La vraie erreur de Steven Moffat et de Mark Gatiss est d’avoir donné à ces cinq premiers épisodes l’appellation de saison 7. Leur volonté de construire des mini-blockbusters au concept simple juste avant l’épisode de Noël aurait été bien mieux comprise si ces épisodes avaient été des spéciaux. Car, sans fil rouge ni idée neuve, Steven Moffat fait du remplissage et se retrouve à courir derrière le style d’écriture de Russel T. Davis, son prédécesseur au post de showrunner. Partant de là, il fallait à tout prix conclure cette suite d’épisodes par quelque chose d’inventif et offrir une digne fin au Pond.
Blink 2.0
Pour retrouver le succès, quoi de mieux que de ramener les monstres qui ont donné à Steven la renommée qu'il a aujourd'hui ? Les Anges partent donc à l'assaut de Manhattan. J'ai d'ailleurs particulièrement aimé l'explication de l'absence d'aventures précédente du Docteur dans la Grosse Pomme. Mine de rien, Steven Moffat (et quoi qu'en dise les fans anglais hardcore de la série) veille toujours plus ou moins à respecter la longue mythologie Whosienne.
Steven Moffat, avec cet épisode, nous donne à avoir ce que tout le monde attendait depuis Blink : sa suite directe. Le double épisode des Anges de la saison cinq innovait beaucoup trop (le spectateur voyait les statues bouger) pour constituer une véritable suite crédible. A une exception près, la mythologie posée par Steven Moffat est respectée et le scénariste peut alors totalement retravailler son matériau de base.
On retrouve alors ce qui avait fait le génie de Blink : ce sont les yeux du spectateur et non pas ceux des héros qui « bloquent » le mouvement des statues. A travers la scène de confrontation très réussie entre Rory et les chérubins, par d'habiles jeux de lumières, on retrouve les sensations de peur et de malaise qui font le succès des meilleurs épisodes du Docteur. Steven Moffat se permet même un gros plaisir coupable en transformant la statue de la Liberté en créature mobile. Alors que le basculement vers le nanar n'est pas loin, la narration désamorce un à un tous les pièges et nous offre une version assez proche de ce que pourrait être une transposition réussie des aventures du Docteur sur grand écran.
Le cas River.
Pourquoi, dans ce cas, vouloir toujours plus en rajouter ? Dans cet épisode, je me suis rendu compte d'une chose qui avait sauté aux yeux de bons nombres de spectateurs avant moi : River Song is has-been. A force de la cuisiner à toutes les sauces (River et les Anges, River versus les Daleks, River à la plage, River chez les Picaros, etc.) Moffat a gâché une bonne idée et le « Hello Sweetie ! » est devenu insupportable. Pour être tout à fait honnête, il est bien difficile de trouver une quelconque utilité de la « femme » du Docteur dans cet épisode. La scène dite du « poignet » a beau être très réussie, elle masque mal un enchaînement d'aberrations assez consternantes : River qui annonce sans prendre une précaution à Rory qu'il est son père, son refus final d'accompagner le Docteur comme compagnon...
En vérité, le personnage ne s'est jamais vraiment remis de la décision de son créateur d'en faire la fille des Ponds. Cédant à la facilité d'un twist facile, Steven Moffat a détruit immédiatement le mystère entourant River Song, tout en oubliant de soigner par l'écriture sa relation avec ses parents. Désormais, le spectateur a fait le tour du personnage et ne peut que ressentir un malaise palpable dès qu'Alex Kingston cabotine à l'écran. Espérons que c'est la dernière fois que ce lipstick apparait à l'écran (mais je n'y crois guère).
Come along, Ponds. The Doctor comes alone.
Plus généralement, ce dernier épisode de mi-saison fait office d'immense braderie ou le showrunner fait table rase de chacune de ses créations avant d'attaquer son ultime run. Comme annoncé partout depuis six mois, les Ponds s'en vont après plus de deux ans de bons et loyaux services (ce qui est un record dans ce Docteur Who nouvelle version). Je crois que c'est un véritable cap que vient de passer le show. Voir disparaitre ces deux compagnons du Docteur, c'est aussi envisager l'ère Moffat d'une façon totalement inédite. A l'écran, le départ fut douloureux et très (trop) long. Pour ma part, j'avais fait le deuil des Pond après l'épisode The God Complex qui se terminait par un abandon du Docteur. Parfaitement écrite par Tobby Whitehouse, la scène de fin voyait Amy et Rory partir avant que la mort ne les fauche pour de bon. Pour une fois et d'une belle manière, les compagnons échappaient au destin tragique de tous leur prédécesseurs. On ne pouvait alors pas rêver plus douce et belle fin.
Mais par égoïsme et/ou absence d'idées, Moff' choisissait de les faire revenir deux épisodes plus tard pour clore la saison 6. C'est précisément là où cette mi-saison est extrêmement blâmable, puisque le constat de ce qui aurait dû être fait saute aux yeux : ces cinq épisodes auraient dû se concentrer à 200 % sur les Ponds. Et rien qu'eux. Au contraire, leur mise à l'écart (celle de Rory notamment) a plusieurs fois été assez flagrante. Pourquoi s'embêter à les faire revenir et à justifier ce retour par une fausse bonne idée de divorce, si c'est pour ne rien en faire ? C'est donc peu dire que leur départ se devait absolument d'être réussi.
Et même si je continue de penser que faire mourir les Pond en haut du « Winter Quay » aurait été émotionnellement plus fort, Steven Moffat réussit cette improbable pirouette dans un dernier quart d'heure assez touchant. Le fan que je suis ne peut d'ailleurs que se réjouir : l'explication des morts successives de Rory nous est donnée et bon nombre de questions sans réponses trouvent solutions. Mais là où Moffat est très fort, c'est par le sous-texte qu'il emploie. La solution trouvée pour le scénariste pour lutter contre un « Timey Woobley » de plus en plus débordant est assez magnifique de simplicité : l'écriture est l'Ultime point fixe.
Aussi bavard qu'il soit, le Docteur ne peut rien contre le pouvoir des mots. Ce dernier thème semble par ailleurs donner une réponse définitive à cette première partie du travail de Steven Moffat sur le Docteur. Car effacer toutes traces d'écriture sur un personnage qui a largement exploré le champ des possibles est définitivement le meilleur moyen de le relancer vers de nouvelles bases. Pour la troisième fois depuis 2005, on assiste donc à un vrai reboot de la série. Exit Pond. Exit River Song. Exit les Anges. Et exit 90 % de la mythologie moffatienne. Pour son dernier run préparant les 50 ans du Docteur, le showrunner de la série se retrouve face à une immense montagne : se construire un nouveau background de personnages tout en assurant une meilleure qualité que lors de cette première partie. Et ça, franchement, c'est très excitant !
Dans une saison inutile et mal construite, un petit miracle se produit pourtant à New York, entre la 5ème et la 14ème avenue. Malgré quelques défauts grossiers, « The Angels take Manhattan » met fin au règne des Ponds de la plus belle des manières, en magnifiant le travail de tous ceux qui écrivent pour le Docteur.
Bonus : Le coin du fan.
Juste avant de revoir River Song, le Docteur prend un court instant pour se recoiffer dans l’acier de ce qui semble être la plaque d’immatriculation du Tardis. Et là, j’ai fait pause sur mon écran pour voir ceci :
Dix huit. 18 modifications du Tardis depuis le début de la série, passées ou à venir. 18 régénérations du Docteur donc ?
J’ai aimé :
- The Statue of Liberty is an Angel !
- L’écriture créant un paradoxe
- Le sucide d’Amy-Rory sur le toit du « Winter Quay »
Je n’ai pas aimé
- La mort d’Amy-Rory 5 minutes plus tard dans le cimetière
- Too much River Song
- Les Anges chérubins qui parlent (ce qui était impossible selon Angel Bob dans "Flesh and Stone")
Ma note : 15/20.