L'art de gagner la guerre avant la bataille
Après avoir séché une réunion entre les associés d'Infeld, Franklin and Bash se retrouvent à défendre Sal Gotelli, le mécanicien de Stanton accusé d'avoir agressé intentionnellement trois hommes à coup de clé à molette. Les preuves sont clairement en défaveur de la défense et les deux avocats concluent le procès va se jouer lors du choix des jurés et leur capacité à compatir à la situation de l'accusé. Pendant ce temps, Bonnie se présente à eux, jeune stagiaire qui vient de leur être affectée par le cabinet Infeld.
Résumé de la critique
Un épisode divertissant que l'on peut détailler ainsi :
- une intrigue qui met bien en évidence l'importance de la stratégie
- un duo très bien mis en valeur
- une jolie description sur les étapes de création d'une histoire
- une conclusion en demi-teinte
La stratégie du plus faible
Le problème récurrent de Franklin and Bash cette saison repose sur le fait que les deux héros défendent des cas trop faciles, souvent perdus par le manque de charisme de la partie adverse ou par une preuve providentiel fournie par Carmen. Ici, la donne est assez différente, l'adversaire est un procureur doté d'une certaine expérience qui montre une forte volonté de gagner, tandis que l'accusé se montre assez peu coopératif, les obligeant à changer fréquemment leur angle d'attaque. Pour gagner, les deux avocats n'ont bientôt vite que la bienséance du jury comme seul espoir, obligés de chercher la bonne stratégie en considération des faits reprochés à l'accusé.
L'enjeu n'est plus le procès et la recherche de l'argument décisif, mais au contraire tout le travail préparatoire, éliminant certains jurys tout en essayant d'embrouiller le plus possible la partie adverse. L'ajout d'une stagiaire interprétée par Danille Panabaker (l'actrice a joué précédemment la fille de Shark) va s'avérer une très bonne idée, poussant les deux héros à se surpasser en les confrontant à quelqu'un qui remet en cause leur décision. Le sérieux de la jeune femme et son enthousiasme amène de l'enjeu à cette intrigue, s'appropriant en partie ce procès en participant à la mise au point de la défense choisie par le duo vedette.
Bien écrit, un épisode bien plus ambitieux qu'à l'accoutumée qui renoue avec cette figure classique de la série judiciaire, à savoir le combat de David contre Goliath, le duo héritant enfin du rôle le plus périlleux. Très divertissant, l'épisode montre le savoir faire du duo en matière de tactique, utilisant toute leurs ressources à leur disposition pour lire leur adversaire et ainsi le déstabiliser, quitte pour cela à enfreindre quelques règles élémentaires du droit. En jouant avec insolence avec les règles du tribunal, les auteurs nous offrent quelques scènes comiques réjouissantes, en particulier la scène très réussie où Peter Bash s'amuse à séduire une jurée pour s'assurer qu'elle soit exclue par la partie adverse.
Un travail de longue haleine
Si la première saison a fréquemment montré le duo vedette participer à de nombreuses fêtes et faire preuve d'une fumisterie revendiquée, cet épisode est le premier à nous faire partager leur méthode de travail et la technique de construction de leur défense. Pas de preuve sortie du chapeau à la dernière seconde cette semaine, pas de suspense vain pendant l'attente du verdict du jury, l'épisode propose la description de la construction d'une tactique idéale, celle qui présente la meilleure chance de déjouer l'accusation. Loin des facilités que s'autorise habituellement les scénaristes, Franklin and Bash nous offre une intrigue prenante et globalement cohérente, réussite inattendue pour une série peu habituée à proposer de tels efforts de construction.
Dans son rôle de brute au grand coeur, Gino Pesi est assez convaincant, composant un personnage à la fois naïf et rugueux qui donne une certaine crédibilité à cette idylle romantique légèrement grotesque. Le décalage comique fonctionne parfaitement, les auteurs trouvant ici le matériel idéal pour laisser s'exprimer tout le cynisme des deux héros, en particulier un Breckin Meyer particulièrement en verve. Un ton qui convient parfaitement à la série, obligeant les deux héros à se dépasser et à retrouver cette confiance teintée d'arrogance dans leur capacité à pouvoir vendre n'importe quelle théorie au jury.
L'autre idée amusante de l'épisode concerne les séquences avec le trio Infeld où Franklin and Bash demande le soutien de Stanton, de Karp et de Linden pour pouvoir les aider à sélectionner les bons jurés des mauvais. Le fait de les voir demander les conseils des partenaires seniors est une démarche intéressante et nouvelle, brisant en partie l'image de franc-tireur du duo tout en évitant une intrigue annexe qui aurait altéré la bonne dynamique de cette histoire. Des petites séquences comiques qui tirent parfaitement partie des seconds rôles en évitant l'habituelle séquence d'humiliation inutile concernant Karp, donnant un divertissement sans temps mort et efficace
Plaider comme on raconte une histoire
Au final, les séquences de brainstorming au sein de l'équipe de Franklin and Bash ressemble à des séances de travail sur un scénario, cherchant la meilleure approche pour vendre leur récit à un public donné. Il s'agit pour eux de trouver l'argument décisif, l'élément déclencheur qui va donner de la crédibilité à la parole de leur client et détruire ainsi la valeur de la parole du procureur, élément décisif pour s'assurer la victoire durant un procès. Un détail qui différence cette série avec les procéduraux habituels, le verdict final du jury n'étant que le prolongement de ce travail préliminaire, loin des habituels coups de théâtre de dernière minute, clichés que cet épisode esquive avec réussite.
Le gagnant n'est plus celui qui dit vrai, mais l'avocat qui défend l'histoire la plus crédible, qui sait faire s'identifier le jury à son client et donner à la vérité l'interprétation la plus crédible. A la différence des séries classiques où la vérité finit toujours par éclater, entraînant les aveux des coupables et la certitude du devoir accompli, Franklin and Bash propose un point de vue plus cynique, proposant une vision de la justice désacralisée et réduite à l'état de simple spectacle. Avec cet épisode, les auteurs proposent un point de vue où la subjectivité du verdict devient une variable sur laquelle les avocats jouent et où la vérité est toujours sujette à l'interprétation.
Cette capacité à jouer avec les apparences, à trouver l'argument qui remet en cause les certitudes, donne au duo tout son charme, à savoir cette touche de malice et d'hypocrisie qui assure la partie divertissement de l'épisode. Hélas, le scénario n'échappe pas à quelques scènes inutiles, entre autres la discussion entre Jared Franklin et Bonnie, le choix de les connecter par le biais de leur rejet de l'autorité paternelle n'amenant pas grand-chose à l'intrigue principale. Autre reproche, la conclusion apparaît comme une solution de facilité assez flagrante, l'argument final reposant sur l'idée que le procureur sera dans l'incapacité de se sortir de leur piège final.
Une pirouette finale décevante
Si l'épisode reste particulièrement réussi, il se heurte à un problème de taille, à savoir sa conclusion qui laisse un léger sentiment de frustration, les auteurs choisissant de clore leur intrigue de la manière la plus frustrante qui soit. Si la partie sur la préparation du procès est assez brillante, le fait de ne pas développer celui-ci laisse un léger sentiment de frustration, les auteurs craignant de laisser apparaître les failles dans cette histoire d'agression. Peu ambitieuse, en comparaison avec le reste de l'épisode, une fin qui confirme que le manque de contenu d'une affaire qui repose avant tout sur la construction du mobile de Sal, n'accordant que peu d'intérêt aux faits.
En conclusion, un épisode réussi qui prend le parti assez original de montrer la préparation du procès, cette période de travail où Franklin and Bash cherche la meilleure stratégie possible pour défendre leur client. Un ensemble bien rythmé et divertissant qui prend un parti assez différent des habitudes du show en obligeant ses héros à construire une stratégie sans pouvoir s'appuyer sur les faits qui sont totalement contre eux. L'ajout d'une jeune stagiaire studieuse s'avère particulièrement payant et pousse les deux héros à se montrer sous leurs meilleurs jours, offrant un épisode qui pourrait être fondateur si l'équipe créative ose persister dans cette direction.
J'aime :
- un récit dynamique et assez captivant
- le rajout de Bonnie au duo qui s'avère assez bénéfique
- la gestion des apparitions des membres du cabinet Infeld
- les scènes de test des membres du jury
Je n'aime pas:
- la conclusion pas assez concluante
Note : 14 / 20
Sûrement l'un des touts meilleurs épisodes de la série, tant les auteurs nous offrent un divertissement réjouissant en focalisant le récit sur la préparation du procès et l'élaboration des stratégies. Le duo, appuyé par une très convaincante Danielle Panabaker, se montre ici sous son meilleur jour, parvenant presque à faire oublier les faiblesses d'un final un peu bâclé.