Critique : Doctor Who (2005) 6.11

Le 21 septembre 2011 à 23:05  |  ~ 9 minutes de lecture
La vie est pleine de surprise. Par exemple jusqu’à hier, j’étais absolument certain que ma cuisinière avait quatre feux de taille différente, or il s’avère que deux d’entre eux sont de taille identique. Vous vous imaginez mon extrême étonnement face à ce coup de théâtre que me réservait le destin. Et bien là c’est la même chose : je me mets à considérer la saison 6 d’une manière bien différente depuis quelques épisodes. Je la croyais parfaite, elle s’avère en fait bien moins maitrisée que ce que je pensais, surtout lorsqu’on la compare à cet épisode.

Critique : Doctor Who (2005) 6.11

~ 9 minutes de lecture
La vie est pleine de surprise. Par exemple jusqu’à hier, j’étais absolument certain que ma cuisinière avait quatre feux de taille différente, or il s’avère que deux d’entre eux sont de taille identique. Vous vous imaginez mon extrême étonnement face à ce coup de théâtre que me réservait le destin. Et bien là c’est la même chose : je me mets à considérer la saison 6 d’une manière bien différente depuis quelques épisodes. Je la croyais parfaite, elle s’avère en fait bien moins maitrisée que ce que je pensais, surtout lorsqu’on la compare à cet épisode.
Par Gouloudrouioul

La semaine dernière j’avais écrit que j’étais saturé de la mise en exergue de la relation des personnages. Cette semaine, c’est justement cet aspect spécifique de l’épisode qui m’a le plus captivé. Alors pourquoi ? J’y ai réfléchi juste après, et je n’ai pas trouvé de réponses (il faut dire qu’il était 4h du matin et que j’étais dans un état second). Le lendemain, ce fut l’illumination : l’épisode était tout simplement beaucoup mieux écrit.

 

Les parties génitales du taureau

 

J’ai été touché, je me suis senti impliqué. Quelque chose a fait que j’ai pu me mettre à la place des personnages et comprendre ce qu’ils ressentaient, ce qui ne m’était pas arrivé dans Doctor Who depuis… pfiou… Longtemps. Assez longtemps en tout cas pour que j’oublie tout le potentiel dramatique que recelait la série. A mon plus grand plaisir, Toby Whitehouse est parvenu à me faire une petite piqûre de rappel. La solution était pourtant simple : il suffisait d’arrêter de tourner autour du pot, de cesser de montrer sans montrer.

Je ne m’en rends compte que maintenant : cette saison a été celle des non-dits, et pas des non-dits fins et subtils, non, celles des non-dits lourds et redondants. Ceux qui font se demander sans cesse au spectateur « Mais quand est-ce que ça va enfin éclater ? ». Le docteur sombre dans la noirceur, Amy est la fille qui attend, Rory le personnage lucide, voilà à peu près dix épisodes qu’on nous assène ces vérités à coup d’expressions faciales, de petites répliques discrètes, sans jamais prendre les couilles du taureau à deux mains.

Alors quand un auteur se pointe, avec ses mains expertes et qu’il se met à les empoigner fermement, à en faire hurler toutes les vaches de la région, autant vous dire que ça fait du bien. Enfin quelqu’un qui ose dire les choses telles qu’elles sont, sans détour, sans l’aide extérieure d’un personnage objectif (River par exemple), avec simplement de bons dialogues, des personnages très bien écrits et un excellent scénario prétexte. Enfin quelqu’un qui fait se dire les choses aux protagonistes directement, tel qu’ils le ressentent sur le moment, qui les fait agir de manière cohérente et instinctive comme de vraies personnes. Finie la mystification du Docteur, d’Amy et de Rory, place aux vraies personnes qui se cachent en eux. Alleluia.

 

 

Le Docteur et cie

 

Et oui. Parce que mine de rien, cela fait 6 saisons qu’on nous présente le Docteur comme étant une figure quasi-divine dont le jugement serait incontestable. Excepté à la fin de l’ère de David Tennant, on ne nous avait jamais montré le Docteur avec autant de failles et de faiblesses. Quand je disais plus haut que le scénario prétexte était excellent, c’est en partie pour sa capacité à dévoiler cet aspect-là du personnage. Le fait qu’il se trompe dans son diagnostic face à une menace inconnue et devant des gens qui semblent lui porter une confiance aveugle le rend pour une fois faillible.

Le Docteur n’est qu’un extraterrestre, un être vivant comme les autres, qui souffre de sa solitude. Fondamentalement, il n’a rien d’extraordinaire, et sa lassitude ne s’est jamais fait sentir de façon aussi forte.  En ce sens le parallèle avec le monstre est très bien vu, étant donné qu’il va emmener le Docteur à se rendre compte qu’il est lui-même condamné à mourir, et ce de sa propre bouche. C’est retors, mais totalement délicieux à regarder, et ça prouve une fois de plus que Toby Whitehouse sait manier les personnages avec talent.

Et pas uniquement les personnages principaux : Toto montre qu’il est possible de se concentrer sur le trio tout en ne négligeant aucun des personnages secondaires. Ils sont trois à venir se joindre à la fête, et, surprise, aucun d’entre eux :

  •     N’a aucun background
  •     N’est mal écrit
  •     Ne sert à mettre le Docteur en valeur
  •     N’a de conclusion bâclée et/ou incohérente.

Ça se fête ! De voir le Docteur interagir avec Rita comme si c’était son égal, et non pas son sauveur, et non pas un être mystérieux qu’elle ne peut comprendre, voilà quelque chose qui fait bien plaisir à voir. De voir le méchant sournois arriver à survivre jusqu’à la fin, là aussi, c’est quelque chose de plutôt surprenant et de très cohérent avec l’ensemble du déroulement, surtout que le Docteur en profite pour se défouler sur lui et pour mettre de côté son discours de tolérance quelques instants. Du geek au petit homme lâche, les stéréotypes sont bien là mais ils n'empêchent en rien les personnages d'avoir de la consistance.

 

Shining Who

 

Si je parle autant des personnages et de leur écriture, c’est que l’épisode se base en grande majorité là-dessus, le scénario se servant de leurs peurs et croyances pour faire monter la tension. Et ça marche. A fond. Aidé, encore une fois, par une réalisation de haute volée, on est captivé de bout en bout, par une histoire qui ne paye pourtant pas de mine sur le papier. L’ambiance est excellente, dans ce vieil hôtel abandonné, isolé dans l’espace, tel un immense clin d'oeil à Shining.
Je me plaignais la semaine dernière que Doctor Who devienne étouffante, et c’est pourtant là l’une des qualités premières de l’épisode. Toby Whitehouse arrive en effet à jouer là-dessus avec talent, sans sombrer dans la lourdeur. Du côté stand alone l’épisode est donc parfaitement géré et délivre une histoire étonnamment captivante, alors qu’elle n’aurait pu être qu’un prétexte pour amener la fin.

Et quelle fin ! Je ne pensais pas que la scission se ferait si tôt et avec tant de douceur. Pas d’explosion, de grande colère, comme on aurait pu le penser un épisode plus tôt, avec un Rory qui clamait en larme « Si vous voyagez comme ça, alors je ne veux plus voyager avec vous ». C’est le Docteur qui prend l’initiative et qui choisit de détruire toute la foi que lui portait Amy, dans une scène d’une grande tendresse.

 

 

Ce qui s’ensuit est, je crois, l’un des passages le plus justes de cette saison, voire de l’ère Moffat. L’arrivée sur Terre, les adieux discrets d’Amy et du Doctor, tout en finesse, sans effusions de larmes ni grandes musiques dramatiques montrent qu’il est possible d’être subtil tout en faisant avancer les choses. S'en dégage une sorte de nostalgie, où les personnages semblent heureux de leur sort tout en le déplorant. J'applaudis encore une fois Matt Smith et son jeu formidable, qui arrive parfaitement à jouer sur cette ambiguité. Karren Gillan et Arthur Darvill sont loin d'être en reste. L'alchimie est palpable, le déchirement interprété brillamment. Bravo.
C’est apparemment la fin du voyage pour Amy Pond et Rory Williams, et je ne suis personnellement aucunement déçu de leur conclusion, loin de celle des autres compagnons. Cela parait comme tomber sous le sens quand on voit tout le chemin qu’ils ont parcouru.

 

What happens next ?

 

Un excellent épisode donc, qui joue la carte des sentiments sans pour autant négliger le scénario ou le background comme ça a pu être le cas auparavant.
On peut s’interroger sur la suite, qui me paraît désormais bien floue. Le Docteur va-t-il se mettre à voyager seul un moment ? A en croire le trailer du prochain épisode, ce serait le cas… Etant donné les liens qui unissent Amy et Rory à River, vont-ils se mettre à apparaître en tant que guests, selon les nécessités du scénario ?

Qu’on ne dise pas que Doctor Who est prévisible, car je n’ai absolument plus aucune idée de ce vers quoi on se dirige. Il reste encore la question des Silences à régler, la question de la mort du Docteur, la question de River, la question de la grande question (ça va, vous suivez ?), la question de ce qu’a vu le Docteur dans sa chambre d’hôtel… Tellement de pistes sont lancées que je doute que tout se règle dans le dernier épisode. M’est avis que toutes ces intrigues se poursuivront sur la saison 7, et peut être même après avec River. Tout ce que je demande c’est qu’on ne néglige plus le potentiel que recèlent les personnages, et que les scénaristes se mettent à bosser cet aspect-là, comme dans cet épisode.


J'ai aimé :

  •  L'évolution des personnages
  •  Le scénario
  •  L'ambiance
  •  La réalisation
  •  Les personnages secondaires


Je n'ai pas aimé :

  •  Qu'il me faille attendre cet épisode pour me rendre compte de certains défauts de la saison


15/20

L'auteur

Commentaires

Avatar Aureylien
Aureylien
Faut aussi qu'il m'explique quand il a acheté une maison et une voiture alors qu'il est tout le temps avec eux. C'est pas le père noël non plus... Plus de Rousse magnifique ca fait mal...très mal... Rory est devenu son pote quand même, il sait qu'il pouvait compter sur lui. Rory a sauvé plusieurs fois le docteur. D'ailleurs quand j'y pense, dans l'épisode où ils vont chercher Amy dans l'espace. La seconde saison devait pas tourner sur le moment où le docteur devait devenir méchant, sombre et obscur à la Darth Vador ?

Avatar elpiolito
elpiolito
Pas faux. En même temps, l'épisode sur le "Devil trucmuche" avec la révélation sur River, ils ont dit que c'était son heure la plus sombre. Mais oui, le docteur Dark Vador, je kifferais. Sinon, quand il a eu le temps d'acheter une maison et une voiture, je dirais probablement lorsque Amy a changé sa manucure...

Avatar Aureylien
Aureylien
Ils ont dit que son heure la plus sombre allait arrivé et qu'il se retrouverait seul non ? J'aimerai bien qu'il fasse un peu la guerre aux méchants. Bon dans le prochain y'a un retour qui va me ravir et un autre qui va me souler. C'est tellement dommage j'ai l'impression que c'est le meilleur doctor avec les plus mauvais scénarii.

Avatar Gouloudrouioul
Gouloudrouioul
"C'est tellement dommage j'ai l'impression que c'est le meilleur doctor avec les plus mauvais scénarii. " Ben ouais moi aussi en quelques sorte. Mais pour ma joie de les voir partir ainsi, je suis content parce que je sais que ce n'est qu'un au revoir et qu'on les reverra forcément ensuite (donc ce ne sont pas des adieux). "Les parties génitales du taureau J’ai été touché, je me suis senti impliqué. " Y'a un message d'alerte dans cet enchaînement ? " Ah ah merde, c'est ça de mettre les titres après

Avatar Koss
Koss
Argh ! J'ai cru m'étrangler plusieurs fois en vous lisant .... Déjà Aurey, sur la question des adieux, je trouve que justement on évite un double écueil déjà vu mille fois : l'adieu dechirant (Rose) et le final gargantuesque vue mille fois chez RDT. Aprés : '"C'est tellement dommage j'ai l'impression que c'est le meilleur doctor avec les plus mauvais scénarii. " ==> What ! Jamais les stand alone n'ont ete aussi fort que cette saison. Faites le compte vous meme : L'episode de noel + doctor's wife + the god complex + celui de la semaine derniere + celui de la semaine prochaine. Cette saison, par 6 fois, j'ai mis au dessus de 15 (je suis un fan boy, certes, mais quand meme ...). Cette seconde partie de saison, c'est juste pour l'instant, le meilleur morceau de DW depuis le retour de la serie en 2005. Et vous, bande de Dalek, vous faites la fin bouche. Ralalala ...

Image Doctor Who
13.18
13.73

Derniers articles sur la saison

Bilan : Doctor Who (2005) saison 6

Notre Docteur préféré revient dans une sublime saison 6, malheureusement très controversée.

Critique : Doctor Who (2005) 6.13

La semaine dernière, je n’ai pas eu le temps de faire une critique, et je n’ai donc pas pu exprimer mes inquiétudes quant au final. Je voyais effectivement mal comment celui-ci aurait pu offrir le lot d’épique que l’on exige de tout final, tout en liant les évènements de la saison 6 entre eux afin d’offrir une vraie conclusion, cela en un seul épisode de 45 minutes. Moffat a voulu, pour des raisons qui me restent totalement mystérieuses, couper avec la tradition du double épisode final alors que cette saison était certainement celle qui en aurait le plus nécessité. C’est donc inquiet que j’ai lancé l’épisode, conscient du talent du bonhomme, mais également bien au courant de tous les faux pas dont il était capable. Alors, final réussi ou conclusion foireuse ? Je suis moi-même tiraillé.

Critique : Doctor Who (2005) 6.10

Une pensée, comme ça, qui me traverse l’esprit à la fin du visionnage de l’épisode : tous les scénaristes sont en train d’adopter le moffato-style. C’est-à-dire qu’on arrive dans un univers très stylisé, avec une très belle réalisation, puis qu’on embraye sur un scénario compliqué à base de voyage temporels et de grands élans sentimentaux (non pas l’animal), majoritairement basé sur le trio. On va dire qu’une telle recette peut donner de bons épisodes à condition de ne pas en abuser. Là c’était limite. J’ai beaucoup aimé, mais tout bien considéré c’était limite. Allez, je vais essayer d'aborder tout ça avec un peu de recul.