La série TV peut-elle encore faire peur ? #1

Le 12 novembre 2012 à 19:16  |  ~ 16 minutes de lecture
Chaque semaine, Série-All vous propose de revenir sur le thème de l’horreur dans la série télévisée pour finalement répondre à la question : l’horreur en série peut-elle faire peur ?
Par Scarch

La série TV peut-elle encore faire peur ? #1

~ 16 minutes de lecture
Chaque semaine, Série-All vous propose de revenir sur le thème de l’horreur dans la série télévisée pour finalement répondre à la question : l’horreur en série peut-elle faire peur ?
Par Scarch

Serieall horreur

 

Vous avez tremblé devant l’Exorciste et Alien, flippé en regardant Rec, Saw et autre 28 jours/semaines plus tard et vous tenez en admiration Freddy, Jason, Chucky et Hannibal Lecter ? Nous aussi. Et c’est pour ça qu’on se demande ce que la série TV propose dans cette même veine. Alors éteignez la lumière, allumez les bougies et installez-vous, nous partons visiter les méandres de l’épouvante horreur.

Ce dossier sera divisé en quatre chapitres :

  1. L’histoire de l’horreur
  2. Les mécanismes de la peur
  3. Horreur et tabous
  4. l’épouvante aujourd’hui et demain.

Aujourd'hui, nous partons visiter le fin-fond du musée des horreurs en nous promenant dans ses origines depuis la fin du XIXe siècle jusqu'au milieu du vingtième.

 

Ta mère suce des *bips* en enfer !

 

Alors que le cinéma horrifique semble ne plus savoir quel tabou malmener et peine visiblement à se renouveler, nous voyons arriver sur nos écrans des productions qui, tout en étant dignes techniquement des références du genre, semblent s’orienter vers une approche bien plus profonde du récit horrifique. En effet, si le cinéma propose plus souvent de l’épouvantable que de l’épouvante - surtout parce qu’il a usé et abusé de chacune des grosses ficelles qui ont donné ses lettres de noblesse au genre –, la série TV moderne, filtrée par la réception du pilote, semble s’essayer à l’horreur ambitieuse.

Un nouveau genre adapté au format télévisuel pointe le bout de son nez, avec The Walking Dead en tête, suivi par American Horror Story, qui entraînent dans leur sillage des productions récentes comme 666 Park Avenue.

 

Affiche de la série TV American Horror Story

 

C’est une véritable gageure pour ce format qui impose de par sa nature un rythme de diffusion très intense. En effet, a l’instar du rire, la peur crée une accoutumance dangereuse pour sa pérennité mais contrairement à celui-ci, l’épouvante à répétition ne peut pas fonctionner. Cela crée un double handicap pour le genre d’autant plus s’il est décliné sur petit écran. Nous reviendrons sur les mécanismes utilisés par les scénaristes pour nous faire frissonner ainsi que sur l’actualité de l’horreur en série dans un autre article, pour l’heure il convient de réviser les quelques faits marquants du petit monde de l’effroi pour finalement comprendre les tenants de ce dilemme télévisuel.

 

Au commencement...

 

Quelques dates repères

 

1830
Invention de la roue de Faraday (roue dont la tranche est couverte d'images fixes qui donnent une impression d'animation quand la roue tourne)
1839
Invention de la photographie
1888
Le brevet de la première caméra est déposé par Louis Aimée Augustin Le Prince
1892
Le cinématographe est breveté par Léon Bouly
1893
Une mort de Marie Stuart : première scène considérée comme horrifique de l'histoire du cinéma
1895
Projection du premier film des frères Lumières : La sortie de l'usine Lumière à Lyon
1903
Le vol du grand rapide : premier choc pour le spectateur qui voit un acteur tirer en direction de l'objectif de la caméra

La première scène horrifique de l’histoire du cinéma ne sort pas de l’esprit torturé d’un scénariste mais de l’histoire elle-même : la décapitation de la reine Marie 1ere d’Ecosse transposée à l’écran par Edmond Kuhn en 1893 dans Une mort de Marie Stuart. Les spectateurs assistaient médusés à une mise à mort sans coupure.

Deux ans plus tard, la première projection cinématographique payante a lieu dans le sous-sol d’un café Parisien : Le salon Indien du grand café. Dans le public, un prestidigitateur d’une trentaine d’année environ voit dans le cinématographe une opportunité commerciale évidente et fait une offre de rachat aux frères Lumière. Ces derniers refuse et le jeune magicien se tourne vers un autre procédé : l’Isolatograph des frères Isola et son projecteur, le Theatrograph qui fera également connaitre une autre paire de frères : les Pathé.

L’année suivante, en 1896 donc, ce réalisateur présente le premier film à vocation horrifique de l’histoire : Le Manoir du Diable. Son créateur passera la postérité et son nom, Georges Méliès, restera gravé à jamais dans l’histoire du cinéma (cf encadré Méliès et les effets spéciaux).

Quelques dix ans plus tard, le public est confronté au premier choc psychologique de l’histoire du cinéma : Il se fait tirer dessus par le chef d’une bande de hors-la-loi interprété par Justus D. Barnes dans le film Great Train Robbery (Le vol du grand rapide en français). L’évolution des mœurs et la tolérance à la violence fait que cette scène ne choquerait plus personne aujourd’hui. Elle se résume à ceci : Barnes vise l’objectif de la caméra en gros plan et tire.

 

Un cowboy tire sur le public

La scène finale de Great Train Robbery

Le film n’a pourtant rien du film d’horreur : réalisé par Edwin S. Porter, il relate l’histoire de quatre hors la loi qui dévalisent le coffre et les passagers d’un train avant de prendre la fuite pour finalement être abattus. La scène incriminée est la toute dernière du film et aurait inspiré le final de Les affranchis de Scorcese ou Joe Pesci reproduit le schéma.

 

Méliès et les effets spéciaux

Prestidigitateur et illusionniste avant d'être réalisateur, Méliès mit son savoir-faire au service du septième art. Dès Le Manoir du Diable, Georges Méliès fait preuve d'inventivité en créant plusieurs procédés utilisant l'illusion pour surprendre le public : l'apparition/disparition qui consistait à faire disparaître un personnage en changeant de pellicule ou l'inverse, l'incrustation d'image ou encore le jeu sur les échelles de grandeurs par le biais des distances.

Autres inventions :

Trompe l'oeil
Utilisation d'artifices pour donner l'illusion de la réalité
Arrêt de caméra
Pour ne pas avoir à manipuler la pellicule lors des apparitions/disparitions
Surimpression
Consiste à rembobiner la pellicule pour superposer des images par dessus les premières
Les pellicules percées de quatre trous
Le fondu enchaîné
Procédé permettant de passer progressivement d'une image à l'autre.  

Méliès est également le premier à réaliser un film publicitaire et à utiliser des pellicules de plus de 17 mètres.

 

De la belle époque à la grande dépression.

 

Avec Méliès en porte-étendard, le cinéma horrifique se développe dans l’hexagone et d’autres réalisateurs sont attirés par le genre, notamment Louis Feuillade et sa série de film Les Vampires en 1915 (cf encadré le cinéma en série de Louis Feuillade).

Mais ce sont les années folles en Allemagne qui verront véritablement naître le genre horrifique sur grand écran et un film en particulier qui lui donnera ses lettres de noblesse : Nosferatu le Vampire de Murnau dans lequel Max Schrek - en vampire - épouvante littéralement le public de 1922. Malheureusement, plusieurs copies seront détruites en raison du non respect du droit d’auteur : Murnau s’étant librement inspiré du roman Dracula sans aucune autorisation légale, il perd un procès face à la veuve de Bram Stoker qui l’oblige à détruire les copies du film sur certains territoires.

Ce ne sera pas le seul cas de plagiat en Allemagne ! suivront entre autres Le Golem, L’étudiant de Prague ou encore Dr jekyll et Mr Hyde. Une autre innovation voit le jour au Danemark avec le film La sorcellerie à travers les ages dans lequel son réalisateur, Benjamin Christensen utilise les codes du documentaire pour donner une impression de réalisme au public.

Il faudra ensuite attendre le début de la grande dépression pour que la firme Universal rachète les droits des grands mythes littéraire de l’horreur pour les transposer à l’écran : Le fantôme de l’opéra, Dracula, La momie, La maison hantée, etc… des films qui, s’ils auraient tendance à nous faire sourire aujourd’hui, n’en demeurent pas moins des classiques.

Mais avant d’aller plus loin, revenons à nos petits écrans

 

Le cinéma en série de Louis Feuillade

 

First Person Singular

 

Les débuts de l’horreur en série ne se sont pas fait sur les écrans des ménagères d’après guerre mais dans les postes de radio de la grande dépression, à la fin 1933 pour être précis. C’est en effet cette année-là qu’un scénariste et producteur de 34 ans, Wyllis Cooper propose à la NBC - de ses propres mots – "une série mystérieuse de minuit, qui captera l’attention des auditeurs à l’heure du crime. " Son nom ? Lights out.

  Les prémices de l'horreur à la maison


Première série radiophonique
Lights Out en 1934
Première série télévisée
Lights Out en 1946
Premier épisode
First Person Singular

Pour l’époque le pari était risqué car Cooper proposait un programme de récit dramatique à une heure ou les auditeurs écoutent la radio pour la musique qui y passe.

NBC prends malgré tout le risque et le premier épisode de quinze minutes est diffusé en janvier 1934, un mercredi à minuit. Le succès est au rendez-vous et pousse la chaîne à allonger le programme à trente minutes au lieu des quinze minutes initiales en avril de la même année. Cooper restera à l’écriture jusqu’à juin 1936, puis sera remplacé par Arch Oboler alors que la série radiophonique dispose déjà de près de 600 fan-clubs dans le pays.

Dix ans et 213 épisodes radio plus tard, NBC décide d’adapter la série à la télévision et rappelle Cooper pour écrire le premier épisode sur les quatre commandés : First Person Singular. Celui-ci est le premier de la première série télévisée estampillé épouvante horreur (à retenir pour étonner vos interlocuteurs dans les soirées mondaines) et proposera au téléspectateur de se mettre dans la peau d’un tueur – à la première personne donc – qui exécute une jeune femme avant d’être lui-même abattu. Le magazine Variety en fera la critique élogieuse suivante : "undoubtedly one of the best dramatic shows yet seen on a television screen" (Indubitablement l’un des meilleurs programmes dramatiques jamais vu sur un écran de télévision) mais la série ne deviendra pas régulière avant 1949, année ou un autre programme horrifique radiophonique sera adaptée au format télévisuel.

Variety sur Lights out

Judicieusement nommée Suspense et dans le même genre que Lights out (Thriller à Suspense), celle-ci sera tournée en direct à New York et son casting verra défiler des acteurs prestigieux comme Joseph Wiseman (le Dr. NO de James Bond) ou Leslie Nielsen (Y a-t-il un pilote dans l’avion ?) qui apparaîtra dans six épisodes.

Ces deux séries ainsi qu’une troisième, The Inner Sanctum Mystery – elle aussi adaptée du format radiophonique – qui surfera sur le thème de l'histoire mystérieuse teintée deparanormal, vont donner le ton du genre horrifique à la télévision et ouvrent la voie à deux légendes télévisuelles des années 50 …

Un des épisodes de la série Lights out en entier

Bonsoir.

 

En 1955, Alfred Hitchcock est à l’apogée de sa carrière. Fort du succès des films Le crime était presque parfait et Fenêtre sur cours l’année précédente, il entame une décénnie de réussite ou verront le jour des films aujourd’hui légendaires comme sueurs froides, la mort aux trousses ou encore psychose.

Alfred Hitchcock présente en chiffres

  • - 7 saisons
  • - 268 épisodes
  • - 26 minutes par épisodes
  • - 2 chaînes : CBS et NBC
  • - 18 épisodes réalisés par Hitchcock
  • - 1 suite : Suspicion en 1962

Malgré le succès du réalisateur, son agent, Lew Wasserman - à la tête de la maison de disque MCA (pour Music Corporation of America, rachetée par Universal aujourd’hui) - le presse d’accepter un contrat qui autorisera CBS à utiliser son nom pour son nouveau programme, une anthologie d’histoires noires aux chutes surprenantes. Hitchcock accepte pour 129 000$ l’épisode de 30 minutes et devient présentateur d’une série qui porte son nom : Alfred Hitchcock présente.

Celle-ci totalisera 268 épisodes de 26 minutes diffusés entre 1955 et 1960. Le casting est clairsemé de noms qui sont aujourd’hui passés à la postérité comme Charles Bronson, Robert Duvall, Steve McQueen, Peter Falk ou encore Roger Moore et Burt Reynolds.

Alfred Hitchcock ne réalisera lui-même que 18 épisodes mais présentera tous les programmes en commençant par un sempiternelle « Bonsoir ! », suivi d’une introduction teintée d’humour noir. Les autres seront pris en charge par de jeunes réalisateurs dont le nom est aujourd’hui célèbre comme Sydney pollack ou Robert Altman.

 

Le générique de la série

En 1960, NBC prend le relais de CBS pour la diffusion de la série. Cette dernière désirant utiliser son créneau horaire pour un autre programme qu’on ne présente plus aujourd’hui…

 

Un voyage au bout des ténèbres où il n'y a qu'une destination…

 

La quatrième dimension ! 156 épisodes dérangeants, inquiétants, mystérieux, troublants… Les qualificatifs ne manquaient pas pour décrire cet OVNI télévisuel de l’époque. A l’instar de la série d’Alfred Hitchcock, le casting accueille régulièrement de grands noms du grand ou du petit écran : Peter Falk, Ron Howard, Robert Redford, ou encore Charles Bronson. L’écrivain Ray Bradbury (Fahrenheit 451, Les chroniques Martiennes) participera également à l’écriture d’un épisode et pas n’importe lequel : le trente cinquième de la troisième saison, autrement dit le centième de la série. Un privilège accordé par son créateur, Rod Serling – fan des Chroniques Martiennes - à l’un de ses écrivains préférés.

Autre fait marquant, huit épisodes de la première série (1959-1964) sont signés par l’un des maîtres de l’horreur, Richard Matheson, scénariste entre autres de Duel et Les dents de la mer 3 (Joe Alves), Les vierges de Satan (Terence Fisher) ou encore – le monde est petit - des Chroniques Martiennes (feuilleton télévisé réalisé par Michael Anderson).

Introduction de The twilight zone

The Twilight Zone – le titre original de la série – avait la particularité de placer le téléspectateur dans une ambiance allant de l’étrange au malsain pour le préparer à une chute surprise (les premiers twists !) visant à le faire réfléchir sur des questions parfois métaphysiques ou philosophiques.

Malgré le succès de la série, l’ORTF (Office de Radiodiffusion Télévision Française, la seule chaîne de l’Hexagone à l’époque) ne diffusera que 12 épisodes piochés dans les trois premières saisons puis arrêtera la diffusion. Il faudra attendre 1984 pour que TF1 diffuse les autres épisodes, inédits en France.

 

Le générique de The Twilight Zone

 

C’est la fin de cette première partie, nous reviendrons la semaine prochaine sur la même période en Europe puis nous retournerons outre-Atlantique pour parler des familles gothiques des années 60, dont une certaine famille Adams.

 

Et pour poursuivre : 

- la série TV peut-elle encore faire peur #2


Sources :

Crédits :

Tous les encadrés de cet article sont la propriété de Série-All.
Les vidéos sont hébargés par Youtube, le générique de The Twilight Zone et l'épisode de Lights out sont la propriété de Columbia Broadcasting System et celui de Alfred Hitchcock appartient à National broadcasting Company.
L'affiche de American Horror Story est la propriété de Fox Extended Tv Channel.
Le Gif animé est tiré du film Great Train Robbery dont les droits appartiennent à Edison Manufacturing company.

L'auteur

Commentaires

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davy974
B

Avatar davy974
davy974
Désolé pour le commentaire précédent, je voulais dire Bonne idée d'avoir créer un dossier spécial horreur!

Avatar Scarch
Scarch
Merci Davy974, c'est encourageant.

Avatar Freezz
Freezz
je suis pas un fan du genre mais j'ai vu Sinister hier au ciné et je vous le conseil! C'est pas une révolution du genre mais c'est bien. En tout cas tout ces dossiers c'est vraiment interessant!

Avatar arnoglas
arnoglas
Avis modéré par la rédaction de Série-All.

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