Critique : Better Call Saul 2.10

Le 28 avril 2016 à 19:38  |  ~ 11 minutes de lecture
Où Vince Gilligan est à la baguette.
Par Koss

Critique : Better Call Saul 2.10

~ 11 minutes de lecture
Où Vince Gilligan est à la baguette.
Par Koss

La régularité est ce qui a le plus caractérisé cette saison. Chaque épisode est venu agrémenter un ensemble qualitatif réglé comme un métronome. Le bon côté de la chose, c’est que chaque semaine, on savait qu’on aurait notre dose, propre, travaillée et fournie à ras bord de pistes de réflexion. Le mauvais côté est qu’il n’y a rien eu qui dépassait. Cette année, pas de « Five O ». Ce final préfère faire le choix raisonné du double cliffhanger.

 

 

L’enregistrement

 

C’est le troisième round du combat Jimmy VS Chuck. Ce dernier parvient à tirer parti de son hospitalisation et de sa position de faiblesse pour attendrir Jimmy et le faire avouer : oui, il a bel et bien falsifié les documents sur Mesa Verde. Pour un avocat, cela équivaut à une grosse faute professionnelle et une radiation du barreau. Or, Jimmy est toujours avocat (et quel avocat !) dans Breaking Bad. Encore une fois, les showrunners jouent avec notre connaissance à leur avantage. Dans n’importe quelle autre série, ça ne ferait pas un pli et Saul ne deviendrait jamais avocat. Mais, on n’est pas dans n’importe quelle série. Bien sûr, Chuck va sûrement se servir de l’enregistrement pour récupérer le contrat Mesa Verde. On peut supposer que l’élégant Hamilton sera impliqué dans cette affaire. Et Kim également, qui a défendu Jimmy devant son frère. Mais après ? Rien de certain. Jim a peut-être volontairement avoué à Chuck son arnaque pour pouvoir, à son tour, retourner la situation en sa faveur...

 

Jimmy and Chuck

 

Ce qui est intéressant dans cette histoire, c’est que pour « vaincre » son frère, Chuck a dû se placer au même niveau que lui. À l’exacte place du type qui utilise la ruse et la fraude pour parvenir à ses moyens. Plutôt embarrassant pour un type qui proclamait quelques épisodes plus tôt : « la loi est sacrée ! ». On ne peut alors vraiment qu’éprouver du mépris pour ce type hautain. Sauf que la série a été assez maligne pour nous placer deux scènes en ouverture.

La première voit Jimmy et Chuck au chevet de leur mère. Bien sûr, Sleeping Jimmy n’est pas présent lorsque cette dernière rend son dernier souffle en le réclamant. Cette saison, les flashbacks n’ont pas toujours été les plus belles séquences de la série. Après la maladroite scène d’arnaque dans le magasin de son père, la série vient re-souligner à grand trait les raisons de la situation actuelle. Tout comme j’aurais préféré ne jamais savoir si Chuck disait la vérité sur les vols que commettait son frère, j’aurais préféré que le show évite d’en remettre une couche sur Jimmy le maladroit. Dans les deux cas, les scènes nous avaient été racontées par Chuck. Dans les deux cas, la série a préféré la vérité de l’image au charme du récit. Un peu dommage.

La seconde scène est un plan fixe d’un peu plus de deux minutes. On voit un Chuck sens dessus-dessous, souffrant le martyre sur la table d’opération. Ce sont deux minutes de pures tortures, assez éprouvantes à regarder (et pourtant, des saloperies, la série nous en a souvent donné à contempler). C’est le genre de scène qui achève de convaincre le plus hardi des sceptiques sur la « maladie » de Chuck. Il est bel et bien malade, même si c’est une forme très sévère de sensibilité électromagnétique. Il souffre et on est directement pris à témoin. Chuck est beaucoup critiqué et détesté sur Internet. Et pourtant, je n’arrive toujours pas à lui en vouloir. Oui, c’est un vrai connard en ce qui concerne son frère, mais pas au-delà (« Le meilleur à son travail » disait Jimmy l’épisode précédent). Quant à son frère, la série a su nous rappeler à quel point il avait dû être éprouvant de côtoyer au quotidien, et pendant plus de 35 ans, Sleeping Jimmy.

 

Chuck à l'hôpital

 

Je pense qu’on aura le fin mot de cette histoire la saison prochaine. Pour moi, la vérité réside avec Rebecca. L’électro-sensibilité et la dernière pierre de haine de Chuck envers Jim semblent directement liées à la perte de sa femme. Dans l’épisode 2, un Chuck mélancolique joue au piano « la Sicilienne » de Gabriel Fauré. Elle raconte l'histoire d'un homme qui découvre que sa femme est amoureuse de son frère. Il y a peut-être ici un indice…

 

 

« Don’t »

 

Là où le premier cliffhanger apparaît comme un peu trop évident quelques instants avant sa révélation, le second est beaucoup plus opaque. Dans « Better Call Mike », notre chauve préféré continue de faire n’importe quoi. Il est bel et bien décidé à laver son honneur et à faire disparaître tout soupçon de menaces pesant sur sa petite-fille. C’est bien entendu une quête totalement absurde. Tuer Tio Salamanca n’éloignera jamais le danger de la tête de Kayla. D’avance, c’est peine perdue. Et, je pense qu’inconsciemment, il le sait. Le Mike de Better Call Saul n’est clairement pas le Mike de Breaking Bad (qui n’aurait jamais payé une tournée après un coup réussi). Il faut que le Mike de Better Call Saul commette cette erreur là pour devenir le Mike de Breaking Bad et donc mourir. C’est là où c’est tragique, car dans tous les cas (que Mike parvienne à tuer Tio ou non), il est bel et bien fichu. En attendant et pour prolonger sa vie, une tierce personne intervient.

Plusieurs théories sont possibles sur l’identité du mystérieux scribouilleur :

  • Une personne qu’on ne connaît pas et qui vient en aide à Mike, comme un ange gardien.
  • Nacho. L’attitude de l’homme de main de l’oncle Salamanca lorsque Mike le pointe au sniper est plutôt intriguante. Il se place pile dans l’axe du tir. Les Salamanca doivent savoir que l’endroit où se trouve Mike est l’endroit le plus probable pour une attaque. Mais quand même, il y a d’autres coins surélevés aux alentours. Ainsi, en laissant ce mot, Nacho aurait cherché à dissuader encore une fois Mike.
  • Gus Fring. L’ombre de l’homme le plus pointilleux du Sud des États-Unis plane sur la série depuis le début. Cette année, les premières lettres des titres des épisodes formaient (dans le désordre) « Fring’s Back ». Difficile de faire plus clair.
  • Un homme de main de Gus. C’est, pour moi, la théorie la plus probable. Comme Gould et Gilligan l’expliquent en interview, ce n’est pas du tout le genre de Gus d’intervenir directement. Dans un tel cas, il aurait plus probablement fait intervenir un homme travaillant pour lui. Il peut donc s’agir de Victor ou de Tyrus :

 

Victor

Tyrus

 

Pas de feux d’artifice pour cette saison, mais deux honnêtes cliffhangers. Si on peut bien sûr regretter le pic émotionnel, on ne peut que constater la pleine maîtrise des deux showrunners dans la construction de leur seconde série et la cohérence générale de leur univers. C’est une mécanique de précision assez réjouissante à observer. Vivement l’an prochain.

 

J’ai aimé :

 

  • Ernesto. Il y a toujours eu chez Vince Giligan une forme d’hommage aux héros du quotidien. Dans Better Call Saul, il s’agit d’Omar et d’Ernesto. Deux hommes de l’ombre qui se taisent et qui interviennent au bon moment. S’il y a, sur Internet, toute une théorie expliquant qu’Ernesto est le fils caché de Gus, la vérité est sans doute plus simple : dans Better Call Saul ou Breaking Bad, lorsque tu commets le bien, tu récoltes le bien.
  • Vince Gilligan. Depuis le pilot de Breaking Bad à ce final, on peut tracer sa progression comme réalisateur. De quelque chose d’un peu clinquant, il est passé à une réalisation plus sobre et mieux construite.
  • L’absence totale de musique sur la scène sniper. Simple et terriblement efficace.

 

Je n’ai pas aimé :

 

  • La prévisibilité de l’enregistrement de Chuck. À moins que cela cache quelque chose de plus retord, c’était assez facile.
  • L’absence de Gus. Parce que oui, c’était assez frustrant.
  • Pas assez de temps sûrement pour pouvoir la caser dans le final, mais Kim était bien trop en retrait. Un beau regard de fierté quand même lors de la diffusion de la publicité.

 

Ma note : 15/20.

 


Le Coin du Fan :

 

  • Pas d’easter egg pour une fois. Par contre, on a failli avoir un (gros) caméo. Il était initialement prévu que Marie Schrader apparaisse au début de cet épisode. En effet, la femme de Hank travaille comme radiologiste à l’hôpital. Comme le racontent Gould et Gilligan, elle devait apparaître, dans un halo de lumière, lorsque Chuck se fait opérer, ce qui aurait donné un certain cachet angélique à ce caméo. Pour ne pas distraire le spectateur de la dureté de la scène, ils ont préféré ne pas la faire apparaître. Pour une prochaine fois, peut-être ?
  • Le jeu des parallèles. Dans Breaking Bad, Walter va chez Gus pour essayer de le tuer. Un téléphone sonne : « Go Home, Walter » lui dit calmement un homme de Gus (qui est probablement Tyrus d’ailleurs).

 

 

  • Mike VS Salamanca. Ce n’est pas une référence liée à cet épisode précisément, mais plus à la saison dans son ensemble. On sait maintenant que Mike connaissait les jumeaux bien avant le début de Breaking Bad. Certaines scènes prennent donc une toute autre tournure.
  1. Comme cette fois, où il le voit entrer dans la maison de Walter :
  2. The Cousins entrent chez WalterMike regarde les Cousins entrer chez Walt

     

  3. Ou cette autre fois où sur ordre de Gus, il vient achever le dernier cousin à l’hôpital :

Mike tue le dernier cousin

 

À l’année prochaine avec une foule de réponses à nos questions : qui a laissé le mot ? Que va faire Chuck ? Comment va réagir Kim ? Reverrons-nous Daniel ? Qu’est-ce qu’il s’est passé exactement avec Rebecca ? Et peut-être qu’on aura la réponse à d’autres questions laissées en suspens par la série-mère…

 

Saul Goodman

L'auteur

Commentaires

Avatar Galax
Galax
Très bonne critique, comme d'hab. Mais je ne te rejoins vraiment pas pour Chuck. "Oui, c’est un vrai connard en ce qui concerne son frère, mais pas au-delà (« Le meilleur à son travail » disait Jimmy l’épisode précédent)." Il est pourtant montré comme extrêmement hautain même sans son frère, il n'y a qu'à voir son comportement avec Kim ou la façon méprisable dont il parle à l'avocate de Mesa Verde dans l'épisode 9. "Quant à son frère, la série a su nous rappeler à quel point il avait dû être éprouvant de côtoyer au quotidien, et pendant plus de 35 ans, Sleeping Jimmy." Show, don't tell. (c'est précisément pour ça que les flashbacks cette saison manquent un peu de punch et de pertinence : ils passent à côté de l'essentiel à nous montrer). Mais GG pour ta théorie sur Rebecca, je crois que ça a toutes les chances d'être ça et ça s'annonce très intéressant...

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CaptainFreeFrag
"Dans Better Call Saul ou Breaking Bad, lorsque tu commets le bien, tu récoltes le bien." Andrea says hello ! Très bonne critique sinon.

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Koss
Merci Merci :) @Galax : Ouais tu as raison, mais je n'arrive pas à le détester. C'est mon Walter White à moi. Quand à Rebecca, je pense que le terme "amoureuse" peut être entendu dans un sens plus large (genre juste amie avec Jimmy). Et la théorie ne vient pas de moi, mais d'un truc lu sur internet (je n'arrive plus à retrouver la source). @CFF : Ahaha ouais. Ca tombe à l'eau du coup. Mais disons qu'il peut y avoir des victimes collatérales dans les deux séries (Andrea ou le type qui a prévenue les secours l'épisode précédent).

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Koss
@Galax : La source (je l'avais gardé dans au fond de mes favoris en fait) : https://www.reddit.com/r/betterCallSaul/comments/474pai/s2e02_spoilers_sicilienne/

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Galax
"Quand à Rebecca, je pense que le terme "amoureuse" peut être entendu dans un sens plus large (genre juste amie avec Jimmy)" Oui c'est plus cohérent en effet. Ce qui ferait de Chuck un frère jaloux pour un rien en prime ^^ Mais je serais content, même si c'est encore pour faire de lui un connard, que la série nous éclaire un peu sur ses ressentiments envers son petit frère. Intéressante théorie donc et assez vraisemblable je pense...

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