Bilan : Twin Peaks saison 3, épisodes 1 à 6

Le 22 juin 2017 à 06:58  |  ~ 10 minutes de lecture
Un tiers de cette saison 3 s’est déjà écoulé, le moment est venu d’un petit bilan. Pas forcément très positif.

Bilan : Twin Peaks saison 3, épisodes 1 à 6

~ 10 minutes de lecture
Un tiers de cette saison 3 s’est déjà écoulé, le moment est venu d’un petit bilan. Pas forcément très positif.
Par nicknackpadiwak

Attention, cet article parle des six premiers épisodes de la saison 3, et en spoile un peu le contenu.

 

On attendait ce retour à Série-All, on le rêvait, on le fantasmait, on le craignait même. Puis le 21 mai 2017, Twin Peaks, la série culte des années 90, est revenue sur OCS ; les premières notes de piano du générique d’Angelo Badalamenti ont résonné à nouveau. Le pilote nous avait rassurés, l’univers particulier de la série était bien de retour et il n’y aurait pas de compromis, le bizarre et l’étrange ne seraient pas gommés. Mais peu à peu, épisode après épisode, l’enthousiasme est retombé et nous sommes passés de l’emballement au doute, voire à la frustration pour certains.

Voilà les raisons.

 

 

Twin Peaks, ville relais

 

Au bout de six épisodes, une question est née. Pourquoi continuer à appeler la série Twin Peaks, vu le peu de temps que l’on y passe ? Car on ne fait que traverser brièvement la ville au pics jumeaux, elle est juste un point relais, on ne s’y arrête jamais longtemps. Idem pour les anciens personnages qui sont conviés le temps d’une scène ou deux (Benjamin Horne, le Double R Dinner, le Docteur Jacoby, Mike Nelson, Denise) : ils font un peu tapisserie, ils apparaissent de manière plutôt anecdotique, puis disparaissent. Les bonnes pistes qui pourraient être creusées (Bobby Briggs devenu policier ou un James Marshall ayant perdu confiance en lui suite à un accident de moto) n’ont pour l’instant aucune suite. En résumé, on pourrait éliminer ces séquences de la série que cela ne changerait rien, sauf qu’on gagnerait du temps. Seuls le bureau du shérif où l’on retrouve Hawk, Andy et Lucy, ou Robert Forster qui remplace au pied levé un Michael Ontkean démissionnaire, ont le droit à plus de temps d’antenne, mais celui-ci se résume uniquement à les voir se gratter le haut du crâne face à des dossiers empilés sur une table.

 

Andy, Lucy et leur fils (Michael Cera)

 

On était heureux de retourner à Twin Peaks, mais on se retrouve à visiter le musée Grévin, une chose vide de vie et aussi animée qu’un 15 août à Paris, et on attend en s’impatientant qu’une forme d’activité veuille bien reprendre.

 

 

Une absence de nouvelles pistes

 

La ville de Twin Peaks et ses habitants n’apportent donc pas beaucoup, à part une nostalgie un peu vaine. Qu’en est-il des autres personnages et des nouvelles intrigues ? Bah ce n’est pas vraiment mieux, on n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent, des embryons de bouts d’histoires indépendantes les unes des autres. Pourtant, le savoir-faire toujours intact de Lynch se rappelle à nous sur ces séquences et il y en a quelques-unes de bien chiadées (la surveillance de la cage en verre de l’épisode 1, le passage à tabac dans le casino par Robert Knepper dans l'épisode 5 ou le tour de magie de l’épisode 6), mais l’ensemble ne prend jamais corps.

 

Red devant un mur criblé de balles

 

En évoquant l’interprète de T-Bag, je soulève une autre source de déception : le casting. Pas que celui-ci soit remis en cause, mais nous étions tous emballés comme jamais devant la liste impressionnante de noms connus présents au générique de ce retour. Pour l’instant, il faut avouer que c’est un pétard mouillé, un coup d’épée dans l’eau, car il s’agit uniquement de caméos, certes plaisants (Michael Cera en fiston d’Andy et Lucy), mais totalement inutiles et dispensables. Cette saison semble se complaire dans les promesses non tenues. Pour exemple, à chaque scène un peu forte ou chaque apparition d’un acteur ou actrice aimé(e), on pense que la série va enfin se lancer et démarrer, mais non, tout retombe d’un coup comme un blanc d'œuf monté en neige qui ne veut pas prendre.

 

 

Un problème de rythme

 

Le rythme ? Quel rythme ? Car le temps à Twin Peaks est long, très long. Cette léthargie est pénible, anesthésiante. Je ne vais pas développer davantage ce point, car il faut le voir (subir) pour s’en rendre compte. Les deux premières saisons n’étaient déjà pas hyper trépidantes, on touche le fond ici. Les scènes ne semblent jamais vouloir s’arrêter, notamment les moments avec Cooper. Et ça, c’est dramatique.

 

Trois femmes lascives, une scène totalement lynchienne

 

 

L’axe Dale/Evil Dale/Doogie

 

Le titre français de la série lors de sa première diffusion était "Mystères à Twin Peaks". Mystères avec un S, car en parallèle de l’enquête sur le meurtre de Laura Palmer, étaient développées d’autres intrigues (la scierie, le trafic de drogues, le bar clandestin, les multiples triangles amoureux qui donnaient à l’ensemble un côté soap très second degré mais néanmoins agréable à suivre). Pour la saison 3, point de tout ça, point de mystères, juste des brides. La seule storyline développée est la partie Cooper. Celui-ci s’est évadé de la Black Lodge pour poursuivre son doppelgänger et s’est retrouvé à la place de Dougie, un autre clone. Malheureusement, il a mal supporté le retour dans notre dimension et a perdu toutes ses facultés intellectuelles. Il erre donc en mode amnésique et anémique.

 

Dougie avec une cravate sur la tête lolilol xpdr

 

Et je dois l’avouer, Dale Cooper est dans le top trois de mes personnages préférés. Le voir errer en mode hagard me fait mal au cœur. Et cela me fait mal autre part que de constater que cette situation dure depuis quatre épisodes, sans que cela n’évolue d’un iota. J’ai du mal à saisir l’intérêt de ces scènes qui s’étirent jusqu’à s’éterniser, où on le voit répéter les derniers mots énoncés, bloquer des heures sur une statue, tenir son entrejambe comme un enfant car il doit uriner ou se faire remettre en place par sa femme (Naomi Watts, gros gâchis de casting) ou ses collègues. Si cela est parfois drôle (lorsqu’il geint comme un bébé pour trouver l’ouverture de son gobelet de café), cela donne des scènes trop répétitives et qui occupent trop de temps d’antenne pour ne pas commencer à me sortir par les trous du nez. De plus, c’est totalement incompréhensible que la seule intrigue un tant soit peu développée soit la seule dont on sait globalement de quoi il retourne et qui, à force d’immobilisme, finit par être irritante.

 

 

Lynch dépassé ?

 

David Lynch est-il dépassé ? Le New York Times a écrit à propos des premiers épisodes : « Twin Peaks était une créature de son époque. Regarder cette itération, c'est se rappeler tout ce que la télévision a fait en son absence. » C’est dur, mais j’ai un peu peur que cela soit vrai. Il y a vraiment parfois des séquences très maladroites dans cette saison qui n’arrivent pas à amener le spectateur à l’émotion désirée. Que ce soit dans l’épisode 3 avec la scène de l’échelle, de la chambre rouge, de la femme sans yeux où David Lynch tente de recréer du bizarre comme il y a vingt ans, à base d’effet stroboscopique et de montage saccadé ou la très gênante séquence avec Harry Dean Stanton où un enfant se fait percuter par une voiture et où la réaction des témoins et la violence trop insistante font glisser le tout vers un comique involontaire.

 

Une bien étrange créature

 

De plus, Twin Peaks, il y a vingt ans, était révolutionnaire et avait donné un coup de pied dans la fourmilière très sage du paysage des séries télévisées de l’époque. Depuis, The Sopranos, Lost, Game of Thrones, j’en passe et des meilleures, ont vu le jour et l’attente des spectateurs s’est modifiée, ils connaissent la structure d’une saison et demandent des enjeux, de la tension, des émotions, voire des cliffs. Ce que ne fait jamais cette saison 3, préférant terminer ses épisodes sur un morceau musical live.

Pour moi, l’explication n’est pas que cette série soit dépassée par la vague moderne des séries car même dans la série mère, chaque épisode se déroulait sur une journée et se terminait la nuit tombée, qui amenait son lot de péripéties ou de choses effrayantes. Ma théorie est que David Lynch n’a pas perdu la main, qu’il est bien conscient des procédés narratifs que demande une série, c’est juste qu’il n’en a rien à foutre, qu’il agit comme bon lui semble. Comme s’il faisait une blague de mauvais goût qui n'amuse que lui-même.

 

On est à un tiers de la saison 3 et celle-ci n’a toujours pas commencé. Peut-être s’agit-il d’une introduction un peu longuette et que tout va se mettre en marche. Mais le doute grandit de plus en plus. Depuis le pilote où il était heureux de voir qu’on avait laissé carte blanche à David Lynch, l’absence de fils directeurs ou d’enjeux commence réellement à frustrer et à irriter.

Allez les gars, on passe la seconde, car on ne tiendra pas encore douze épisodes ainsi.

 

J'ai aimé :

 

  • Certaines séquences réussies.
  • Un sentiment qu’il suffirait que Lynch et Frost le souhaitent vraiment pour lancer réellement la saison.

 

Je n'ai pas aimé :


  • C’est lent, très lent.
  • Aucune piste nouvelle n’a été lancée.
  • Toutes les séquences avec Dale Cooper (je ne pensais pas que j’écrirais ça un jour).
  • Un casting totalement sous-exploité.
  • Le sentiment que Lynch se paie notre tronche (Tricks Peaks ?).

 

Moyenne de mes notes : 12,88/20.

L'auteur

Commentaires

Avatar Jo_
Jo_
Je suis globalement d'accord avec l'ensemble de ton article (en particulier sur le manque de Twin Peaks et sur l'impression de surplace de l'intrigue principale). Pour autant, au risque de me tromper, je suis quasi certaine que Lynch sait complètement où il va. Ce projet de troisième saison est présent dans l'inconscient collectif depuis trop longtemps pour être gâché à ce point. Cela dit, c'est peut-être moi qui essaie aussi de m'en auto-persuader, je ne sais pas.

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nicknackpadiwak
"Pour autant, au risque de me tromper, je suis quasi certaine que Lynch sait complètement où il va" J'aimerai en être aussi sûr, mais je doute. Car il a toujours avoué qu'il travaillait à partir d'images ou de sensations provenant de ses séances de méditations. De plus avec Showtime, les négociations ont été tumultueuses. N'essaie-t-il pas de se venger en faisant exprès n'importe quoi?

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Jo_
Après le visionnage de l'épisode 7, je ne suis vraiment pas sûre qu'il fasse n'importe quoi ;) Mais là encore, ce n'est que mon point de vue. Sauf erreur de ma part, la saison comporte 18 épisodes, donc on a encore le temps d'être convaincus/déçue.

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Koss
Article intéressant. Mais toutes les critiques que tu cites.... Je trouve que c'est précisément l'ensemble des qualités des ces sept premiers épisodes. A chaque fois, Lynch prend à contre pied le spectateur. Tu crois que Mister C va s'évader de la prison avec ses pouvoirs ? Non, il sort par la porte. Et tout est comme cela. Lynch ne fait pas la série pour les fans de Twin Peaks qui ont grandit avec Twin Peaks. Il fait Twin Peaks pour lui. On n'est pas dans le cas de SW7. On ne brosse pas le fan dans le sens du poil. C'est radicale, c'est exigent, et c'est (pour l'instant) assez cohérent. Par contre, sur Naomie Watts, tu abuses. Elle est vraiment fabuleuse dans ce rôle.

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nicknackpadiwak
"Par contre, sur Naomie Watts, tu abuses. Elle est vraiment fabuleuse dans ce rôle." Bah si quand même, Naomie Watts, une des filles les plus charismatiques du moment et il l'a réduit à une bêtasse, incapable de s'apercevoir que son mari, avec qui elle a un enfant, a tout de même énormément changé de personnalité. Mais regarde la fin de la saison, puis lis dans l'article bilan qu'on a fait avec Jo mon paragraphe sur "Twin Peaks n'est-il pas une grosse arnaque?" ( ne réponds pas "nope" tout de suite (je t'entends d'ici)), on rediscutera de cet aspect de la série avec plaisir (parce ce si on en discute maintenant, je me connais, je vais spolier involontairement)

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Jo_
Très honnêtement, je pense que pour avoir une réelle vision de l'arnaque ou non de cette troisième saison, il faut l'avoir vue entièrement. S'il y'a bien une série où la globalité est importante, c'est Twin Peaks.

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Galax

(j'arrive des années après mais) j'ai beaucoup aimé lire ta critique Nick, sur certains points j'ai l'impression que tu as mis des mots sur ce que je pensais sans trop le savoir.

Bon après j'ai l'avantage d'arriver en ayant déjà des retours sur l'ensemble de la saison et je vois que visiblement, moyennant quelques exceptions inévitables car la série est par nature controversée, la suite est beaucoup plus appréciée et la fin semble même carrément adorée, ce qui fait que j'ai toujoursr confiance perso. Mais c'est vrai que si j'avais découvert la série à votre époque sans avoir de visibilité sur la suite, j'aurais été assez inquiet au stade où tu décrivais tout ceci.

Ce que tu dis sur le fait que Twin Peaks était avant-guardiste en 1990 mais qu'en 2017 elle semble avoir été rattrapée par les séries qu'elle a inspiré ensuite, est une analyse vraiment intéressante. C'est vrai que sur certains épisodes, on dirait qu'à force de vouloir faire du Twin Peaks et prendre tout le monde à contre-pied, elle en oublie des codes élémentaires pour rendre un show agréable à regarder, codes qu'elle a lancé elle-même (comme des fils rouges pertinents). Je suis d'accord avec toi sur l'aspect interminable de certaines scènes, en 1990 ça passait bien car on savait que les moments de pure "Lyncherie" étaient innovants, totalement inattendus et compensaient largement le ronronnement du reste, yavait un vrai équilibre. Alors que maintenant que le bizarre est devenu monnaie courante, il ne suffit pas toujours à tenir le coup sur les scènes molassonnes.

Bon, je reste quand même chaud sur toute la suite, même si franchement je m'attends à ce qu'environ 10% des trucs à peine soient expliqués ^^

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