Le gros problème de cette deuxième partie, c’est la durée. 45 minutes c’est trop peu. Trop peu pour régler tout ce qu’il y avait à régler, mais aussi trop peu pour développer correctement les personnages et l’immersion. Par conséquent l’introduction en pâtira et déroutera fortement le spectateur : on laisse la situation de fin d’épisode et on se retrouve trois mois après, dans une situation que l’on ne comprend pas, ce qui ajoute à nouveau de nombreuses questions à une pelletée déjà bien conséquente. Il est donc légitime de douter de Moffat et de sa maîtrise du scénario à ce moment là de l’épisode. Qui sait ? Peut être a-t-il choisi de miser sur un enchaînement de surprises plutôt que sur du concret, un peu à la Lost ? Fort heureusement, cette impression alarmante se calme aussitôt que le générique s’arrête. Les fils se démêlent petit à petit et on commence à y voir plus clair. Tout n’est pas encore bien net, mais ça l’est en tout cas assez pour qu’on ne remette plus en cause le professionnalisme du monsieur.
Ainsi donc les créatures aperçues à l’épisode dernier étaient ce fameux Silence, dont on nous rebat les oreilles depuis la saison 5. Un morceau du puzzle en plus, et c’est on ne peut plus logique : personne ne sait qu’elles sont là, tout le monde les oublie, elles ne parlent presque pas. Sans peser mes mots, je dois dire que l’invention de ces aliens est un coup de maître, digne des Wheaping Angels. Le concept est ultra original mais surtout bien flippant. Je dois avouer m’être demandé comment les enfants qui regarderaient cet épisode allaient réagir devant leur écran en voyant des scènes comme Amy dans le dortoir abandonné. Big M en oublierait presque, j’ai l’impression, que la série est un show tout public.
Mais j’en viens à la seconde chose qui m’a dérangé : cette horreur que peuvent représenter les Silences n’est pas pleinement exploitée, et j’en blâme encore une fois la durée de l’épisode. Comment voulez vous installer un climat d’horreur si vous n’avez que 20 minutes sur 45 pour poser une ambiance, le reste étant consacré à la résolution du premier épisode ? C’est très dur, voire quasiment impossible. Moffat y parvient, mais avec peine. On sent quelques scènes bâclées, de ci de là, des scènes qui dégageaient un fort potentiel et où le showrunner n’est pas allé jusqu’au bout, faute de temps. Quand on voit à quel point le concept est génial on est pris d'une grande frustration, comme si Moffat avait choisi de nous montrer un aperçu plutôt que la chose entière. J’espère donc fortement que les Silences ne sont pas définitivement battus et qu’ils reviendront à nouveau hanter le Docteur durant le final de saison (voire de mi-saison).
La durée de l’épisode pose un autre problème de taille : celui des relations entre les personnages. Les évènements s’enchaînent si vite, les solutions sont données avec tant de rapidité que Moffat en oublie la subtilité de l’écriture des personnages du premier épisode et en revient aux grosses ficelles : le triangle amoureux Doctor-Amy-Rory. L’annonce de la grossesse d’Amy étant, il faut l’avouer, une occasion en or pour raviver cette histoire que je croyais enterrée.
Bon d’accord, remettre tout ça sur le tapis, c’était pas si mal vu. Mais c’était trop mal traité pour qu’on puisse l’apprécier pleinement. Le fait est qu’on a déjà vu des dizaines de fois Rory s’apitoyer avant qu’Amy le rassure en fin d’épisode et que le Docteur les regarde en coin. Alors peut être était-ce la dernière fois ? Peut être était-ce juste une manière de mettre les points sur les i ? Je l’espère fortement. Si ce n’est pas le cas, gageons que les épisodes stand alone sauront prendre le temps de développer cette relation plus posément.
Et pourtant. Maintenant, quand j’y repense, je me dis qu’il y avait quelques très belles scènes qui étaient bien écrites et cernaient parfaitement les personnages. Le Docteur discutant avec Rory par exemple, sur le centurion qu’il était, qui, en plus d’approfondir un peu tout ça, permet de montrer que Moffat n’a définitivement pas tiré un trait sur le fait que Rory est un robot. La deuxième scène assez belle, c’est le Docteur embrassant River. Cette relation a toujours été un véritable casse tête, mais aussi purement magique. Si c’est le premier baiser du Docteur envers River, ce n’est pas le cas pour River qui l’embrasse très certainement pour la énième fois (et peut être la dernière). Le regard qu’elle lui adresse quand il s’en va est très touchant. Chapeau l’actrice.
Oui, vous avez jeté un œil à la note avant même de lire ma critique, et vous voyez que j’ai mis un 15. C’est vrai que ça semble élevé par rapport à tous les défauts que je relève. Mais sachez ceci : si le manque de développement (que ce soit pour les personnages ou pour l’ambiance) m’a dérangé, ce sentiment est bien moindre comparé à l’exaltation que j’ai ressentie durant tout l’épisode. Le talent de Steven Moffat pour créer une intrigue mystérieuse, avec une ambiance incroyable est toujours intact et tient en haleine pendant toute la durée de cette seconde partie. J’ai vraiment été impressionné par l’écriture de l’intrigue et son agencement à coup de flashbacks et de flashforwards, totalement déstabilisants sur le coup mais qui laisse pantois à la fin des évènements.
Et il faut encore davantage de talent pour donner des éléments de réponses de manière à nous rassurer sur la direction que prend le show, tout en laissant malgré tout une partie de ces mêmes éléments dans le flou. Ajouté à cela des touches d’humour éparpillée par ci par là (le foutage de gueule des Américains avec les trompettes quand Nixon apparaît est génial), et on obtient un épisode très fun, pas forcément très fin, mais qui sait aisément nous captiver et nous surprendre.
Le travail était grand pour Steven Moffat, qui en un épisode de 45 minutes se devait de répondre à certaines questions laissées en suspend, tout en développant les pistes et les relations diverses et variées. Au final, c’est très réussi et la saison est lancée de bien belle manière par ce double épisode, même si en chemin Big M oublie de faire preuve d’une certaine subtilité.
(avec ça j'en oublierai presque de parler du cliffhanger, vraiment excellent et surprenant)
J'ai aimé :
- La maîtrise de Moffat sur sa trame générale
- La photo, toujours très belle
- Le cliff qui ouvre de nombreuses possibilités
- Aaaaaaarrgh, ma tête !
J'ai moins aimé :
- La dynamique de groupe, moins bien écrite.
- Le manque de temps pour poser l'ambiance.
- La redondance du triangle amoureux Doctor/Amy/Rory
15/20