La première impression qui se dégage des deux premiers épisodes de cette seconde moitié de saison, c’est que le centre d’intérêt de la série s’est décalé. Breaking Bad s’est ouvert sur Walter White dans son camping-car et s’est terminé par Hank sur son trône. Un signe ? Il semblerait. Je ne lis jamais aucun avis ni aucune critique avant d’écrire donc je suis peut-être le seul à le penser, mais j’ai désormais l’impression de plus en plus présente que le héros de cette série est Hank Schrader. C’est Hank que nous suivons, et nous avons des informations sur les activités de Walt, et plus l’inverse.
« Buried » (enterré), tout le monde l’est dans cet épisode. Walt par son argent, Hank et Marie par leur colère, Jesse par sa conscience, Skyler par son admiration. Sauf un protagoniste dont je n’ai pas parlé la semaine dernière alors que j’aurais finalement dû… Todd. Cela m’étonnait de voir Jesse Plemons dans les crédits avec les mêmes lettres en surbrillance que celle de Carlo Esposito (Gus Fring) : Es pour l’Einsteinium. Je n’en dirais pas plus cette semaine, ce ne serait que supposition, mais mon petit doigt me dit qu’il ne faudra pas négliger Todd dans l’équation finale, parce que si Walt creuse dans l’épisode, c’est notre sosie roux de Matt Damon qui a son pistolet chargé pour tuer la dernière brute sur la route d’Heisenberg…
Lourd comme du Baryum
Le pré-générique sera, je suppose, la dernière information buvable que nous aurons sur Jesse, vu le cliff final de l’épisode.
Un truc qui ressemble à une molécule, une camionette, un cercle vert avec Jesse au milieu... Breaking Bad
Jesse tourne dans le vert. Si Walt est parvenu à s’affranchir de sa conscience et à laisser Heisenberg cohabiter avec lui, Jesse tourne toujours en rond dans les évènements des cinq premières saisons. Nous en avions parlé dans notre dossier sur le monde de Breaking Bad, le vert est la couleur de l’élément chimique Ba, c’est-à-dire du Baryum, en lien avec Heisenberg. En quelque sorte, cette séquence d’avant générique annonce la couleur… Le nom Baryum vient du grec Barys et signifie « lourd », comme la plupart des séquences de l’épisode. La chape de plomb est tombée et Vince Gilligan prend bien soin de n’oublier aucun face-à-face.
Round 2… Fight !
Après la confrontation Walt vs Hank qui nous avait donné tant de mal pour départager les deux adversaires, c’est de nouveau Captain Albuquerque, surnommé « le Tueur de Mexicains », qui remonte sur le ring face à… Skyler, qui s’approche un peu trop timidement. Hank attaque immédiatement et balance tout son jeu sans prendre garde au regard effondré de Skyler, qui s’entraîne secrètement avec Heisenberg alias « Say My Name » depuis cinq saisons déjà. Echaudé par sa confrontation musclée face à ce dernier, Hank frappe à en perdre la raison et finit par perdre lamentablement son match contre une Anna Gunn au top de sa forme.
C’était un combat ma foi fort pathétique et c’est absolument tout ce que nous lui demandions. Le travail de son mentor a porté ses fruits, ou bien c’est l’amour de Skyler qui est indestructible, nous ne le saurons jamais. Toujours est-il que Hank semble avoir vrillé totalement dans sa tête et ce n’est pas ce sur quoi j’aurais parié la semaine dernière. Cette obstination du couple Schrader se justifie après coup, mais je ne m’attendais pas à un Hank immédiatement obstiné par la destruction de Walter White. Hank n’a pas su jauger son adversaire avant le match mais on lui pardonne, le match précédent était épique. Il ira chercher du renfort pour la seconde manche face au couple White mais attendez ! Il n’est pas encore descendu du ring que sa femme, Marie, monte calmement armée d’une énorme boite de souvenirs…
Round 3… Fight !
Nous pensions Marie trop insupportable pour asséner des coups suffisamment puissants mais la voilà face à une adversaire qu’elle connait sur le bout des doigts. Il n’aura pas falllu cinq minutes pour que la casse burne d’Albuquerque perce à jour tous les secrets de « la madre ». Malheureusement, son coup final est déclenché beaucoup trop tôt et permet à son adversaire de se réfugier dans les bras de son bébé.
Anna Gunn et Betsy Brandt sont à l’honneur dans cet épisode. L’intensité de la série ne donne aucun droit à l’erreur dans l’interprétation et si Dean Norris est parfait avec sa gueule de fou, très Jack Nicholson dans Shinning, déshumanisé par son obstination, les femmes de l’épisode maitrisent parfaitement bien la distillation de la colère, de la tristesse et de la douleur dans leur jeu.
Des pelles et des flingues…
Encore une fois, cet épisode de Breaking Bad frise la perfection et je n’ai pas peur des mots. Il fallait gérer la déflagration de l’explosion atomique déclenchée par Blood Money et préparée par cinq saisons de mensonges et on peut difficilement imaginer une meilleure manière d’en narrer les conséquences. On peut supposer que les six derniers épisodes (ça me fait mal d’écrire ça) n’omettront aucun détail et c’est exactement cela qui fait de Breaking Bad une grande œuvre. Nous avons désormais une confiance inébranlable dans la suite des évènements. On a mal d’avance n’est-ce pas ? Avouez… vous saviez qu’en regardant Breaking Bad, cette épée de damoclès allait vous tomber dessus et que vous sentiriez non seulement la pointe pénétrer votre esprit, mais également la lame découper chaque personnage de cette histoire, alors que vous avez passé cinq ans en leur compagnie.
La trame est posée avec tant de minutie que tout semble simple désormais. Les évènements se succèdent et se vivent avec une justesse déconcertante. Evidemment, Skyler est humaine et son regard en dit long face à Hank : « J’ai deux enfants et une famille, la personne que tu veux mettre en prison avant qu’il ne meurt c’est quand même mon mari et le père de mes enfants ». Bien entendu, Walt avait une bonne raison de faire tout ça même si cette fin ne pourra jamais justifier tous ces moyens. Et est-ce vraiment étonnant de voir Jesse craquer complètement alors que depuis le début nous le voyons fuir dans la méthamphétamine pour soigner une conscience qu’il n’aura jamais réussi à gérer en fonction des évènements ?
Alors Walt creuse le trou qui ensevelira l’œuvre de sa vie. Todd est désormais celui qui a son pistolet chargé et n’oublions pas de préciser tout de même qu’en face, c’était Declan, autrement dit un concurrent de Gus Fring dans la domination du secteur d’Albuquerque. Hank vrille parce qu’il a failli finir paraplégique, qu’il a tué Tuco et les deux mexicains alors que c’est Walt qui les lui a envoyés et qu’il a cru que sa femme allait mourir. Nul doute que le prochain épisode au titre évocateur (Confession) ajoutera encore des ingrédients à ce mets émotionnel raffiné que nous dégustons depuis dimanche dernier. Tout est en place depuis bien longtemps déjà et la facilité avec laquelle nous buvons les épisodes n’a d’égal que la complexité dont a fait preuve la série pour disposer idéalement chaque arc.
Cha bada
Musique, cinéma, cuisine, même combat. Ces arts ont le rythme en commun et ce que j’aime par-dessus tout dans Breaking Bad, c’est la musique et la saveur des épisodes. Pas la playlist ou la photographie, non, mais la mise en place de chaque scène pour qu’elle entre dans la cohérence non seulement de la série toute entière, mais également dans celle de la saison, et enfin dans celle de l’épisode. Les émotions sont subtilement distillées et chaque séquence clairement intense et lourde est suivie par une cassure de rythme qui nous permet de la digérer. La suite des évènements de Blood Money est une course contre la montre entre Hank et Walt, plutôt forte mais plus rythmée avant le requiem de la discussion entre M. Schrader et Mme White. Puis une scène légère, les gardes du corps de Saul qui testent un matelas de billet avant une séquence un peu farfelue devant le grotesque de la situation. Saul est toujours présent pour faire « respirer » l’épisode et ce n’est pas pour rien que son interprète, Bob Odenkirk, est relié à l’oxygène dans le tableau périodique des éléments.
Buried
Après ce cycle « lourdeur-rythme-légèreté », on recommence : discussion entre Skyler et Marie, puis scène musicale rythmée, puis réconfort avec la séquence touchante entre Walt et Skyler. Et rebelote en fin d’épisode : confrontation entre Lydia et Declan, puis fusillade rythmée et enfin, préparation d’une séquence qui s’annonce comme une des plus lourdes et intenses de toute la série… L’interrogatoire de Jesse. Mon âme de fanboy me laisse espérer un troisième épisode en huis clos entre Hank et Jesse pendant 50 minutes, mais je n’ose y croire.
Bref, c’est la seconde fois que Breaking Bad nous balance un « say my name » en deux semaines et je sens poindre en moi la tristesse des fins de séries. 2013 sera la dernière année et c’est surtout ça qui fait mal.
Ce que j’ai aimé ?
- Hank vs Skyler
- Skyler vs Marie
- Todd vs Declan
- Walt creuse
- Todd a un pistolet chargé
- Jesse tourne en rond dans un monde vert.
Ce que je n’ai pas aimé ?
- cette question
Note : 17/20