Critique : Doctor Who (2005) 9.10

Le 07 décembre 2015 à 19:25  |  ~ 28 minutes de lecture
Il existe des rues pour réfugiés cachées sur Terre, où la paix ne signifie qu'une seule chose : la briser, c'est faire face au Corbeau...
Par Galax

Critique : Doctor Who (2005) 9.10

~ 28 minutes de lecture
Il existe des rues pour réfugiés cachées sur Terre, où la paix ne signifie qu'une seule chose : la briser, c'est faire face au Corbeau...
Par Galax

Les meilleures choses savent se faire désirer. C'est aussi vrai pour la publication repoussée de cet article que pour le départ de Clara dans Doctor Who...

... bon, une phrase d'accroche narcissique qui dépote, c'est fait, maintenant, place à la critique. Dans cet épisode, le Docteur revoit de vieilles connaissances et fait ses adieux à d'autres dans une introduction à un final en trois parties de haute volée.

(Full-spoilers dans cette critique, ne lisez pas si vous n'avez pas vu l'épisode.)

 

Poster Radio Times Raven

 

~~~

 

Des rues secrètes et un tattoo mortel, bases d'une histoire classique

 

Cet épisode s'ouvre dans un premier temps par un appel d'une tête familière : c'est le retour du sympathique Rigsy, depuis l'excellent épisode Flatline l'année dernière. Si l'on peut se demander de prime abord si ce personnage méritait vraiment un retour (il était plutôt anecdotique), on réalise que c'est le personnage idéal pour la situation. La scénariste Sarah Dollard a justifié son retour par le fait que ce soit un personnage qui attire directement la sympathie du spectateur, afin que l'on prenne tous sa défense lorsqu'il est suspecté de meurtre. Je dois dire qu'elle a raison : non seulement il est en effet plutôt attachant, mais en plus dans un épisode figurant un scénario aussi dense, il fallait que le guest qui revienne ne fasse pas de l'ombre aux autres éléments clés, tels qu'Ashildr ou Clara. Même si je ne suis pas (du tout) fan de l'acteur, Rigsy gagne donc ma sympathie (on lui a soigneusement donné un background supplémentaire au début de l'épisode avec son joli bébé). De plus, l'intégration de ce personnage semble naturelle dans l'histoire. Il a en effet un lien avec Clara – pour lui, c'est elle le Docteur, le Docteur n'étant qu'un homme bizarre dans une petite boîte quand il l'a rencontré. Cela se voit quand il lui dit d'ailleurs "You're going to save me, that's what you do, you're A Doctor" et non pas "THE Doctor". Cela explique donc en grande partie pourquoi il fait tant confiance à Clara lorsque cette dernière lui explique qu'il faut lui passer le chronolock...

 

Face the Raven - Enquête à Londres

"There here have always been rumours, stories passed from traveller to traveller. Mutterings about hidden streets. Secret pockets of alien life right here, on Earth."


Dans une première partie donc, l'épisode tourne autour du chronolock de Rigsy et de sa sentence à mort. Alors, on l'a tous compris après cet épisode, Sarah Dollard est venue avec son idée de "rues d'aliens cachées" et a commencé à écrire un épisode, avant que Steven Moffat ne lui demande d'insérer mille et une choses pour qu'il s'inscrive dans le fil rouge : Ashildr, les adieux de Clara, la confession... C'est ce qui donne cet aspect aussi hybride à l'épisode (see what I did there ?), un peu à la manière d'Utopia, qui démarre sur une histoire complètement individuelle (et qui voyait là aussi le retour d'un personnage immortel tiens, ce bon vieux Jack) pour finir comme étant la première partie d'un triple final. Du coup, forcément, les idées originales de Sarah Dollard se retrouvent perdues un peu partout dans l'épisode, qui est interrompu par le retour d'Ashildr puis par l'acte final. Ce n'est en aucune façon mal fait, c'est même beaucoup plus maîtrisé que le scénario de la fin de l'Univers d'Utopia, qui laissait sérieusement à désirer et qui en plus disposait d'un énorme potentiel inexploité. Au contraire, malgré ce petit sentiment de "on aurait aimé voir ce que cette histoire aurait pu donner de manière purement standalone", surtout par rapport au concept du Corbeau et de l'Ombre, Face the Raven manie tout de même avec brio ce qui jongle constamment entre des concepts nouveaux malins et les éléments du fil rouge.

Par exemple, l'idée de rues aliens cachées au beau milieu de nos villes est très astucieusement reliée à Ashildr, celle-ci étant devenue Maire de la ville et, comme promis au Docteur à la fin de The Woman Who Lived, allant s'occuper de "ceux qui restent derrière". La recherche de ces rues au début de l'épisode a un petit côté Sherlock très plaisant et fait preuve d'une inventivité sympathique, avec les trap-streets et le misdirection-circuit que Clara observe en volant avec le TARDIS. Encore une fois, ces aspects sont intelligemment reliés à la suite de l'épisode, puisque le misdirection-circuit est dans toute la rue, et que c'est également l'occasion pour Clara de faire à nouveau preuve d'une inconscience inquiétante (quand elle est suspendue dans le vide).

 

Clara suspendue dans le vide

"She's enjoying it way too much." "Tell me about it. It's an ongoing problem."


Bref, il n'est pas difficile de voir pourquoi Steven Moffat a choisi de donner à cet épisode une promotion "three-part", celui-ci étant à la fois une histoire ingénieuse en soi et se prêtant beaucoup à l'histoire qu'il souhaitait raconter à propos de Clara.

 

 

Ashildr, un murder-mystery et une Ombre Quantique

 

Le deuxième acte de l'épisode pointe le bout de son nez quand Ashildr refait son apparition. Élément malheureusement révélé par la promotion de l'épisode, heureusement que son retour ne tarde pas trop (survenant après un peu plus de dix minutes d'épisode). Moi qui ne sentait pas du tout ce personnage en début de saison, j'ai été agréablement surpris de voir la tournure qu'Ashildr a pris. Petite fille vicking attachante, elle était devenue froide et amère dans The Woman Who Lived, en même temps qu'elle avait obtenu l'immortalité. Le concept était intéressant, bien que l'épisode en question n'avait malheureusement pas tout à fait su gérer le personnage. Ici, je suis ravi de voir qu'elle est écrite avec beaucoup plus de finesse. Son personnage est gris, on ignore si elle est la gentille ou la méchante, la fin de l'épisode ne nous éclairant même pas vraiment sur ce point. Elle paraît beaucoup plus mature et moins colérique et bornée que dans Woman, en plus d'être quand même émotionnellement plus impliquée : elle semble sincère quand elle dit n'avoir jamais voulu de mal à personne, et la fille médium à deux-visages explique bien qu'elle semble surtout effrayée par quelque chose ou quelqu'un... Pour couronner le tout, je dirais que c'est la meilleure prestation de Maisie Williams de ces trois épisodes. Bon, le personnage se fait toujours appeler "Me", ce qui est complètement débile à mon sens (je veux bien qu'elle oublie Clara, son village voire même son père, mais on n'oublie pas un prénom), mais dans l'ensemble on peut dire que j'aime beaucoup beaucoup ce qu'ils ont fait de ce personnage. Il semble évident qu'on la reverra en fin de saison. J'ignore s'ils choisiront de l'écarter ou si elle pourra devenir une River et faire pop' de temps en temps sur la ligne temporelle du Docteur, mais cette option me plairait bien.

 

Mayor Me dans Face the Raven

"Mayor is a title. I give myself a title for the same reason you do, Doctor. Something to live up to."


De plus, il y a quelques gimmicks sympa et subtils autour du personnage. La phrase citée juste au-dessus est un exemple, mais j'ai aussi beaucoup apprécié comme ils jouent sur le mot "Me". Quand le Docteur menace Ashildr plus tard dans l'épisode, il lui dit : "The Doctor is no longer here ! You are stuck with me". Cela fait un autre parallèle intelligent entre le Docteur et Ashildr, avec cette notion de "titre" qui résume l'identité d'une personne, et qui une fois qu'il disparaît, nous montre le vrai visage de cette dernière, l'essence de son caractère. C'est ce qui me fait passer la pilule sur cette apellation "Mayor Me" que se donne Ashildr. Un autre petit gimmick qui me semble plus subtil et plus ouvert à l'interprétation, c'est ce que disait Missy dans The Magician's Apprentice à propos du journal de confession : "It was delivered to me !", et en effet, Mayor Me obtient le journal de confession à la fin de l'épisode... Bon, cet élément est un peu plus tiré par les cheveux, et la saison contient déjà assez de foreshadowing comme ça, mais qui sait, c'était peut-être intentionnel.

Je pense qu'on comprend immédiatement que c'est elle qui est à l'origine du chronolock de Rigsy : Maisie Williams le sous-entend très bien lorsque Mayor Me dit "So, what then, you think someone called him here ? Set him up ?". Il est un peu dommage de voir que l'épisode passe donc un peu de temps à mener une enquête à la "murder mystery" alors qu'on se doute déjà du coupable. Même si c'est sans doute nécessaire pour introduire le fonctionnement des règles en ville, ce qu'Ashildr peut faire ou ne pas faire, et comment fonctionne le Corbeau... Tout ça, bien évidemment, pour préparer le troisième et dernier acte ; je fais bien sûr référence au départ de Clara.

 

 

Une mauvaise décision entraînant le départ d'une compagne phare...

 

La scène qui annonce réellement le sort de Clara est bien sûr le moment où elle demande à Rigsy de lui passer le chronolock. Ce passage offre une belle porte de sortie à Clara (façon un peu bizarre de dire "la condamne à mort" mais bon, il faut bien adopter un point de vue de critique) qui dépasse absolument toutes les autres qu'elle a eu... et dieu sait que ce n'était pas évident, car elle en a eu un paquet ! Et la plupart étaient réussies (Last Christmas en tête) ! La scène où elle prend le chronolock de Rigsy la condamne donc, sans qu'elle le sache, et est superbe pour son personnage rétrospectivement car :

  • Cela fait écho à son côté tête-brûlée et au fait qu'elle prenne beaucoup trop de risques depuis le début de la saison, ce que lui fait même remarquer Rigsy. Pour que le fil rouge soit un minimum pertinent, il fallait que Clara meurt au cours d'une aventure banale en cherchant trop à faire son Docteur et à se croire intelligente, alors que comme le dit Ashildr ensuite, c'était un coup extrêmement stupide.
  • Cela fait également écho à son côté humain et protecteur, puisqu'elle le fait non seulement pour faire quelque chose de malin mais aussi pour protéger Rigsy. Elle se sert elle-même de l'argument de Jen et de sa petite fille Lucy. Cet aspect de Clara n'est malheureusement pas beaucoup resorti cette saison, à part peut-être dans The Girl Who Died, mais c'est sûrement parce que les épisodes ne s'y prêtaient pas.
  • Dans une moindre mesure, cela évoque aussi le courage dont elle fait preuve, puisqu'en faisant ça, elle prend un risque et place une épée de Damoclès au-dessus de sa tête (même si cela sera plus voyant lorsqu'elle aura conscience qu'elle est condamnée, plus tard dans l'épisode).

 

Clara a beaucoup, beaucoup d'aspects qui définissent son personnage. Sans doute plus qu'aucune autre compagne. Au cours des trois saisons où on a appris à la connaître, particulièrement dans les deux dernières, son personnage a évolué pour devenir aujourd'hui l'une des compagnons les plus aboutis de la série et qui possède de très nombreuses cordes à son arc. Il y a tellement de prismes possibles pour son personnage (ce que j'ai évoqué plus haut : sa détermination, son côté reckless, son côté protecteur, sa haute opinion d'elle-même qui la conduit à agir comme un Docteur...) que c'est un exploit qu'ils aient pu écrire une fin qui les reprend tous un par un pour lui offrir une porte de sortie parfaite. Certes, il est vrai que son départ dans Last Christmas soulignait peut-être un peu plus son addiction au voyage, il offrait à Clara un départ un poil plus émouvant et plus dans l'optique conte de fée, mais il ômettait un aspect extrêmement important du personnage (qui était déjà présent dans la saison 8) : sa transformation en Docteur.

Je trouve donc son départ de Face the Raven encore plus en phase avec son personnage. D'autant qu'il permet ENFIN à la série d'offrir une véritable mort à l'un de ses compagnons, de manière relativement brutale, que l'on voit vraiment à l'écran et qui est la conséquence des voyages avec le Docteur. En plus, c'est amené de manière assez dramatique. Tout au long de l'épisode, la réalisation laisse clairement sous-entendre un événement, un drame à venir : les tons sont de plus en plus sombres, le contraste est particulièrement marqué entre les passages à Londres et les passages dans la rue cachée, la caméra se rétrécit et le récit se concentre dans des lieux plus réduits, même les couleurs sont beaucoup plus significatives – elles virent aux tons jaunes (le jaune est la couleur de la mort dans Doctor Who, c'est la couleur de la régénération, c'était la couleur de Danny Pink, etc.). Même si on n'a pas suivi la promo et la com de la saison qui indiquait clairement ce qui allait se passer, on pouvait le deviner, le sentir tout au long de l'épisode. Et pourtant, le moment où l'on comprend que son destin est réellement scellé reste un petit choc. Les regards de Maisie Williams et Peter Capaldi en disent long.

 

Ashildr ne peut plus sauver Clara

"Clara, you didn't... !"


À partir de ce moment, l'épisode concrétise ce qu'on attendait depuis longtemps et choisit de faire mourir Clara Oswald, purement et simplement. Débute alors une assez longue phase d'acceptation de la mort de Clara où l'épisode se lance dans un échange avec son Docteur. Pas de grandiloquence et de pleurs à outrance, pas de musique tire-larmes à mort, pas de flashbacks dégoulinant de pathos comme l'ont pu être les précédents départs, juste Jenna Coleman et Peter Capaldi qui se donnent la réplique, ce qui fonctionne tout aussi bien. Voyons de plus près ces fameux adieux, qui constituent tout de même tout l'objet de l'épisode...

 

 

Adieu Clara

 

Ce départ est plutôt long mais se fait finalement dans une certaine sobriété. Dans un premier temps, on peut peut-être se dire qu'il manque de souligner l'aspect tragique comme c'était le cas pour le sort d'Amy et Rory, de Rose ou de Donna par exemple... En effet, Clara est tellement courageuse qu'il devient carrément difficile de vraiment se sentir désolé pour elle. Elle est suffisamment intelligente pour savoir que c'est de sa faute. Et c'est pourtant cette réaction aussi mature et ce traitement aussi froid et sobre qui subliment toute cette scène de fin. Oh c'est vrai qu'il y a un gros ralenti sur le sacrifice ultime de Clara avec une petite musique tire-larmes, mais l'image d'une Clara tombant comme une coquille vide tandis que la fumée s'échappe de son corps est limite plus choquante/violente que triste.

 

Clara meurt par le Corbeau

"She'll die on you, you know. She'll blow away like smoke." - Ashildr au Docteur, dans The Woman Who Lived

 

Non, ce n'est finalement pas Clara qui constitue le noyau émotionnel de ce départ, c'est bien le Docteur. Sa première réaction ? La colère.

 

Doctor – I'll show you and all your funny little friends to the whole laughing world. I'll bring UNIT, I'll bring the Zygons. Give me a minute, I'll bring the Daleks and the Cybermen. YOU will save Clara, and you will do it now, or I will rain hell on you for the rest of time.

 

Peter Capaldi est absolument terrifiant dans le rôle du Docteur vengeur. Il est beaucoup plus subtil que ne l'étaient Tennant et Smith et en cela, en impose davantage que ses prédecesseurs. Le passage où il dit à Ashildr "And I will end you, and everything you love" me donne les frissons. Cela laisse présager le pire à venir pour les deux épisodes à suivre. Privé de la seule personne qu'il a vraiment appris à aimer, la première personne qu'il a connue et avec qui il a voyagé plusieurs années, les répercussions ont intérêt à être immenses. On les avait déjà aperçues dans le début de The Witch's Familiar quand il croit que Clara est morte.

 

Clara – Doctor, for God's sake, will you stop ?

 

Bien évidemment, c'est à ce moment que Clara intervient et qu'elle joue pour la dernière fois le rôle du guide du Docteur. On sait que c'est la personne qui connaît le Docteur mieux que personne ("la personne qui le connaît le mieux de tout l'univers" comme l'expliquait Madame Vastra dans Deep Breath) et elle ne supporte pas de le voir dans cet état. Elle sait de quoi il est capable quand il est tout seul et lui redit donc la phrase la plus importante de l'histoire de la série, aka sa phrase dans The Day of the Doctor qui a permis de sauver Gallifrey :

 

Clara – You don't be a Warrior. Promise me. Be a Doctor.

 

The Day of the Doctor n'était pas une source d'inspiration pour la série suffisamment grande pour Steven Moffat, qui continue depuis deux ans d'en faire un pivot encore plus grand, faisant référence sans cesse à ses lignes, ses idées et ses événements. C'est juste magnifique de voir que même dans ce dernier moment, Clara pense encore au Docteur et à comment il sera une fois qu'elle sera partie. Et comme si cette phrase ne suffisait pas, Clara revient sur le détachement du douzième Docteur en saison 8 (à l'époque où on pensait encore que Twelve était un méchant), et résume par la même occasion tout le dilemme autour de la moralité du Docteur depuis la Guerre du Temps en une seule ligne :

 

Clara – You always care. Always have. Your reign of terror will end with the sight of the first crying child and you know it.

 

Cela fait référence à plein de choses de la série (The Beast Below et Mandy, The Day of the Doctor et les enfants de Gallifrey évidemment, et bien sûr The Girl Who Died avec le bébé, où Clara faisait la même réflexion) et particulièrement à comment Twelve se construit une façade alors qu'il devient vite émotif et faible sur le sujet (cf. The Zygon Inversion cette année).

Mais malgré ce que Clara lui dit, le Docteur ne peut s'empêcher de se sentir coupable. Il estimait avoir un "duty of care". Comme bon nombre d'aspects présents dans leur dernière conversation, c'est un point qui avait été évoqué entre les lignes tout au long de la saison et qui culmine donc dans cet échange.

 

Doctor – I should have taken care of you.

Clara – I never asked you to.

Doctor – You shouldn't have to ask.

 

C'est peut-être cet échange qui résume le mieux toute leur relation qui a été pour la première fois évoquée dans Into the Dalek ("I'm his carer") mais qui remonte à bien plus loin. Ce passage revient à la fois sur le fait que le Docteur se sente coupable et que Clara assume toute responsabilité et veut le décharger, en vain. Elle fait d'ailleurs la même chose pour Rigsy, et si elle peut faire tout cela, c'est parce que l'épisode a vraiment su amener le départ avec soin, de sorte qu'on ne puisse pas vraiment déterminer de fautif : c'est un peu Clara, un peu Rigsy, un peu Ashildr, un peu ceux qui sont derrière Ashildr, et beaucoup le Docteur... Comme on pouvait s'y attendre, le Docteur parle effectivement de comment il l'a laissé devenir insouciante du danger. Normal, puisque la saison n'a cessé de nous le rappeler des manières les moins subtiles possibles, comme si les personnages répétaient leur dernier échange comme on répète une pièce de théâtre avant de la jouer. C'était donc évident que ses derniers dialogues devaient aborder le sujet. Mais ce n'est pas comme si tout leur échange final ne comprenait que des choses recyclées de la saison... Un aspect qui est très beau et auquel je ne m'attendais pas du tout, c'est que Clara avoue à demi-mot qu'elle l'a peut-être cherché depuis le début :

 

Clara – Maybe this is that I wanted. Maybe this is it. Maybe this is why I kept running. Maybe this is why I kept taking all those stupid risks. Kept pushing it.

 

Je ne voyais dans les tendances suicidaires de Clara à la fin de Last Christmas qu'une simple gestion du deuil de Danny Pink qui était encore tout frais, et donc je ne m'attendais pas à ce que ses tendances suicidaires soient exploitées par sa vraie scène finale plusieurs mois (années ?) après... et pourtant ! Voilà qu'elle avoue qu'elle l'a sans doute cherché. Mais il y a mieux encore. LE passage dont j'attendais énormément et qui se DEVAIT d'être présent pour justifier le retour de Clara une saison de plus, c'est évidemment sa transformation en Docteur... Je m'apprête à dire un truc, alors que j'adore absolument le personnage, mais putain que c'est bon de voir enfin la chute de son égo !

 

Clara – Why ? Why shouldn't I be so reckless ? You're reckless all the bloody time ! Why can't I be like you ?!

 

L'échange brise enfin le tabou sur sa Doctorisation qui est amorcée depuis Flatline. "Pourquoi je ne peux pas être comme vous ?!", la question est lâchée et la petite Clara Oswald découvre qu'en jouant avec le feu on ne peut que se brûler les ailes. C'est peut-être cette ligne de Clara que j'ai préférée de toutes, étant donné qu'elle résume aussi parfaitement son personnage (bon ok je crois que je commence à dire ça de toutes les citations que j'utilise, mais que voulez-vous, cet échange était juste trop bien !). Je pense que la citation parle pour elle-même, et l'excellente prestation de Jenna Coleman la rend extrêmement percutante dans le feu de l'action : le problème depuis le début, c'est que Clara repoussait l'inévitable, se prenait pour le Docteur, en oubliant souvent qu'elle n'est qu'humaine. Si une compagne devait en payer les conséquences, c'est bien elle. La réponse du Docteur est tout à fait appropriée ; il résume tout en expliquant qu'il n'y a rien de spécial à propos de lui, il est simplement moins fragile...

 

 Clara – In the end, everybody does this alone.

Clara va finalement accepter sa mort. Clara est une fille courageuse et même si elle est tout de même surprise, voire inquiète à un certain stade, elle l'accepte en fait plutôt vite (bien plus vite que le Docteur, c'est sûr). La mention de Danny Pink était parfaite et permet de montrer que Clara non seulement accepte de mourir, mais transforme aussi cette issue inévitable en un choix. On peut voir dans le "This is my choice" une tentative plutôt vaine pour Clara de continuer jusqu'au bout à prétendre qu'elle peut avoir un contrôle sur tout, comme on nous l'a suffisamment montré au cours de la saison précédente. Mais ce n'est pas tant son égocentrisme et sa manie de tout vouloir contrôler qui sont en jeu ici, mais plutôt le fait de pouvoir choisir la façon dont elle va mourir. Jusqu'au bout elle choisit d'être courageuse, et demande au Docteur de la laisser faire pour lui accorder au moins cette dernière victoire. La symbolique de faire face au Corbeau et de ne pas courir comme l'avaient fait les précédentes victimes est très forte.

Clara – This is as brave as I know how to be. I know it's going to hurt you, but, please, be a little proud of me.

 

Dans la fin du dialogue, les cris du corbeau rapprochant Clara de la mort, le pathos commence un peu plus à se montrer, les larmes coulent et le Docteur ayant bouclé sa phase de déni ("This can't be happening"), de marchandage ("You will fix this") et de culpabilité ("This is my fault"), encaisse enfin le choc :

 

Clara – There will be no revenge. I will die, and no one else, here or anywhere, will suffer.

Doctor – ... what about me ?

 

Si j'avais le temps de revenir sur la performance des acteurs dans ce passage, je le ferais, mais le talent de Peter Capaldi, je suppose qu'à ce stade cela va de soi, non ?

Et voilà donc tout ce qui fait que cette fin, si elle n'est pas la plus émouvante de toutes, reste probablement le départ d'un compagnon de la nouvelle série le mieux géré de tous, reprenant un à un tout ce qui a été lancé dans les deux saisons précédentes dans un échange entre deux formidables acteurs. Adieu Clara.

Dans un certain sens, je n'ai pas envie que son départ s'arrête là ; j'aimerais voir le Docteur essayer de modifier le temps pour la sauver ou essayer de retrouver un de ses échos ou que sais-je... Néanmoins, il faut, pour que cette fin de saison fonctionne, que l'acte de Clara dans Face the Raven reste gravé dans la pierre. Elle en a fait son choix, il faut que l'histoire respecte cela. Si Hell Bent détourne l'émotion ailleurs et offre d'autres adieux (comme ceux de River dans The Name of the Doctor par exemple), soit, mais je serais très fâché si la mort en elle-même est changée et que Clara obtient une fin moins brutale voire un happy-ending. À moins qu'ils trouvent un moyen de faire quelque chose d'encore mieux, mais cela relève presque de l'impossible.

 

~~~

 

Face the Raven est une bonne histoire de Doctor Who, classique dans son fonctionnement mais à l'ambiance originale, que l'on a élevée au rang d'emblématique en la faisant partie intégrante du final de la saison. Si quelques idées se perdent un peu au passage, le dernier acte avec le départ de Clara est très bien amené, et la façon dont c'est géré par le Docteur et par Clara à la fois depuis le début de la saison et dans cet épisode est juste tellement sensationnel, que l'épisode n'a aucun mal à faire oublier tous ses autres défauts.


J'ai aimé :

 

  • Le concept de rues cachées
  • Le retour d'Ashildr parfaitement intégré
  • L'imagerie faisant très fantastique, peu vue dans Who
  • Peter Capaldi et Jenna Coleman sont excellents
  • La gestion du rythme
  • La narration semble fluide, tous les éléments du "standalone" donnent un contexte idéal pour la fin
  • Le dernier acte sur le départ de Clara, qui était par-fait de A à Z
  • Cette saison est top !

 

Je n'ai pas aimé :

 

  • Le passage avec les Janusiens un peu sous-exploités
  • On n'a pas eu assez d'explorations de l'Ombre Quantique et de la Rue cachée non plus

 

Le Coin du Fan :

 

Épisode extrêmement riche en continuité, particulièrement sur la saison 9 elle-même.

  • Le "deuxième plus beau jardin de l'Univers" duquel Clara et le Docteur sortent au début de l'épisode pourrait bien être une référence à Appalappucia, la "deuxième meilleure destination touristique de l'Univers" vue dans The Girl Who Waited. Amy avait attendue quarante ans dans les jardins.
  • La drogue "Retcon" faisant perdre la mémoire fait son retour depuis le spin-off Torchwood.
  • "Remember 82 !" répète le Douzième Docteur a un enfant qui passe. Référence à l'année 1982, date de la diffusion d'Earthshock, qui est aussi la mort d'Adric, dernière fois qu'un compagnon a été tué à l'écran ... avant cet épisode, bien sûr.
  • Les derniers échanges de Clara et Twelve reprennent beaucoup de dialogues d'anciens épisodes avec brio, j'en ai déjà cité la plupart mais il y a également des plus fins à voir comme ceux du Huitième Docteur de The Night of the Doctor :

 

Eighth Doctor : Make me a warrior.

Clara : Don't be a warrior.

Eighth Doctor : Physician, heal thyself.

Clara : Heal yourself.

 

  • Les "clue cards" d'Under the Lake reviennent quand le Docteur cherche un moyen sympa d'annoncer à Rigsy qu'il est condamné. L'une d'entre elle disant "You're right, let's try it your way".
  • Clara mentionne ses possibles aventures avec Jane Austen, qu'elle avait déjà mentionnée dans The Magician's Apprentice, avant de laisser un sous-entendu sur sa possible bisexualité "Take that how you like".
  • La rue cachée abrite de nombreuses espèces différentes dont : un Ood, un Cyberman, un Sontarien, deux Judoons, un Ice Warrior (il s'agit même de leur première apparition depuis Cold War).
  • Ashildr justifie la présence de cette rue en évoquant la catastrophe qui a failli survenir avec les Zygons cachés sur Terre, en référence aux événements du double-épisode qui vient d'arriver cette saison.
  • L'élément de fil rouge du journal de Confession du Docteur, ses dernières volontés dernièrement vues dans The Witch's Familiar, refait son apparition. À qui Ashildr compte-t-elle le donner ?
  • Si vous avez arrêté avant le générique de fin, c'est dommage, vous avez raté un bel hommage à Clara par Rigsy :

 

Hommage à Clara

 

Ma note : 16/20. La prochaine fois, Gizmo vous parlera de Heaven Sent et du Docteur se retrouvant seul dans une prison éternelle...

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