La question de la mixité des genres
Souffrant toujours de problèmes d'intégrations, Allen subit les humiliations de l'élève le plus populaire de la classe, Joel Zadak. Sa soeur encourage alors son père de profiter de la fête dansante de l'école pour y interdire les couples hétérosexuels, offrant l'occasion à Allen de demander à Joel de l'accompagner. Malgré les refus de la directrice et les tentatives de son petit-ami pour l'en empêcher, le père d'Allen lance sa croisade pour bannir les couples filles - garçons de la fête de l'école.
Résumé de la critique
Un épisode plutôt drôle que l'on peut détailler ainsi :
- une idée de départ saugrenue et assez maligne
- le personnage d'Allen Gregory de moins en moins casse - pied
- une soeur qui reste le point fort du show et impose un début de routine
- le besoin d'une morale pour créer le décalage
Les garçons entre eux et les filles à part
Ma grande difficulté du show reposait sur l'identification de son positionnement : moins provocatrice que South Park, peu fédératrice que les Simpsons, avec un héros assez antipathique, le show ne ressemblait à rien de connu. Cet épisode fait l'effort de montrer que les auteurs ont l'ambition de se créer une place à part, lançant leur intrigue avec l'idée saugrenue de la fille adoptive des De Longpré de proposer à son père d'interdire les couples mixtes à la fête de l'école. L'idée est ridicule, mais Julie connait suffisamment son père adoptif pour savoir qu'il est l'homme à se battre pour le droit à l'homosexualité quel que soit le contexte.
Une fois de plus, le duo entre le père et la fille adoptive est un point positif de l'épisode, surtout que l'idée de ne proposer aucun couple mixte rencontre un certain succès à l'école primaire. Evidemment, cette réussite n'a que peu de rapport avec la sexualité, mais plutôt avec une absence totale de désir de mixité entre les filles et les garçons. Le combat pour assumer son identité se transforme en un refus de la différence et une idéologie presque communautariste, créant le décalage comique qui fait la force de cet épisode.
Sans s'en donner l'air, Allen Gregory est finalement une série qui joue à détourner les valeurs positives en les plaçant dans un contexte où elles deviennent malsaines. Si les deux premiers épisodes n'avaient pas du tout mis en évidence ce point de l'identité du show, celui-ci montre que, derrière sa qualité graphique indéniable, se cache une critique acerbe du monde actuel. Dans un univers où la défense des idéaux (ici la tolérance) est brandi fréquemment comme une bannière par les biens pensants, les auteurs s'amusent à montrer combien le contexte influe sur notre jugement, transformant une belle idée en son contraire.
Allen Gregory qui commence à se fondre dans le décor
Seulement, à trop miser sur un humour à base de décalage, les créateurs d'Allen Gregory avaient fini par créer un personnage tellement antagoniste avec son univers qu'il en devenait insupportable. Cet épisode a la bonne idée d'intégrer un peu plus le petit héros au décor de cette école primaire, transformant sa mythomanie en un moyen désespéré de garder la face et de masquer son incapacité à dominer son univers. Conscient de ne pas être aussi fort qui le croyait, Allen laisse apparaître un visage plus humain et triste, se heurtant à un monde qui le plie où il apparaît comme faible.
Le final est un bel exemple de l'évolution du show, transformant une mauvaise action de son héros en quelque chose de positif, uniquement parce qu'elle lui donne la tribune dont il rêve. Peu importe pour Allen Gregory d'être humilié, tant qu'il obtient ainsi cette attention qu'il cherche et que son père n'a jamais eu vraiment à son égard. Mais le détail qui le rend plus sympathique est indéniablement Patrick, son camarade de classe qui lui sert d'assistant et de secrétaire, amenant une nouvelle dimension comique à la série.
En tant que seul ami du héros, il apparaît comme son point faible et est exploité comme tel par des auteurs qui cherchent beaucoup plus à le faire échouer. Pour cela, il dispose de Julie, un personnage toujours aussi intéressant et attachant, manipulatrice et cruelle cherchant à humilier cet insupportable frère adoptif.
Le réalisme face à la mythomanie
Si Allen Gregory vit dans un monde imaginaire où il figure au centre de l'univers, n'acceptant aucune autorité, Julie est plus pragmatiste, rejetant son côté enfantin pour une vision sans concession du réel. Manipulatrice, elle est à l'origine de toute cette histoire d'interdiction des couples hétérosexuels, cherchant le meilleur moyen pour ridiculiser son frère et sa famille adoptive et briser cette spirale du mensonge dans laquelle les De Longpré évoluent. Personnage sombre et déterminé, elle veut pousser les adultes à s'opposer au De Longpré, cherchant ainsi à se venger d'un père adoptif qu'elle n'a pas choisi.
Son humour pince sans rire et volontiers moqueur fonctionne très bien, symptomatique d'une jalousie envers une enfance qu'elle n'aura jamais et ne supporte pas chez les autres. Son comportement pas du tout hystérique et son plus grand temps de présence apporte une maîtrise qui manquait à la série, symbolisé par le style du dessin qui devient plus géométrique en sa présence (voir ci-dessus). La voix froide et dépassionnée de Joy Osmanski donne un vrai caractère à ce personnage pas du tout décalé, totalement conscient de la réalité dans laquelle elle évolue.
Entre son réalisme et les fantasmes mégalomanes de son frère, la série cherche lentement sa voie, dessin animé atypique cherchant à opposer l'enfance protégée des privilégiés à la conscience précoce de la réalité pour les autres.
Le besoin de morale
Si les premiers épisodes d'Allen Gregory marquaient sa différence par le manque de morale du show, cet épisode dénote un changement d'orientation, les scénaristes offrant une évolution positive à Allen Gregory. Si la série a enfin trouvé un début d'équilibre, elle doit encore poser une vraie routine et de renforcer certains personnages. Construit sur trois storylines au lieu de deux dans les épisodes précédents (le père, le fils, la fille adoptive), la série est largement plus intéressante qu'à ses débuts, même si elle conserve certains défauts irritants.
En conclusion, un épisode qui donne du sens à la série, entrainant de ma part une critique un peu trop bavarde (heureusement, personne ne va lire ce papier, sinon désolé) qui permet de mieux saisir les intentions des auteurs. Moins agaçant, Allen Gregory est toujours aussi peu drôle, mais possède dans son meilleur ami Patrick un sidekick idéal qui le rend plus humain. La série s'améliore peu à peu, offrant quelques vrais moments de comédie, mais reste une singularité qui continuera à en agacer plus d'un.
J'aime :
- des qualités graphiques indéniables
- l'idée de départ originale
- un scénario plus dynamique
Je n'aime pas :
- certaines séquences pas vraiment drôles
- la mise en scène un peu lourde dans le final
Note : 13 / 20
Du mieux pour Allen Gregory qui reste aussi agaçant, mais commence à imposer une routine et un style de plus en plus intéressant. L'ajout de Patrick en side-kick au personnage principal s'avère payante, surtout que l'idée de départ est particulièrement amusante et laisse entrevoir un début d'identité.