Une telenovela bien ancrée dans le monde réel : focus sur la première saison de Jane the Virgin.
Attention, cette série est dangereuse – mais stimulante – pour votre cerveau. Il y a tellement de choses qui se passent que décider de la binger peut se révéler nuisible pour la santé.
Attention également, ce focus contient des spoilers, mais je vous l'indique. Je suis sympa hein ?
Dans la vie (oui, « dans la vie » va devenir mon « de tout temps les hommes ») on rencontre des ovnis. Des choses – ou des personnes – arrivant de nulle part. Quand tu les vois, tu te dis « mais naaaan, mais c’est quoi ce truc ? ». T’es tout de même curieux, et puis honnêtement ça t’amuse de voir des trucs bizarres. Qu’importe que cela réussisse ou que cela échoue, au pire t’auras quand même rigolé. Vu que t’es plutôt de type enflure, tu te délectes quand même davantage des échecs que des réussites.
Sauf que quelquefois, le karma revient te mettre un high-kick dans la face. Cette chose bizarre dont tu rigolais et te moquais devient ce dont tu ne peux plus te passer. Alors Mesdemoiselles (ah pardon on n’a effectivement plus le droit de dire ça), Mesdames et Messieurs, voici venu le temps non pas des rires et des chants, mais bien celui de revenir sur la première saison d’une des plus grosses surprises de ces dernières années dans le monde des séries : Jane the Virgin.
Un mélange parfaitement dosé d'excentricité et de réalisme :
L’histoire est, pour reprendre un homme politique, plutôt abracadabrantesque. On suit les pérégrinations de Jane Gloriana Villanueva (étincelante, Golden Globes winner, Gina Rodriguez), jeune femme croyante, vierge et avec un fiancé parfait, le détective Michael (Brett Dier). Elle vit avec sa mère Xiomara (Andrea Navado) et son abuela Alba (Ivonne Coll). Bref la fille parfaite – donc chiante – par excellence. « Heureusement » t’as le Dr. Luisa Alver qui arrive, tête en l’air comme pas deux, et qui se goure de nana à inséminer ! À la place de Petra Solano (Yael Grobglas), on a donc Jane, vierge et enceinte !
Ce n’est pas fini ! Le mari de Petra, Rafael (Justin Baldoni), est également celui avec qui Jane avait eu un « moment » il y a de cela cinq ans. En bon playboy cliché qu’il était, il ne l’avait pas rappelée et ils en étaient restés là. Donc le beau et ténébreux Rafael revient dans la vie de Jane et devient de plus le père de son bébé. Vous suivez toujours ? Parce que ce n’est toujours pas fini. Luisa est amante avec Rose (Bridget Regan, cœur cœur) qui est également la femme du père de Rafael et Luisa, qui sont ainsi frères et sœurs, mais d’une mère différente ! Ah et Petra possède un amant, qui est (allez, vous allez pouvoir deviner non ?) le meilleur ami de Rafael. Le père de Jane, que cette dernière n’a jamais connu, est en réalité une star de telenovela. À ce moment-là vous devez vous dire que cela fait beaucoup. Mais tout ça, vous l’apprenez dès le premier épisode !
La suite est du même acabit. Les intrigues, souvent plus farfelues les unes que les autres, s’enchaînent à un rythme qui pourrait faire passer Usain Bolt pour un vulgaire joggeur du dimanche.
Tout ça ne pourrait toutefois pourtant pas fonctionner si Jane the Virgin n’avait pas un pied profondément ancré dans la réalité. Les discussions entre la fille, la mère et l’abuela (qui ne parle d’ailleurs qu’en espagnol, nice touch) donnent de la profondeur à la série, qui n’est pas seulement une succession d’évènements plus originaux les uns que les autres. La combinaison – gagnante – de ces deux éléments rend Jane the Virgin à la fois pertinente et superbement divertissante. Une recette que très peu de shows arrivent à reproduire.
Des personnages en or massif sertis de diamants et de rubis doublés de saumon de Norvège fumé :
L’une des raisons pour laquelle Jane the Virgin fonctionne si bien réside dans le fait que les scénaristes semblent tout faire mieux que les autres, et cela commence par les personnages. Il y a bien évidemment Jane, une femme normale dans un univers qui l’est bien moins. Franchement « femme » et « normale » ne sont pas vraiment deux termes connexes lorsque l’on s’intéresse de près aux séries télévisées. Ses valeurs, sa façon de toujours voir le bon côté des choses, son cœur immense… Jane est véritablement une bonne personne. Mais elle reste humaine. Capable d’erreurs, d’égoïsme, de ressentir la peur et d’y céder, elle n’est pas parfaite et c’est cela qui la rend tellement sympathique. En présentant un personnage féminin vulnérable, drôle et avec des objectifs et des rêves, l’équipe créative réalise un véritable coup de maître.
S’il n’y avait que Jane, on regarderait une bonne série. Sauf qu’encore une fois, tous les personnages sont écrits avec une plume d’oiseau rare (la chasse c’est mal hein). La famille de Jane permet à la série de développer organiquement les relations entre ses personnages féminins principaux (alléluia). Michael et Rafael sont la source de nombreux moments comiques, qu’ils aient un rapport avec Jane ou non. En quelques mots, tous présentent leurs propres caractéristiques et, de fait, apportent inévitablement quelque chose en plus à la série. Ah et le narrateur est un personnage à part entière de la série. Ses interventions, toujours drôles et bien placées, sont rafraîchissantes, notamment au vu des catastrophes que sont souvent les voiceover. Néanmoins, même si j’aime tous ces personnages, ils ne pèsent pas bien lourd comparés à Rogelio de la Vega (à prononcer avec emphase et avec l’accent espagnol).
Ce dernier représente l’allégorie de Jane the Virgin. À ses débuts, Rogelio est imbu de sa personne. Excentrique jusqu’à lasser et incapable de se remettre en question. La – selon ses propres mots – superstar de telenovela n’a de comptes à rendre à personne. Après tout, il possède 6.3 millions de followers sur Twitter. Il n’a qu’un seul défaut : sa beauté ne ressort pas dans des habits couleur pêche. Dès qu’il rencontre Jane, qui est donc sa fille, il « s’humanise » dans le sens où il devient plus qu’un simple gimmick comique. Comme les scénaristes gèrent leurs mères et leurs grand-mères (dans le cas de cette série, cela peut se comprendre au sens littéral), Rogelio ne perd pas les caractéristiques qui font de lui l’arme comique absolue. Que cela soit son côté gentiment arrogant, son incapacité à dire les choses comme elles sont ou encore ses manières sorties tout droit de la plus cliché des telenovela (Les Passions de Santos), Rogelio reste lui-même, mais en mieux. Aux côtés des femmes de sa famille recomposée, il redescend un petit peu sur Terre. Il entretiendra une amitié complètement improbable avec Michael, qui bénéficiera aux deux personnages et donnera lieu à des scènes absolument jubilatoires. Pour finir, voici une compilation de ses meilleurs hashtags – parce que, il ne le précise jamais assez, Rogelio de la Vega maîtrise Twitter avec ses 6.3 millions de followers – ainsi que son alarme de réveil personnalisée (parce que Rogelio de la Vega) :
#GoRo ; #RogelioMyBrogelio ; #VivadelaVega
Des méchants bien vicieux comme on les aime :
Que serait Jane the Virgin sans ses méchants ? Pas aussi jubilatoire, ça c’est sûr. Le méchant iconique de cette saison reste bien évidemment Sin Rostro, le trafiquant de drogue appelé également « l’homme sans visage ». Ce qui, il faut le dire, est un nom badass. Sa recherche, évidemment pleine de rebondissements, place Michael et sa coéquipière sur des traces qui ne sont jamais les mêmes d’un épisode à l’autre.
SPOILERS ! WARNING !
Bon pour être honnête, lorsque j’ai vu que Bridget Regan allait jouer Rose, je me suis dit que quelque chose clochait. Evidemment elle n’était déjà pas nette avec toute cette histoire d’amante de la fille de son mari (décidemment Bridget Regan a comme habitude d’embrasser des femmes, et souvent ce sont pour de funestes causes), mais cela va s’accentuer d’épisodes en épisodes. L’équipe créative distille les indices petit à petit et il est déjà trop tard lorsque la police apprend la véritable identité de Rose : Sin Ros(e)tro. Lors de sa dernière apparition, on ne sait pas si c’est encore Bridget Regan qui interprète le personnage, ce dernier ayant surement utilisé son réseau criminel de chirurgie esthétique pour changer d’apparence. Je vous avais bien dit que ce personnage était badass.
Bon j’espère tout de même que Bridget reviendra la saison prochaine, parce que Bridget quoi.
FIN DES SPOILERS. VOUS POUVEZ RELIRE.
Néanmoins, aussi badass qu’il soit, Sin Rostro, niveau pourriture terrestre, n’arrive pas à la cheville de Petra (faut dire qu’elle a de longues jambes). Celle-là c’est la biatch de nos cauchemars : capable d’accuser son mari de sévices corporels, de diriger l’hôtel qui appartenait au père – désormais mort – de son ex-mari, de coucher avec son ex pour ensuite mieux le détruire… Je ne voudrais pas la croiser où que ce soit. Il y a eu d’autres méchants cette saison, que cela soit Lachlan (son ex) ou encore sa mère. Elle les a tous terraformés ou tout du moins asservis. Si elle donne souvent l’impression d’avoir un côté sensible, ne vous y fiez pas, elle risque de mieux vous poignarder après. Je n’ai pas envie de vous spoiler la fin de saison donc je dirai uniquement ceci : Petra va être redoutable l’année prochaine. J’ai peur. Brrrh.
Une série qui a des opinions et qui n'a pas peur de les faire savoir :
Jane the Virgin sait décidément tout faire. Non contente d’écraser qualitativement (je n’exagère pas, regardez vraiment cette série) la majorité des séries actuelles, elle se permet de délivrer des messages forts liés à l’actualité. Le cast est composé principalement de latinos, ce qui n’est pas vraiment commun dans le paysage télévisuel d’aujourd’hui. Cela ne s’arrête pas là, les scénaristes de la série se permettant d’attaquer frontalement certains sujets sensibles.
La réforme de l’immigration – notamment avec ce qui est appelé medical repatriation – est un sujet qu’un bon nombre d’Américains ne connaissent que trop bien. Alba – immigrée illégale aux Etats-Unis – après son opération doit se faire déporter, et ainsi continuer de se faire soigner au Venezuela. Comme dirait le narrateur : « Yes, this really happens. Look it up. #Immigrationreform » (traduction : oui, cela arrive vraiment. Recherchez-le.). Et effectivement, recherchez-le.
Ce qui se révèle intéressant dans cette storyline est qu’elle va de paire avec la super-religiosité de la série. Jane et sa grand-mère sont très croyantes, et la religion est toujours présente, faisant partie intégrante de la vie de la petite maisonnée Villanueva. Les deux sujets – l’un ancien et l’autre résolument actuel – se superposent donc lors d’un épisode (Chapter 10), rendant Jane the Virgin encore plus attachante et intéressante que je ne le pensais possible.
Ce n’est pas tout ! Durant toute la saison, on voit Jane se débattre avec le fait d’être enceinte, ce qu’elle n’a d’abord pas souhaité, mais qu’elle va rapidement accepter. Le sujet de la maternité est abordé avec beaucoup de sensibilité et de retenue. Jane n’est pas tout le temps heureuse pendant sa grossesse, comme tout le monde elle a des sautes d’humeurs, des moments difficiles. Elle a en outre ses propres problèmes à gérer, que ce soient ses aspirations professionnelles, ses incertitudes amoureuses (alors? #TeamMichael ou #TeamRafael ?) ou bien son père qu'elle vient tout juste de rencontrer. Tout n’est pas rose mais elle s’accroche. En récompense, elle bénéficie de petits moments de répit, qui lui permettent de relâcher la pression. Notamment celui, absolument adorable, où elle fist bump le bébé. Il n’existe pas beaucoup de séries dépeignant la grossesse de façon réaliste. Mais encore une fois, il n’y a pas beaucoup de séries comme Jane the Virgin. God, que j’aime ce show !
Jane the Virgin représente le bol d’air frais de cette saison. Drôle, intense, pertinente et maîtrisant l’art du twist, cette première saison se transforme rapidement en véritable coup de maître. La question maintenant est de savoir s’ils vont pouvoir continuer sur ce même rythme pour la suite. Personnellement je ne me fais pas de souci. Au vu des nombreux cliffhangers ayant clôturé le season finale, l’équipe créative possède toutes les cartes en main pour continuer de nous raconter sa drôle d’histoire.