Lorsque le nombre d’épisodes de Game of Thrones qu’HBO allait nous offrir cette année – sept – a été connu, nous avions un peu tous la même crainte : que malgré le rythme de folie de la fin de la saison 6, la série calme à nouveau le jeu et ne commence à envoyer la sauce que lors des deux ou trois derniers épisodes, comme elle le fait habituellement. Voir que cette saison 7 ne faiblit pas, mais au contraire s’améliore chaque semaine, est ainsi très réjouissant.
Pour The Spoils of War, épisode d’une durée beaucoup plus courte que la moyenne (quarante-cinq minutes sans les génériques), je m’attendais à du remplissage, ou en tout cas à un épisode de transition ; il en avait toute l’apparence, étant l’épisode de mi-saison succédant à un épisode riche en événements forts. Et si le début de cet épisode 4 va en effet dans ce sens, tout en proposant de nombreuses scènes de qualité sur lesquelles on reviendra, la fin nous prend à revers et nous rappelle que désormais, la série n'y va pas par quatre chemins.
En deux mots, cet épisode condense pour moi les deux choses que Game of Thrones sait faire de mieux désormais, à savoir : toucher son public avec des retrouvailles entre les personnages, et offrir un spectacle impressionnant comme peu de séries peuvent se le permettre. Ce sont aussi les deux points qui la distinguent de toutes les autres et c’est ce qui fait que l’épisode sort du lot. Décortiquons tout ça.
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Des retrouvailles qui font chaud au cœur
Lorsque Game of Thrones sera terminée, je pense qu’elle pourra être vue comme un enchaînement de trois étapes :
- l’introduction de l’univers et des personnages, la mise en place de la Guerre des Cinq Rois qui divise le royaume ;
- l’éclatement de toutes les intrigues, le suivi de tous les personnages clés à Westeros et Essos ;
- la réunion, le point de rencontre entre toutes les intrigues – bien sûr, on est en plein dans cette phase !
L’histoire des Stark illustre parfaitement ce drame en trois actes. Après avoir été le point de vue central du récit et le tremplin pour nous faire connaître l’univers de la série, ils ont été au plus bas et victimes de tout le déroulement d’événements sur lesquels ils n’avaient aucune emprise, avant de revenir petit à petit en force. Ils représentent toute la dynamique du show. Les scénaristes de la série savent très bien que rien que par leur nom de famille, Arya, Sansa et Bran font immédiatement écho à tout un tas d’émotions pour le spectateur. Du coup, il ne faut pas grand-chose pour toucher ce dernier. Un plan sur Winterfell, une musique, des dialogues minimalistes voire absents, et surtout un peu d’inaction dans le récit, pour laisser le temps au public de comprendre ce que tout cela représente, tout le chemin parcouru par Arya ou Sansa depuis le pilote, où tout avait débuté à Winterfell. Et ça suffit : les frissons sont là.
C’est con mais ça marche à tous les coups. On avait eu un aperçu de ce que ça donne pour les retrouvailles Sansa/Jon en saison 6 – alors que comme le rappelle Sansa dans cet épisode, les deux n’étaient même pas si proches au départ, en tout cas beaucoup moins qu’Arya et Jon ! Maintenant, plein de scènes fonctionnent comme ça. La série se repose énormément sur son passé, sur toute la grandeur de son histoire – peu d’œuvres dramatiques nous permettent à ce point de suivre l’évolution d’une famille sur une aussi longue durée. Sansa, Arya et Bran ont tellement changé qu'ils en sont devenus des personnes différentes. Ils ne savent que se dire et pour eux, c'est aussi bizarre d'être ensemble que pour nous de les voir ensemble. Mais ils semblent tous heureux d'être à la maison et c'est ce qui compte. Puisque le spectateur a lui aussi attendu des années ce moment, c’est très malin et logique pour Game of Thrones de se servir de ça en connaissance de cause pour toucher notre corde sensible. Et cela vaut pour plein de choses de la série maintenant (Daenerys qui arrive à Dragonstone, la rencontre Jon/Daenerys de l’épisode précédent, etc.). Ce n'est pas ce pour quoi la série était "bonne" à une autre époque, chaque phase avait ses points forts : le jeu des trônes passionant des premières saisons avait laissé sa place à l'art du rebondissement et des morts inattendues par la suite. Le point fort actuel, c'est indéniablement la satisfaction de voir les chemins se recroiser à nouveau.
Il faut dire que l'écoulement du temps, c'est un thème qui peut parler à tout le monde et qui fonctionne pour n'importe quoi. Même des personnages secondaires sont à leur apogée dans cet épisode. Je pense à Brienne qui contemple les trois enfants Stark marcher au milieu de Winterfell, Podrick parlant à la place du spectateur pour la féliciter d’avoir toujours tenu honneur à sa promesse comme une "dame", et Brienne de commencer à le reprendre de façon agacée sur ce terme comme à son habitude… avant de se raviser par un simple "merci Podrick". Wow. Comment expliquer tout ce que ce simple passage véhicule comme information sur le personnage de Brienne ? Toute cette séquence est juste belle, et il faut avoir suivi l’aventure de Brienne depuis son début pour le comprendre. La série commence en fait tout simplement à récompenser le fan fidèle à son histoire depuis le début, et c’est fantastique. Le duel Arya/Brienne, bien que pas mon passage préféré de l’épisode (le montage faisant intervenir Sansa est assez bizarre, j’ai eu du mal à comprendre ce que la série voulait nous dire ?), reste malgré tout un autre exemple de scènes qui sont superbes à regarder parce que la série a laissé un héritage très fort. On risque d’avoir encore plus de scènes de ce genre à l’avenir et j’ai vraiment hâte. C’est juste impossible de se planter là-dessus.
"Catelyn Stark would be proud"
Ce qu’il y a d'encore mieux, c’est que la série ne fait pas que du mélodrame avec ces retrouvailles et ces références au passé. Elle le fait pour plein de buts. Si parfois elle recherche l’émotion comme avec les Stark, et veut mettre en avant ses personnages comme avec Brienne, elle peut aussi choisir de faire plus de teasing avec Bran, ou bien surprendre et rester dans l’imprévisibilité : la rencontre Jon/Theon m’a laissé sous tension pendant de très longues secondes le temps que mon cerveau assimile – encore une fois – tout ce que les personnages ont vécu, comment ils voient l’autre et comment ils peuvent réagir, etc. C’est vraiment devenu génial de suivre même le plus simple des échanges dans la série. Et parfois, le passé refait aussi surface de façon beaucoup plus précise que ce à quoi on s’attendait : Littlefinger et la dague qu’il donne à Bran.
Déjà à l’origine du meurtre de Jon Arryn dans le pilote (ce qu’il a révélé dans la saison 4), qui a, pour rappel, fait venir Ned Stark à la capitale et provoqué, petit à petit, la Guerre des Cinq Rois et la division du royaume, Littlefinger est aussi très probablement celui qui avait préparé l’attaque du petit Bran convalescent en saison 1 pour semer le trouble politiquement et gagner la confiance de Catelyn. Le tout était calculé, comme il l’a très bien expliqué à Sansa la saison précédente, uniquement dans l’espoir de le rapprocher de ses deux buts ultimes dans la vie : être sur le trône, avec Catelyn St… euh, Sansa Stark.... Catelyn... AHEM, bref. Le dialogue entre Bran et Littlefinger est très lourd de sens, Bran semble être au courant de tout, ce qui met encore plus à mal les plans de Littlefinger. Et la reprise de la phrase « Chaos is a ladder », du beau milieu d’un de ses monologues de la saison 3 et qui résume toute la perfidie de son personnage prêt à régner sur un monde de cendres, ça m’a foutu les frissons et c’est encore un exemple de référence parfaite que sort la série. Le tout est couplé à un montage parfait qui se restreint brusquement en gros plans sur les visages des deux protagonistes, nous laissant observer la confiance de Bran, Littlefinger déstabilisé qui comprend que son plan est compromis, et tout ce que les personnages se transmettent par le regard. C’est du grand art encore une fois.
« Chaos is a ladder »
Enfin, c’est également en puisant dans sa mythologie et dans son passé que la série parvient à faire évoluer son intrigue aux plus gros enjeux actuellement : Jon convainquant Daenerys de combattre contre l’armée des morts. La solution est extrêmement simple : de simples peintures murales faisant référence aux Enfants de la Forêt vus en saisons 4 et 6, et comment leur situation avec les Premiers Hommes se transposent aux temps "modernes" des Targaryen et des Stark. Encore une fois, l’héritage de la série lui fait un beau cadeau et offre une très belle scène, aidée par Kit Harrington et Emilia Clarke… oui, j’ai vraiment dit ça ?
Petite parenthèse sur les acteurs qui s'impose : si certains sont formidables comme toujours (Gwendoline Christie <3), il faut noter qu’une bonne partie du cast à la traîne s’est drastiquement améliorée. Emilia Clarke est juste saisissante en tant que Reine affaiblie qui commence à perdre patience, et même si le montage/la posture/la coiffure/les dialogues (« Enough with the clever plans ») y sont aussi pour beaucoup, je l’ai trouvée bien plus imposante qu’autrefois. Quant à Kit Harrington, je le trouve également très convaincant dans son rôle de "Roi du dimanche qui ne sait pas trop comment il s’est retrouvé là mais qui a bon cœur et qui le montre". Son duo parfois comique avec l’excellent Davos aide beaucoup, mais je pense qu’il faut aussi reconnaître une part de succès à l’écriture des personnages qui semble avoir évolué en accord avec l’acteur : je pense aussi à Isaac Hemptsead-Wright qui incarne parfaitement la glaciale Corneille, ce qui lui convient bien mieux que son ancien rôle où il était un Bran maladroitement inexpressif.
Du spectacle à nous en mettre plein les yeux
Le deuxième aspect de la série qui est brillant selon moi, c'est bien sûr de nous fournir un show à prendre au premier degré juste inégalé à la télévision. Cette partie sera volontairement beaucoup plus courte que la précédente, car elle n’est pas aussi prédominante dans l’épisode, et que pour moi ce sont bien les personnages et toutes les choses dont j’ai déjà parlées qui font que cet épisode est au top, et pas seulement pour ses dix dernières minutes… Mais inutile de nier qu’elles ont également joué un rôle et que ça fait plaisir de voir de tels événements dans la fin de série.
Pourquoi cette séquence fonctionne-t-elle parfaitement ? La réponse est toujours la même que mon premier point sur les retrouvailles : récompenser le spectateur par quelque chose qu’il a toujours attendu. On avait, là encore, déjà eu un aperçu en fin de saison 6, mais cette fois ça y est, on voit enfin ce que ça donne en action, dans du concret, à Westeros… je parle bien sûr… DU DRAGOOOOOOOON !
« Dracarys ! »
Autre registre, beaucoup moins sobre et beaucoup plus dans la démonstration : du pur épique (fantaisie). C’est jouissif, les frissons sont toujours là bien que pour d’autres raisons. Je suis excité comme un gosse avec pas grand-chose. Là encore, la scène est parfaitement construite et amorce hyper bien la tempête qui va suivre : Theon qui demande où est Daenerys en guise de transition vers le lieu de bataille, puis un silence inhabituel de la part de Jaime et Bronn, les soldats Lannister en panique. Un plan sur le dragon, un seul mot – Dracarys – et le petit effet sonore qui nous a hanté depuis la saison 3, et ça suffit. Même si la bataille n’a pas suffisamment de personnages "importants" ou d’enjeux immenses au point de mériter un épisode entier, elle reste symboliquement très forte pour toutes ces raisons, mais aussi pour ce qu’elle implique pour la suite. Malgré un petit doute avec l'arbalète et le passage où Drogon est forcé d’atterrir, aucune hésitation sur qui a remporté cette manche : Daenerys ramène en effet les points à égalité dans cette guerre avec Cersei. Le tout est porté par une réalisation superbe (ouf ! le désastre de la fin de l’épisode 2 n’était qu’une fausse alerte), un beau plan séquence suivant Bronn, un dragon qui n'a jamais été aussi convaincant, une apparition de Tyrion avec une pseudo-retrouvaille avec Jaime qui a beaucoup de sens également (Daenerys a raison : il reste attaché à sa famille néanmoins).
Je me suis aperçu en voyant certaines réactions à droite et à gauche que pour beaucoup, ce qui était très fort dans cette dernière séquence c'était aussi de tout suivre du point de vue de Jaime. J'avoue que je ne l'ai pas du tout vécu comme ça, car ce n'est pas un personnage qui m'a vraiment touché durant tout le run de la série. Aussi, le fait de diviser mon analyse de l'épisode entre la partie "émotion" et la partie "spectacle", en négligeant tout attachement aux personnages dans la bataille, n'est que ma vision. Sans doute que beaucoup de fans en ont eu une différente, craignant pour la vie de Jaime et Bronn, etc. Pas de souci, ce n'est pas comme ça que je l'ai vécu – j'étais un peu déçu que Jaime soit sauvé – mais c'est même bon signe de voir que cet épisode peut entraîner plusieurs réactions, et que peu importe qui on "soutient", on apprécie tout ce que l'on voit. La scène où Missandei est questionnée par Davos et Jon à propos du paradoxe de l'esclave libéré qui obtient un nouveau maître (en référence à elle et une bonne partie de l'armée de Daenerys), par exemple, est importante car elle fait apparaître les deux points de vue : les pro-Dany comme Missandei, et les sceptiques comme Davos. On y croit ou on n'y croit pas, là encore tout le monde peut apprécier la scène pour autre chose : le fait de donner la parole à Missandei sur un élément capital du show, ou bien le fait de tisser à nouveau un parallèle entre le Roi du Nord et la Reine des Dragons, tous deux choisis par le peuple... et par les fans.
Au fond, la seule chose qui compte c'est que le show parvienne à tirer le meilleur de son passé pour satisfaire tout le monde sur tous les plans, émotionnel comme spectaculaire, lors de sa conclusion. Game of Thrones a définitivement prouvé qu'elle était capable de répondre à ces attentes avec cet épisode vraiment jouissif sur tous les aspects.
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J’ai aimé :
- Le fait de se sentir vraiment dans le chapitre final, de donner un point de chute à toute la série, de récompenser le fan !
- L’émotion véhiculée par de nombreuses scènes de retrouvailles.
- Des références au passé jouissives.
- Bien sûr, la séquence finale épique.
- Gros, gros effort sur les personnages secondaires : Brienne, Littlefinger, Missandei et même Meera Reed brillent dans cet épisode en peu de scènes.
- Les acteurs, dont certains ont drastiquement progressé.
- C'est beau à voir et à écouter.
- L'épisode/la série m'a redonné confiance sur la capacité en la série à ne rien laisser au hasard quant aux conséquences encore non subies de plusieurs intrigues (ici, la dague par exemple). Allez, j'y crois pour Gendry !
Je n’ai pas aimé :
- C’était presque trop court, et la fin trop brusque !
- L’épisode fait du saute-mouton entre les intrigues à Dragonstone et à Winterfell un peu n’importe comment… Bon, je pinaille car je n’ai pas grand-chose à reprocher à cet épisode.
Ma note : 17/20.
Le Coin du Fan :
- La phrase : « Le chaos n'est pas un gouffre. C'est une échelle. » est une reprise du célèbre mantra de Littlefinger, déjà annoncé à Varys en saison 3 :
- Les symboles dans la grotte visitée par Jon et Daenerys sont ceux des Enfants de la Forêt. On retrouve ces mêmes symboles à d’autres moment de la série :
NB : Un utilisateur de reddit mentionne le fait que chez Shakespeare, le symbole de la spirale représente le quatrième acte (sur cinq). Dans cette partie du récit, les personnages principaux doivent prendre des décisions rapides, qui se terminent souvent très mal. Exemple ici : Bronn blesse Drogon, mais aussi Jaime, par ricochet.
- Si vous en doutiez, c’est bien Bronn qui sauve Jaime à la fin. Preuve en est, son cheval blanc :
- Toujours Jaime. Sa chute finale renvoie immédiatement à la chute de Bran à la fin du pilote :
- Le caméo de la semaine : Noah Syndergaard de l’équipe de baseball des "New York Mets" :
- Saison 1, épisode 5, Robert Barathéon : « Seul un fou attaquerait les Dothrakis en terrain ouvert. » :
- Daenerys VS Jon :
Saison 5, épisode 1, Jon à Mance Rayder : « Leur survie n'est-elle pas plus importante que votre fierté ? »
Saison 7, épisode 4, Daenerys à Jon Snow : « Leur survie n'est-elle pas plus importante que votre fierté ? »
Bonus :
La famille Stark est devenue les X-Men
À la semaine prochaine avec la critique de Cail1 !