres. Presque un déchirement interne entre tradition et modernité. Rien que ça.
Le GOAT de la série
Yoshihiro Akiyama, un combattant de MMA de quarante-huit ans fringué comme un Yakuza décati (lunettes dorées comprises), obsédé par l'idée de prouver que « les anciens en ont encore sous le coude. » Son charisme, son leadership et sa ringardise portent complètement la saison 1.
Point faible de la série
Une finale de saison 1 totalement à la ramasse, entachée qui plus est de forts soupçons de triche. Une vraie déception.
Point fort de la série
L'affrontement larvé entre Yoshihiro Akiyama et Yun Sung-bin, champion de skeleton et utra beau-gosse. Un combat tout en respect et humilité qui traverse la série de part en part.
Note : 14/20
Sirène : l'île aux survivantes
C'est quoi ?
Vingt-quatre policières, militaires, gardes du corps, pompières, soldates, athlètes et cascadeuses font équipe par profession afin de survivre sur une île isolée.
Durée
Une saison de dix épisodes.
Et c'est bien ?
Oui... et non. Sur le papier, tout y était pour bien fonctionner : du Koh-Lanta, des épreuves physiques et de survie, et du féminisme. Dans la pratique, on assiste un banal "capture the flag" pas dénoué d'intérêt, mais pas à la hauteur des attentes.
Comment j'assume de regarder ça ?
La série possède un certain discours féministe très timide, mais mine de rien peut-être nécessaire dans une société coréenne profondément sexiste. La série réhabilite pas mal de corps de profession et le fait toujours avec le plus grand respect.
La GOAT de la série
Sergente Kang. La sous-cheffe de l'équipe des militaires n'est clairement pas venue enfiler des perles sur cette île. Sa rage de vaincre, son côté provoc' et son charisme font d'elle la meilleure candidate. Et de loin.
Point faible de la série
Un montage aux fraises. Sur certains épisodes, la série peine à nous montrer l'essentiel et l'important. Sûrement par manque d'images certes, mais aussi par de vrais problèmes de spatialisation géographique.
Point fort de la série
Les épisodes de mi-saison (épisodes 4 et 5 notamment), habituellement creux dans ce genre d'émission, s'avèrent particulièrement réussis. La faute encore à une sergente Kang particulièrement on fire !
Note : 12/20
À l'épreuve du diable
C'est quoi ?
Douze candidats aux QI très élevés et enfermés dans un loft s'affrontent sur... des jeux de société, de logique, de mémoire et d'intellect.
Durée
Une saison de douze épisodes.
Et c'est bien ?
Je sais... Je sais... Le pitch ne fait pas rêver. C'est pourtant un chef-d'œuvre et de loin la meilleure émission de télé-réalité que j'ai vue de ma vie. C'est dingue comme tout est remarquablement exécuté. Le fait d'enchaîner des épreuves de traîtrise, avec des épreuves d'entraide commune n'est pas une idée neuve ; À l'épreuve du diable le fait à la perfection, avec un sens de la dramaturgie et du twist assez exceptionnel. Commencez juste par regarder un seul épisode et vous verrez...
Comment j'assume de regarder ça ?
Comme pour 100 % physique !, le show oppose deux Corées : celle capitaliste qui veut qu'un seul candidat remporte l'émission, et celle communiste qui veut que tout le monde en sorte gagnant. Ce second système est porté par un joueur nommé Orbit, un Youtubeur scientifique et personnage complètement fascinant qui change systématiquement toutes les règles des jeux exposés pour lui permettre de « sauver tout le monde », mantra qu'il répète ad nauseam pendant la saison 1. Par sa seule présence, Orbit pousse même la production à réagir face à sa manière de jouer absolument improbable. Le tout sonne en filigrane à la fois comme une critique du système Orbit, mais aussi (et c'est là où ça en devient génial) ... du jeu en lui-même. Car si un système ne permet pas « de sauver tout le monde », c'est peut-être et sûrement parce que le système est lui-même mauvais. Difficile de faire plus méta et vertigineux.
Le GOAT de la série
Face à Orbit, il fallait un vrai méchant (ou gentil). Ha Seok-jin, acteur surdoué et très beau gosse, endossera ce rôle. Candidat ultra-malin et qui ne perd jamais son sang-froid, il est un des seuls à s'opposer au Youtubeur scientifique. Un affrontement épique, magnifique et extrêmement bien porté par la série. Du caviar.
Point faible de la série
La seconde épreuve qui fait sortir plusieurs candidats sur du hasard. Décevant et quasiment à l'encontre du principe même du jeu.
Point fort de la série
L'épisode 7, le twist de l'épisode 8 et le monstrueux final de l'épisode 9. Survivor peut clairement aller se rhabiller.
Note : 17/20
Trois propositions différentes, trois visions qui dessinent volontairement et souvent involontairement l'image d'un pays ultra capitaliste, inégalitaire et profondément compétitif. Soit précisément tout ce que la télé-réalité est intrinsèquement en son sein. Difficile même de trouver un creuset plus idéal pour que ce genre s'épanouisse pleinement. Plus réalité que télé au fond et c'est bien là tout ce qu'on lui demande.