Par définition une série a pour ambition de durer le plus longtemps possible. Si elle est assez fortunée pour que ce soit le cas, elle fait face à un nouveau problème : le danger de la routine. Les situations commencent à se répéter, le rythme devient plus mécanique qu’organique et l’on se retrouve à suivre la série non plus par plaisir mais quasi par « obligation ». Pour moi par exemple, cela fait maintenant 5 saisons que je regarde Harvey Specter (Suits) résoudre des affaires par l’utilisation répétée de références à des films connus. À un moment trop c’est trop.
Les showrunners doivent donc trouver de nouvelles idées. Leur série a besoin d’un petit lifting et ils ne reculent devant rien pour lui accorder. Ils ne cherchent alors plus qu’à sauver les meubles, ainsi que souvent leur tête. Le plus souvent, au défi de toute logique. De tout, ils passent sans transition au n’importe quoi.
Passons aux origines. La série Happy Days popularisa l’expression : en 1977, lors de l’épisode Hollywood, Fonzie (un des personnages) est en ski nautique. Jusque-là rien de très spécial. Sauf qu’il fait du ski nautique dans un bassin où il y a un requin (vous la voyez venir l’origine ?). Et qu’il saute (toujours pas ?). Au-dessus (dernière chance...) de ce même requin, sous les applaudissements de la foule en délire.
Fonzie a donc – littéralement – jumped the shark, Happy Days également. Bizarrement l’épisode en lui-même rencontre un franc succès, même si la crédibilité de la série se retrouve écornée, comme vous pouvez l’imaginer. L’expression rentrera définitivement bien plus tard dans le vocabulaire des sérievores, à la fin des années 1980.
Jumping the shark signifie beaucoup de choses, de changer drastiquement le ton de la série à faire revenir un personnage que tout le monde croyait mort, mais le commun dénominateur reste que la série en question devient tellement moins crédible qu’elle perd encore davantage d’intérêt. Ironique puisque le but était justement de lui redonner un coup de jeune.
Maintenant que la partie technico-tactique est terminée, penchons-nous en détail sur 5 séries qui ont sauté au-dessus d’un requin et qui se sont lamentablement retrouvées bouffées toutes crues (j’exagère, mais à peine). Et il y a même un ordre tiens ! Ah oui attention néanmoins, va y avoir des spoilers. Duh.
5) Shameless (US) et Steve qui revient d’entre les morts :
Shameless c’est du bon et du pas bon. Longtemps les showrunners ont tenté de nous faire aimer le couple Steve/Fiona. Que les deux acteurs soient issus de Dragonball Evolution n’augurait rien de bon. Mais comme chaque bon syndrome de Stockholm, finalement on commence à s’y faire. Le plus gros problème reste cependant Steve, qui devient appréciable au moment où il perd toute crédibilité. Donc le fait qu’il disparaisse en fin de saison 3 ressemblait à une aubaine. Et pendant quelques moments ce fut le cas. Fiona devient plus mature dans sa façon d’appréhender une relation, trouve un fiancé stable et solide. Fin de saison 4 toutefois, ce bon Steve revient d’outre-tombe. À mon sens une ficelle scénaristique aussi grandiloquente qu’inutile, surtout au vu de son rôle de dans la suite de la série. Fiona se porte mieux sans lui et Shameless également.
4) Finding Carter et la décision de faire de Lori le vilain :
Finding Carter fut une véritable surprise en première saison. Un teen drama de qualité, racontant l’effet et le poids des mensonges dans une famille qui voit réapparaître la fille, Carter, que tout le monde croyait disparue pendant treize ans. Kathryn Prescott irradie en Carter Stevens et le reste du casting se révèle solide. Cette saison ne comportait pas de grands méchants : Lori (la kidnappeuse de Carter) n’opérait qu'en arrière-plan et Crash (le petit-ami de Carter) souffrait plus de stupidité profonde qu’il n’était vraiment mauvais. MAIS. La deuxième saison réintroduit Lori en tant que vraie mastermind du mal, faisant passer Carter par toutes les émotions et ne lui laissant jamais une seconde de répit. Là on arrive à un problème. Finding Carter racontait l’histoire d’une survivante qui tentait de se réintégrer à sa famille d’origine tout en ayant du mal à oublier d’où elle venait. Désormais Lori fait souffrir le martyre à Carter et je ne sais pas vous, mais voir souffrir psychologiquement une adolescente à cause d’une cinglée, ce n’est pas trop ma tasse de thé (ça rime donc c’est vrai).
3) Heroes et tout ce qui se passe après la saison 1 :
Qu’ont-ils fait ? Heroes c’était bien en première saison. De l’action, des superpouvoirs, un méchant qui envoyait grave. Le season finale aurait dû me mettre la puce à l’oreille ; après toute une saison passée à soigneusement développer un momentum, ce dernier retombe comme un soufflet. Pas idéal pour lancer une deuxième saison. Néanmoins, rien ne présageait que celle-ci soit d’un si faible niveau. Hiro et son retour dans un Japon médiéval, Skylar et sa transformation en grosse loque (pourquoi les scénaristes ne peuvent pas juste laisser un méchant faire le méchant ?), l’incapacité de l’équipe créative à tuer ne serait-ce qu’un des personnages principaux après la saison 2… Bref il y a eu des ratés, dont la répétition dans l’effort ferait pâlir The Following. Tout s’est terminé lors d’un des pires épisodes de l’histoire des séries, où tout est bien qui finit bien. D’une série sombre et intrigante, Heroes avait enfin achevé sa mue, devenant une guimauve sans âme ni direction. Inutile de préciser que je ne suis pas le plus confiant du monde quant au reboot de la série. Au moins il y aura Zachary Levi.
2) Friday Night Lights et la saison 2 :
J’adore Friday Night Lights, j’espère un jour être Coach Taylor, mais franchement, qu’est-ce que c’était que cette saison 2 ? Remettons tout de même les choses dans leur contexte. Avec la grève des scénaristes, la saison était déjà tronquée de 6 épisodes, et personne ne s’y attendait (elle se termine sur un épisode qui est tout sauf un season finale). Cependant dès le premier épisode l'équipe créative a pété un fusible : Larry Clarke, gentil garçon devant l’éternel, tue un violeur pour protéger Tyra. Ils le jettent dans une rivière et doivent vivre avec leur acte (parce que tuer c'est mal). Tu la vois ton accroche pourrie de saison 2 ? Je veux bien que One Tree Hill fasse cela, mais une série comme FNL n'aurait pas dû céder aux sirènes jump the sharkesques du teen drama. Il s’ensuit toute une intrigue pour Landry, qui finira par avouer le meurtre à son père (qui bien entendu est un policier…que la vie est pratique !). Il y a aussi une intrigue amoureuse entre Matt et l’infirmière nicaraguayenne de sa grand-mère (ne rigolez pas)… Du n’importe quoi je vous dis !
Preuve que cette saison est à ranger au panthéon des échecs, l’équipe créative a par la suite opéré un reboot total, souffrant d’amnésie quant à tout ce qui s’était passé à Dillon cette année-là. Une gas leak year avant l’heure…
1) Skins et la mort de Naomi :
Si vous avez lu l’article sur les shippers, vous avez dû comprendre que j’avais quelques (légers) problèmes avec la fin de l’histoire entre Naomi et Emily. J’ai beau m’être retourné le cerveau pour comprendre cette décision scénaristique, la conclusion s’est imposée à mes yeux : les scénaristes de Skins sont des sadiques.
Amoureuse dès le plus jeune âge d’Emily, Naomi a mis du temps avant de se rendre à l’évidence qu’elle aimait une fille. Tout d’abord elle n’y a pas cru, couchant avec des garçons pour tenter de se rassurer, pour se prouver que ce n’était qu’une passade. Emily, elle, était déjà sûre de ses sentiments. Elle aime les filles, elle aime une fille. Tout au long des deux saisons (la 3 et la 4), on observe alors les deux personnages se découvrir, s’aimer, se tromper, se haïr et s’aimer davantage. La fin de la saison 4 est sans aucun doute discutable sur bien des aspects, mais on ne pouvait lui enlever le fait qu’enfin Naomi et Emily allaient être heureuses. C’était donc sans compter cette saison 7 qui affuble Naomi d’un cancer sans raison apparente. Et elle meurt, parce que sinon c'est pas marrant et doux-amer. Bravo les gars, c’est du beau boulot.
Merci à MarieLouise et à Cail1 pour les corrections/relectures. Merci à Galax pour l'image spéciale.