Une femme dans un monde d'homme
Lors d'un cours à l'école primaire sur la reproduction, Allen Gregory devient la risée de la classe à cause de l'absence de sa mère, son père lui ayant toujours certifié qu'il lui avait donné naissance. Il va donc partir à la recherche de celle-ci et découvrir Sheila, une serveuse qui a en effet abandonné un enfant quelques années auparavant. L'occasion parfaite de se recréer une famille en dégageant au passage Jeremy et Julie, forçant son père à vivre une relation hétérosexuelle stable.
Résumé de la critique
Un épisode amusant que l'on peut détailler ainsi :
- la famille comme une valeur
- l'art de la manipulation d'Allen Gregory
- les femmes et leur conception du vivre ensemble
- une mère pour être comme les autres
Les avantages de la famille hétérosexuelle
Après plusieurs épisodes sur la religion et sur la tolérance, Allen Gregory se lance dans un sujet complexe jusqu'ici absent de son univers : les femmes. Le vrai problème pour Allen vient du fait que Richard lui a menti toute son enfance en cherchant à s'attribuer le rôle de la mère, laissant à Jeremy le soin d'incarner une figure paternelle impuissante et passive. Les femmes ne sont donc que peu présente dans le show, hormis Julie à qui personne ne prête attention, incapable d'exister dans cet univers frénétique, inconséquent et sans aucune valeur des De Longpré.
Allen Gregory va donc partir en quête de sa mère et découvrir Sheila, une serveuse fauchée qu'il va essayer de faire rentrer dans son existence pour reconstituer une famille proche de la normalité. Le thème de la naissance sous X est vite évacué, Sheila n'étant pas sa vraie mère, les auteurs cherchant avant tout à pointer du doigt l'horrible banalité de cette jeune femme sociable et positive qui apporte un infâme équilibre à toute cette famille. L'idée est très amusante et donne un peu plus de sens au caractère insupportable d'Allen tout en s'amusant avec les clichés concernant les valeurs de la famille.
Après tout, comme le souligne l'épisode, que saurait les séries télévisées sans les personnages féminins, que ce soit la doctoresse immortelle de Prison Break ou l'épouse si souriante de Breaking Bad ? Elles apportent avec elle tout un univers fait de morale et de respect qui, comme Cuddy dans House, viennent casser la dynamique d'un show surement trop divertissant. C'est à ces personnages féminins que cette critique est dédiée qui, comme Kate dans Lost, auront su apporter avec elle un touche indéfinissable de normalité et d'ennui à des shows captivants.
L'art de la manipulation
Les manipulateurs dans Allen Gregory sont les auteurs qui défendent toujours une moralité en décalage, usant du politiquement correct dans des situations choisies pour le faire apparaître comme déviant. En effet, le bonheur d'Allen Gregory et son apprentissage des codes de la vie en communauté passent mieux avec l'arrivée de cette mère qui donne à sa famille une architecture plus classique. Pourtant, cette normalité est surtout faite pour pointer les clichés communs sur la famille qui apparaît surtout comme une lutte de pouvoir, où le malheur de l'une prend le pas sur le désespoir de l'autre.
Il serait choquant et gênant de voir dans cette intrigue l'expression des dangers d'une éducation par une famille homosexuelle ne véhiculant pas les bonnes valeurs de vie en société. Toujours entre deux discours, les auteurs parviennent à provoquer en jouant sur le cliché concernant le manque de structure des enfants d'une famille non hétérosexuelle. Réactionnaire par certains aspects, misogyne par d'autres, cet épisode remet avant tout en cause l'intérêt donné à l'opinion de l'enfant dans la constitution de la famille.
En effet, toute cette histoire n'est que le fruit des désirs d'Allen Gregory, un jeune garçon qui cherche son bonheur avant tout, quitte à pousser son père à aller contre sa nature. Cet univers est donc avant tout sa création, dictateur en culotte courte qui impose sa volonté sur son environnement, rejetant cette mère du moment où elle essaye de lui imposer une autorité. Loin de véhiculer une quelconque morale, la série est à l'image de son héros, prétentieux et narcissique, provocateur sans la moindre conscience de ses actes.
No women, no cry
Finalement, la mère choisie par le jeune garçon va partir, faisant le choix seule de quitter la famille non fonctionnelle des De Longpré. Ce choix de la faire partir d'elle-même est assez maladroit, motivé par la volonté de ne pas développer cette intrigue sur la longueur. Ce départ laisse une sensation étrange, soulignant la différence entre l'univers excentrique et irresponsable du show et d'un héros qui n'a clairement pas besoin de mère. Marquant ainsi un profond mépris pour l'autorité féminine, Allen n'est le fruit d'aucune éducation, refusant à cause de son égo disproportionné de recevoir des leçons de qui que ce soit.
Cynique, égoïste, il est le maître de son univers et souligne ainsi l'importance dans sa construction de l'absence d'image maternelle. Nul doute que ce jeune garçon serait plus sociable et mieux éduqué avec une famille classique, mais cela reste à voir tant son obsession pour son bonheur surpasse tout, quitte à reprendre un Jeremy qui a le mérite de se plier à sa moindre volonté. Finalement, l'absence des femmes est un plus pour son bonheur personnel, définissant son univers comme incompatible avec le genre féminin.
L'épisode offre alors quelques répliques savoureuses, surtout lorsque Richard est contraint de passer à l'acte avec Sheila, donnant un épisode assez plaisant malgré un léger manque de rythme dans le premier acte. L'irruption d'une femme dans l'univers d'Allen Gregory aura permis de souligner combien le garçon préfère son confort et son orgueil à une quelconque affection maternelle.
Le besoin de s'intégrer
Au final, cet épisode aurait pu évoquer les questions de l'importance de l'image de la mère, mais son arrivée aura juste permis au héros de trouver un nouvel accessoire pour sa fierté personnelle. L'apparence devient alors la seule cause de l'attraction qu'il éprouvait pour elle, personnage qu'il pouvait afficher pour épater les autres. C'est finalement la meilleure définition d'Allen Gregory, à savoir un enfant auquel il est impossible de s'attacher, tant ses sentiments sont, avant tout, l'expression de son propre égocentrisme.
En conclusion, un épisode intéressant qui permet d'introduire un personnage féminin au sein d'une série profondément masculine. L'occasion de constater l'égoïsme de ce jeune héros qui voit dans sa mère un moyen de gonfler son orgueil, ne tissant aucun lien affectif avec elle. Seulement, cette nouvelle présence va avec une autorité qui n'est pas en accord avec les désirs du fils De Longpré, celui-ci définissant la famille idéale comme celle qui lui laisse le plus de liberté, refusant de considérer les questions de morale et de vivre ensemble.
J'aime :
- l'intervention du personnage féminin
- la qualité des dessins et de l'animation
- l'inversion de l'échelle des valeurs habituelles
Je n'aime pas :
- le scénario qui manque au début de rythme
- le départ précipité de Sheila
Note : 13 / 20
Un bon avant-dernier épisode pour la série d'animation de la FOX qui ne connut pas du tout le succès, la faute à un univers qui manque de personnage positif. L'arrivée de Sheila aura eu le mérite d'apporter plusieurs bonnes répliques pour un épisode assez satisfaisant et plutôt juste.