Malgré un départ convainquant, cette troisième saison a eu parfois du mal à tirer profit de l'absence de Jimmy, notamment à cause d'une intrigue mafieuse brouilonne et parfois peu intéressante et d'une réalisation un peu moins inspirée qu'en deuxième saison. Néanmoins, depuis deux épisodes, la série de Terence Winter retrouve enfin son sens de l'exploration intimiste des personnages et remue les enjeux de la saison. Et ce qu'il y a de fort avec ce neuvième épisode, c'est qu'il parvient à faire les deux en même temps.
There Will Be Blood
Depuis le début de la saison, on sent bien qu'une guerre des gangs se prépare entre Nucky et Rosetti. Elle a été longue à se mettre en place – trop longue même – mais la relation entre les deux mafieux a enfin pris un tournant... explosif ! Gyp pensait faire d'une pierre deux coups en éliminant Nucky et Rothstein lors d'un attentat à la bombe. Au lieu de ça, Billie meurt sous les yeux d'un Nucky impuissant, qui n'a dorénavant pour seule arme que son désir de vengeance. C'était la goutte d'eau qui a fait déborder un vase rempli de violence et de frustrations accumulées au fil des épisodes.
Mais les choses ne sont pas aussi simples et la guerre des gangs risque d'être très corsée pour Nucky. En effet, ce neuvième épisode met en exergue une inversion des rôles impitoyable entre un Nucky qui perd peu à peu de l'influence, et un Gyp Rosetti qui gagne en prestige. Cette inversion se profilait déjà au cours des épisodes précédents, comme lorsque Rosthstein avertissait Nucky sur la dangerosité de son attraction pour Billie, ou que Gyp se constituait sa petite armée corrompue. Mais ici, cette inversion est définitivement amplifiée par la mise en scène, et ce d'autant plus qu'elle est parfaitement cohérente avec le reste de la saison. Mais bon, à ce niveau, je n'en attendais pas moins de Boardwalk Empire.
Ainsi, dès les premières minutes qui se déroulent au lendemain de son accident, Nucky perd complètement la boule : il a une mémoire de poisson rouge, se montre très aggressif avec tout le monde, et ne reconnaît plus son entourage. Au Nucky du premier épisode de cette saison qui s'affirmait en tant que gangster prospère et craint, s'est substitué un Nucky faible et surtout qui n'a plus d'amis. La désillusion est grande, et elle ne trompe personne : dans le monde de la mafia, les apparences sont primordiales. Là où dans la série Boss, la maladie de Tom Kane ne le rend que plus impitoyable encore, le moindre signe de faiblesse de Nucky ne pardonne pas et c'est sans surprise qu'il rendre bredouille (ou broucouille, comme on dit dans le Bouchonois) de sa recherche d'une alliance mafieuse. Et malgré toute l'affection que j'ai pour eux, ce n'est pas avec Owen, Eli et Chalky White (qui ne fait décidément plus que des apparitions surprises) qu'il va remporter la victoire sur l'alliance Gyp Rosetti/Joe Masseria.
Du coup, je me demande bien comment il va faire pour s'en sortir, ce pauvre Nucky. Et c'est peut-être ça - entre autres - qu'il manquait à cette troisième saison, ou du moins à la partie mafieuse : la sensation d'être devant de vrais personnages plus ou moins dans le pétrin, avec leurs faiblesses et leurs doutes, et non celle d'assister au déroulement d'un récit déjà pré-écrit.
Pour revenir au duel à distance entre Nucky et Gyp, ce dernier est à l'inverse présenté durant tout l'épisode comme un tout puissant, un demi-dieu disposant de l'aura de Joe Masseria. Souvent filmé en contre-plongée pour signifier sa grandeur, il est toujours très bien entouré, prend bien soin de poser son chapeau avant de tabasser un flic corrompu, se fait ouvrir la porte de sa voiture, ou encore prend possession d'une ville sans demander l'avis de ses habitants. Sa mégalomanie l'entraîne même à porter un chapeau du siècle dernier autrefois porté par le fondateur de la ville dont il prend possession, qui est bien évidemment totalement ridicule (un bicorne, quoi !).
Un peu d'amour dans ce monde de brutes
Afin de pouvoir pleinement les développer, la dégringolade et l'ascension de ces deux personnages devaient prendre une majeure partie de l'épisode. Les scénaristes ont fait le bon choix, mais du coup, forcément, cela laisse peu de place aux autres intrigues. Malgré tout, quelques passages d'un léger romantisme probablement voulu servent de respiration au récit.
Ainsi, Margaret et Owen s'interrogent sur leur avenir incertain, au détour de quelques scènes lorsque Nucky se repose ou déverse sa bile sur son majordome toujours aussi drôlement maladroit. Pour être honnête, leur histoire d'amour n'est pas des plus grands intérêts pour moi et je trouve qu'elle tourne un peu en rond. Mais je dois bien reconnaître que leurs scènes sont d'une sobriété bienvenue, d'autant plus que la décision finale de Margaret est cohérente avec l'attitude de Nucky dans l'épisode. Elle en a tout simplement marre de cette vie, où elle est obligée de vivre à l'hôtel car son mari est en danger, et où son statut de "femme de" ne reste qu'un statut.
C'est le cas également de Richard qui se rend à un bal avec la fille de l'ancien militaire qu'il a sauvé quelques épisodes auparavant. J'aime beaucoup Richard, et même lorsqu'il s'agit comme ici d'une simple scène de danse ou de discussion, je trouve que le personnage a toujours quelque chose à montrer, quelque chose d'assez intimiste qui me touche. D'ailleurs, le passage où il pose sa main son masque devant le miroir, comme s'il ne croyait pas pouvoir séduire une femme avec cette apparence, était très réussi. Et puis, bon, ne le cachons pas, je trouve la femme qui l'accompagne très charmante. Finalement, l'ombre d'Angela commence peu à peu à disparaître, le désespoir laissant place à un début de bonheur.
Enfin, il s'agit d'un différent type d'amour, mais Gillian recommence à montrer de l'intérêt pour son petit fils et devient jalouse lorsqu'elle aperçoit une de ses employées en train de s'amuser avec lui. Elle va même jusqu'à reprocher à Richard d'être trop absent. J'avoue que j'ai un peu de mal à voir où les scénaristes veulent en venir avec ce personnage, et son rôle aura pour l'instant été assez minime cette saison. Quitte à exploiter la relation entre elle, Richard et son petit fils, j'aurais préféré qu'on le fasse dés le départ et ce notamment à la place de son deuil très particulier étalé sur plusieurs épisodes.
J'ai aimé :
- L'évolution en parallèle de Nucky et Gyp
- Les petites respirations romantiques et notamment celle de Richard
- Une petite dose d'humour bienvenue
Je n'ai pas aimé :
- L'exploitation du personnage de Gillian, trop hétérogène sur l'ensemble de la saison pour réellement convaincre
- Et puis, pas grand chose d'autre, en fait...
Ma note : 15/20. Avec cet épisode, Boardwalk Empire confirme son retour à un niveau qui lui sied mieux qu'une bonne partie des épisodes de cette saison, en espérant que la fin de saison continue sur cette lancée.