Eloge funèbre
Avant toute chose, je tiens à te rendre hommage, Owen Sleater.
Tu n'étais pas le personnage le plus populaire de la série, mais pourtant, moi je t'ai toujours beaucoup aimé. La série ne sera plus tout à fait la même sans toi.
Oh, tu n'étais certes pas un ange ! Tu étais fondamentalement un homme amoral, tour à tour terroriste, assassin et gangster sans que cela ne semble te causer le moindre état d'âme.
Et puis tu étais aussi menteur, charmeur et beau-parleur… et bigame.
Non, tu n'étais pas un ange.
Mais avec ton sourire craquant, tes manières de gentleman, ta capacité d'écoute, ton attitude toujours calme et respectueuse, tu avais moins l'apparence d'un gangster que celle d'un gendre idéal. Tu apportais un peu de finesse dans un monde de brutes.
Alors oui. Tu as eu tort de promettre la lune à deux femmes en même temps. Cependant tu avais tellement l'air d'y croire sur le moment qu'au fond de moi je ne peux m'empêcher de penser que tu les aimais sincèrement toutes les deux, mais que tu n'osais choisir pour ne pas leur faire de peine.
Finalement, c'est terrible à dire mais tu es mort au meilleur moment : tu n'aurais probablement jamais épousé Kathy, pas plus que tu n'aurais fui avec Margaret ni élevé ton enfant avec elle. Tu es mort avant que le masque ne tombe, laissant dans le cœur de ces deux femmes l'image idéalisée d'un amant sincère, tendre et toujours à l'écoute.
Comme avant toi Angela et Jimmy Darmody, avec leur cortège de névroses et de tragédies, entre ici, Owen Sleater, avec ton terrible cortège de femmes éplorées, au panthéon des héros de Boardwalk Empire morts sous le joug impitoyable de la guerre des gangs !
Qu'est-ce qui a une gueule d'ange, est tout rouge et vit dans une caisse en bois ?
Une mort lourde de conséquences
Vous l'aurez compris, toute l'intrigue d'Owen constituait donc de loin la trame la plus émouvante et la plus intéressante de l'épisode, même si j'avoue que j'aurais aimé assister à son combat contre Masseria plutôt que de subir une ellipse brutale. Sa disparition était logique, prévisible même, et si le personnage me manquera il faut avouer que les scénaristes ont vraiment réussi sa sortie. La vision de ton corps ensanglanté dans une caisse en bois me hantera encore longtemps…
Sa mort est d'autant plus marquante et intéressante qu'elle est lourde de conséquences pour Nucky et Margaret, et constitue donc un ressort scénaristique très prometteur pour la suite de la série. Nucky qui s'enfonce encore un peu plus en se faisant un ennemi mortel de Masseria, et Margaret qui perd d'un coup tout espoir de changer de vie... et qui tombe enceinte pile au moment où il serait logique que la série aborde la question de l'avortement. Un hasard ?
Une intrigue mafieuse prisonnière de l'Histoire
Le reste de l'épisode est loin d'être mauvais, mais comme à chaque fois qu'il s'agit d'intrigues mafieuses cette saison, j'ai du mal à accrocher.
Je pense que la série demeure prisonnière de son soucis de véracité historique : le fait de manier des personnages qui ont vraiment existé semble brider l'imaginaire des scénaristes – ils ne peuvent pas en faire ce qu'ils veulent, et ils ont par conséquent parfois du mal à les rendre intéressants.
Ainsi, toute l'intrigue autour de la corruption de l'attorney general Harry Daugherty et de ses répercussions sur la pègre des années 20 a été brouillonne et assez rasoir dans l'ensemble depuis le début de la saison, malgré quelques efforts louables pour la dynamiser (via l'homme au bocal, par exemple). Cet épisode ne fait pas exception puisqu'il s'attarde longuement sur le meurtre/suicide jamais élucidé de Jess Smith, l'assistant de Daugherty, sans jamais réussir à vraiment décoller. Mais peut-être que cette trame est plus parlante pour le public américain, puisqu'il s'agit après tout de leur Histoire ?
Jess Smith a-t-il été suicidé ou s'est-il assassiné ?
De la même façon, j'avoue ne pas être du tout convaincue par Joe Masseria, que je trouve pour le moment sans saveur ni odeur. C'est à la fois de la faute des scénaristes, qui ne lui ont donné aucun background malgré son importance croissante dans la série, et de celle de son interprète, qui nous surjoue le cliché du mafieux italien.
Mais tout n'est pas à jeter du côté des chefs de gangs, loin de là : ainsi, Arnold Rothstein s'affirme de plus en plus comme un personnage hyper classieux et charismatique, qui est petit à petit en train de devenir un des piliers de la série. Ses apparitions sont peu nombreuses mais elles sont toutes priceless.
Et puis il y a bien sûr Al Capone. Qu'il est fascinant de voir la version juvénile du plus grand gangster de tous les temps sous les traits d'un Stephen Graham qui crève vraiment l'écran à la moindre de ses apparitions ! Et qu'il est jubilatoire de le voir enfin prendre du galon et de voir sa route croiser celle de l'agent Van Alden dans cet épisode (pas trop tôt !).
Quant à Rosetti, comme le personnage est imaginaire tous les délires sont permis – il gagne en charisme au fur et à mesure que la saison avance, même si cette histoire d'exécution à la pelle m'a semblé bien gratuite et redondante par rapport à plusieurs passages du même accabit dans d'autres épisodes… enfin, la série manquait sans doute un peu de sang !
Quel est le sport préféré de Gyp Rosetti ?
Un épisode sombre ?
Récapitulons… un homme politique corrompu assassiné suicidé dans sa chambre, un fils de pêcheur décapité à la pelle de jardin, un jeune et sémillant gangster livré sanguinolent dans une caisse en bois… pas de doute, cette épisode a franchi un pas dans le sordide.
Heureusement que pour contrebalancer toute cette noirceur il y a Richard, qui a enfin droit à un peu de bonheur (mérité). Espérons seulement que sa Julia ne sera pas sacrifiée sur l'autel des amantes tragiques…
Pour conclure, nous avons là un épisode de bonne facture et de bon augure pour la suite, quoiqu'un peu lent et dans l'ensemble moins jouissif que les excellents précédents épisodes. Mais qui n'en donne pas moins hâte d'assister au grand final !
J'ai aimé
- La mort d'Owen, à la fois dans son traitement et pour ce qu'elle implique pour la suite,
- Al et Van Alden qui se rencontrent enfin,
- Rothstein qui explique les règles du snooker.
Je n'ai pas aimé
- Oweeeeeeeeeeen !!!! Nooooooooooooon !!! *snif*,
- L'intrigue autour de Daugherty, qui me fait toujours autant bailler,
- Trop d'ellipses, pas assez d'action, et un rythme qui s'en ressent.