La troisième saison de Boardwalk Empire est bien entamée puisque nous en sommes déjà à cinq épisodes sur douze.
Cinq épisodes et il faut que je regarde la vérité en face : je peine à retrouver l'enthousiasme que j'avais pour les saisons 1 et 2.
Il faut dire que cet épisode, pourtant réalisé par Tim Van Patten, est le plus faible depuis le début de la saison. Et ce, malgré quelques passages brillants. On peut même dire qu'il était assez soporifique…
Des personnages transparents
Mon plus gros soucis avec ce début de saison est qu'il n'y a presque plus de personnages attachants ou charismatiques sur le devant de la scène.
Jimmy me manque. Il n'a pour le moment pas trouvé de remplaçant à sa hauteur en tant que héros secondaire de la série. C'était un personnage intense, complexe, fabuleusement bien écrit, et magnifié par la prestation à fleur de peau de Michael Pitt.
A la place, dans le rôle du rival de Nucky, on nous offre Gyp Rosetti. Alors oui, Rosetti est un bon personnage, complètement allumé, et assez charismatique dans son genre. Mais il n'a ni la profondeur, ni la complexité de Jimmy – on ne sait rien de lui. Son caractère imprévisible est très développé, ses euh… pratiques sexuelles pour le moins extrêmes (!) également. Mais pas le fond de sa personne. Il n'est pas du tout attachant.
Et c'est le fond du problème : un des principaux intérêts de Boardwalk Empire a toujours été pour moi ses personnages secondaires torturés mais charismatiques et attachants, interprêtés par des acteurs qui crèvent l'écran. Or, on ne les voit quasiment plus.
Et pourtant, chacune de leurs apparitions illumine totalement la série : quand Richard Harrow parlait d'Angela au fils de Jimmy dans le premier épisode, c'était bouleversant, et beau. Il brille depuis par son absence. Al Capone ? L'épisode 4 aurait été bien fade sans lui, mais on ne le voit décidément que trop peu. Chalky ? Sa scène dans cet épisode était jubilatoire – mais il n'est plus qu'un personnage archi-secondaire. Gillian ? Son personnage était tellement dépendant de Jimmy qu'elle peine à exister par elle-même depuis le début de la saison. Van Alden ? Il y a bien longtemps qu'il n'a pas hérité d'une intrigue potable…
Restent Eli et Margaret, qui sont pour moi les meilleures surprises - et les meilleurs espoirs - de la saison jusqu'ici : la sortie de prison d'Eli dans l'épisode 2 était une scène vraiment extraordinaire. Son personnage est un de ceux qui a le plus évolué depuis le début de la série, et le chemin de rédemption qui s'ouvre devant lui a tout pour être aussi passionnant. Et, pour le coup, il est vraiment au cœur de l'histoire.
Quant à Margaret, j'avoue que j'adore sa storyline cette saison. Bon, évidemment, la question de l'histoire de la cause féminine m'intéresse et je suis ravie qu'elle prenne le devant de la scène. Mais ce qui est particulièrement intéressant c'est la façon dont cette histoire d'éducation médicale lui permet de s'affirmer petit à petit, de s'émanciper et de s'engager très progressivement. Par contre ses liens avec l'intrigue principale sont pour le moins ténus…
Omar Chalky a dans cet épisode sa meilleure scène depuis le début de la série. Jubilatoire.
Une intrigue décousue
Et il n'y a pas que l'intrigue de Margaret qui soit déconnectée du reste. Boarwalk Empire ressemble de plus en plus à un patchwork mal cousu, à un puzzle qui s'assemble mal. Et c'était particulièrement vrai dans cet épisode, qui mettait à la queue-leu-leu des scènes qui n'avaient que peu de rapport entre elles, et dont l'intérêt était souvent discutable. La conséquence directe et qu'on s'ennuie… quel dommage !
Car comme Antofisherb le faisait justement remarquer dans sa critique de l'épisode 2, Boardwalk Empire n'est jamais aussi bon que quand il choisit de se focaliser sur un petit nombre de personnage, quitte à les mettre de côté dans l'épisode suivant. Ce n'est pas un hasard si l'épisode de la semaine dernière était si bon : il était recentré sur deux intrigues évoluant en parallèles, focalisées sur Nucky et Al… les personnages, on en revient toujours à ça ! Ce n'est pas le cas de cet épisode et le rythme s'en ressent énormément.
Pourtant, l'épisode aurait pu être intéressant.
C'est toujours instructif de voir la "grande histoire" se mêler à la fiction qui nous est racontée, et rappeler les scandales de corruption qui ont éclaboussé le mandat du président Warren G. Harding et le fameux gang de l'Ohio qui l'entourait aurait pu être un plus, ça et plus globalement tous les problèmes politiques et sociaux liés à la prohibition. Mais ça ne fonctionne pas – pas à mes yeux en tous cas – tout cela se passe trop loin de l'intrigue principale – et ce, malgré le personnage de l'"homme au bocal" qui est pour le coup une vraie trouvaille.
L'épisode aurait pu aussi être différent car, chose rare dans Boardwalk Empire, les femmes y tiennent une place importante. Et pas seulement Margaret. Ç'aurait pu être l'occasion de développements intéressants et nouveaux, mais hélas je n'ai pas trouvé le traitement très concluant.
Margaret prend les choses en main (et ce n'est pas cochon)
Boardwalk Empire et les femmes
Pourtant, à défaut de parler beaucoup des femmes, Boardwalk Empire en parle généralement bien, malgré une nudité féminine gratuite trop présente à mon goût (disons qu'avec Rosetti à poil dans cet épisode et Owen la semaine dernière, ils se ratrappent un peu niveau parité...). Quasiment aucun personnage féminin de la série n'obéit aux stéréotypes éculés que sont 95% des personnages féminins dans les fictions. Ce sont de vrais personnages, généralement complexes et ambigus, qui donnent chacun une image nuancée de la place des femmes dans l'Amérique des années 20, et qui évoluent.
Mais Angela est morte. Lucy Danzinger a disparu du paysage – et honnêtement, ce n'est pas une grande perte tellement ce personnage était insupportable. Gillian quant à elle n'est plus que l'ombre d'elle-même depuis la disparition de son fils : l'intrigue autour de sa maison close est poussive et n'a pas évolué d'un iota depuis le début de la saison – on sent que ces scènes ne sont là que pour meubler. J'ai été surprise d'apprendre dans cet épisode qu'elle refusait d'admettre la mort de Jimmy… il y a là peut-être l'amorce de quelque chose d'intéressant sur le déni et le travail de deuil ? Nous verrons bien. Gillian est un personnage plein de contradictions qui a énormément de potentiel. Elle est à la fois totalement soumise aux hommes et indépendante, malsaine et manipulatrice mais finalement assez naïve. Et tellement belle et classe. Encore un personnage fabuleux qui a du mal à être exploité depuis le début de la saison. Un de plus…
Dans cet épisode nous en découvrons aussi un peu plus sur Billie, la nouvelle obsession de Nucky. Mais j'avoue que si je la trouve géniale dans ses numéros de music-hall, je trouve qu'elle sert pour le moment plus de faire-valoir à Nucky et Margaret que de personnage qui apporte réellement quelque chose à l'intrigue. Même si c'était tellement bon d'entendre Margaret railler le goût qu'a Nucky pour les demoiselles en détresse !!!
Et puis il y a la nouvelle épouse de Van Alden. Mouaiche. Si on peut dire que dans le genre puritains psychopathes ils se sont bien trouvés, là non plus je ne comprends pas bien la plus-value…
Le fauve est lâché...
Deux scènes fabuleuses qui sauvent l'épisode
Mais tout dans cet épisode n'est pas à jeter, loin de là ! Il y a notamment deux scènes absolument brillantes et jubilatoires qui nous montrent que Boardwalk Empire n'a pas perdu toute sa verve ni son génie de réalisation.
La première, c'est la scène où Chalky et son accolyte viennent intimider Eddie, la star du music-hall. Cette scène est géniale. Aucune violence, ni verbale, ni physique : après tout, ils ne lui demandent que de leur jouer un numéro ! Eddie, qui peu de temps avant singeait devant Nucky le noir bien brave et amusant typique du cliché raciste des années 20 période Yabon Banania, se retrouve face à deux hommes noirs monstrueux de présence (Omar, quoi !) qui n'ont plus rien de l'image d'Epinal du "gentil nègre". Et qu'est-ce que ça fait plaisir à voir !
La deuxième, c'est la scène qui clôt l'épisode : faisant écho à la scène d'ouverture où l'on apprend que Rosetti aime être asphyxié quand il jouit (!!!), cette scène de tentative d'assassinat est géniale par sa réalisation. Suivre en contre-plongée un Rosetti la bite à l'air, longeant le couloir et enjambant les cadavres les uns après les autres avec un regard animal et une démarche de fauve en chasse est une idée originale et puissante. Et prometteuse pour la suite – car on sait que Rosetti est capable de tout… c'est même à ça qu'on le reconnait !
Au final, cet épisode est assez décevant car ennuyeux. Boardwalk Empire se disperse... Cependant, certaines scènes sont là pour nous rappeler de quoi la série est capable quand elle est à son meilleur niveau : il n'y a plus espérer que les épisodes prochains suivront cette voie !
J'ai aimé :
- Margaret, qui suit sa route avec intelligence
- La scène de Chalky, jubilatoire
- La scène de fin, sublimement réalisée et prometteuse pour la suite de la saison
Je n'ai pas aimé
- Trop de storylines qui ne servent à rien
- Trop de personnages sans intérêt
- On ne voit pas assez les personnages réellement intéressants