Contrairement à Breaking Bad, Better Call Saul ne poursuit pas une direction parabolique. L’évolution de Jimmy McGill en Saul Goodman tient plus de l’oscilloscope que de la linéarité stricte. Parfois, Jim s’éloigne de Saul, parfois, il s’en rapproche. Mais à la fin, on sait tous comment ça se termine. Après trois épisodes d’hésitation, ce quatrième épisode fait encore davantage rapprocher Jimmy McGill (et par là même, Mike) de son devenir.
Chuck VS Saul
La série possède une vraie force anti-manichéenne assez inouïe. Elle est capable de te faire viscéralement détester un personnage pendant plusieurs épisodes, puis de te faire radicalement changer d’avis sur lui en un. Ça a été le cas en saison 1 pour Howard Hamlin. C’est le cas maintenant pour Chuck McGill. Comme je l’indiquais dans ma critique de l’épisode précédent, Chuck connaît son frère depuis plus longtemps que nous. Il sait bien qu’il n’est pas fiable et qu’il a une très forte tendance à ne pas suivre les règles.
Toute la beauté de leur relation tient en une phrase qu’il lui énonce : « You’re my brother and I love you, but you’re like an alcoholic who refuses to admit he’s got a problem ». C’est un peu con à dire comme ça, mais la relation de Chuck envers Jimmy n’est pas celle d’un avocat envers un autre hiérarchiquement en dessous. C’est celle d’un frère qui aime son frère. On sent au fond qu’il s’estime en partie responsable de ce qu’est devenu Jimmy ; qu'en tant que grand frère, il a « échoué » sa mission. Jimmy est bel et bien un alcoolique. Un magnifique alcoolique, même. Capable de s’épanouir seulement dans le mensonge, l’arnaque et le refus des lois. Et ça, pour quelqu’un qui estime que « la loi est sacrée », c’est forcément quelque chose d’impardonnable.
Mike VS Tuco
La partie sur Mike est la partie la plus longue de l’épisode et en constitue même l’aspect le plus intéressant. On y retrouve donc Tuco qu’on n’avait pas vu depuis l’épisode 2 de la saison 1 (« Mijo »). T. Salamanca a toujours été un électron libre dans Breaking Bad. C’est le personnage de la série qui se rapprochait sans doute le plus d’un personnage de fiction (et ça me dérangeait, d’ailleurs). Le revoir dans le contexte différent d’une série comme Better Call Saul, bien plus ancrée dans le réel et faite d’avocats et de pensions de retraite, aurait dû me gêner.
La série désamorce d’emblée le problème par la voix de Nacho qui explique que Tuco prend tellement de drogues qu’il en devient fou. Cette explication, sous-entendue dans Breaking Bad, est explicitement dite dans son spin-off. Elle est nécessaire. Better Call Saul ne pouvait pas se permettre de garder Tuco sous le coude pendant trop longtemps. Sa présence et ce qu’elle implique (le camp Salamanca) est beaucoup trop compliquée à gérer pour une série qui raconte l’avant. En le mettant au frais pendant cinq ans, Better Call Saul se simplifie considérablement la vie. Smart move de la part de Paul et Vincent !
Mike, de son côté, se complique l’existence. Nacho le lui fait d’ailleurs remarquer en fin d’épisode : « You went a long way to not pull a trigger ». Mike suit implacablement son code. Il tue pour se venger ou pour son pays (la série sous-entend fortement que c’est un ancien du Vietnam). Mais pas pour de l’argent. Pas encore. En attendant : gloves off. Mais par là même, il ne va pas jusqu’au bout avec Tuco, qui risque de revenir vers lui à sa sortie de prison. « No more half-measures Walt » avait dit Mike au héros de Breaking Bad. Il se pourrait bien que cette fois-ci, Mike soit à son tour resté au milieu du chemin.
Un épisode sur un double combat où nos deux héros passent une nouvelle épreuve de pénitence avant d’accomplir leur destinée. Même si la série a le mérite de la régularité (ce qui est trop souvent rare), elle monte encore ici d’un cran.
J’ai aimé :
- La tension sous-jacente de la seconde partie de l’épisode.
- Un fort retour d’« anciens » (voir-ci-dessous) et un sens du détail toujours incroyable.
- Tout le dialogue entre Chuck et Jimmy est vraiment bien écrit.
- Mike en patron.
Je n’ai pas aimé :
- L’ouverture en flashforward sur Mike qui rentre chez lui. Trop facile et beaucoup trop classique pour Better Call Saul. À noter que Mike vit exactement dans la même maison que dans Breaking Bad. Tout l’argent va bien pour Kayla, et rien d’autre.
- Le faible impact de la scène entre Kim et Jimmy.
Ma note : 15/20.
Le coin du fan :
- Krazy 8. Je ne l’avais absolument pas reconnu, mais le « Domingo » interrogé par Tuco et Nacho est bien la même personne emprisonnée, tuée puis dissoute à l’acide par Walt et Jessie en saison 1 de Breaking Bad.
- Cette scène du restaurant fait ressortir deux détails :
- Tuco scanne Domingo pour savoir s’il ment. Or, il s’avère que Krazy 8 est un informateur de la police dans Breaking Bad. Difficile de dire si c’est aussi le cas dans Better Call Saul (je ne le pense pas), mais on relèvera toute l’ironie de la mise en perspective.
- Domingo possède une voiture Tempico, de la marque créée par son père. C’est ce qu’il explique à Walter lorsqu’il est prisonnier dans la cave. Ils chantent même ensemble la chanson de la publicité.
- Lawson. C’est le troisième comeback de l’épisode. L’homme qui propose des armes à Mike est le même homme qui en vend à Walter dans deux épisodes de Breaking Bad (4.02 et 5.01).
- « Dawg » Paulson. Nacho raconte à Mike l’histoire de « Dawg » Paulson, un ami de Tuco que celui-ci, sous l’emprise de la drogue, a fini par tuer. Hank raconte la même histoire lorsqu’il présente le profil de Tuco Salamanca à toute son équipe.
- Dans Breaking Bad, Walter cherche à faire arrêter Jessie pour l’empêcher d’aller se venger contre les deux dealers de Gus qui ont fait du mal à Combo. Walt en parle à Mike, qui l’en déconseille fortement. « C’est débile de faire ça » lui dit-il. Voici ce que Walter lui répond :
On peut estimer que c’est peut-être une référence à cet épisode avec Tuco...
See you next week folks !