Critique : House of the Dragon 1.1 et 1.2

Le 02 septembre 2022 à 13:18  |  ~ 27 minutes de lecture
House of the Dragon : comment faire un début de préquel réussi qui capitalise sur sa série d’origine tout en racontant sa propre histoire.
Par Galax

Critique : House of the Dragon 1.1 et 1.2

~ 27 minutes de lecture
House of the Dragon : comment faire un début de préquel réussi qui capitalise sur sa série d’origine tout en racontant sa propre histoire.
Par Galax

Cela fait bien longtemps que l’univers de Game of Thrones n’était plus sur nos écrans. Coïncidence, cela faisait aussi bien longtemps qu’un début de série ne m’en avait pas mis autant plein les yeux !

Il se dégage de ce premier épisode une impression familière tenace, doublée d’un sentiment d’excitation partagé par de nombreux fans. Pourtant, bon nombre d’entre eux avaient été très déçus par la fin controversée de la série mère - et c’est un euphémisme... Comment House of the Dragon a su trouver un équilibre immédiat pour plaire au plus grand nombre ?

 

Rhaenyra

 

Décryptage de certaines séquences clés des deux premiers épisodes fascinants, qui parviennent à ressusciter un univers pour le transformer en saga.

 

C'est dans les vieux pots...

 

De George R. R. Martin à Miguel Sapochnik en passant par Ramin Djawadi, de King’s Landing aux Targaryens, sans oublier le fameux trône de fer, les noms connus du spectateur même peu assidu de Game of Thrones ne font que s’accumuler devant et derrière la caméra dans ce projet de préquel. Conséquence de quoi la série copie tout son style sur celui de Game of Thrones, et de prime abord ce sont les parallèles avec la série d’origine qui sautent aux yeux constamment.

Ce choix de “casting” familier se veut rassurant pour le fan inquiet de prolonger un univers qui les a déçus sur la fin. Mais dans le même temps, la série réaffirme dès le début, à travers un carton d’information, ses liens avec les événements de la série-mère, même les plus controversés. A savoir : l’action se passe 172 ans avant la naissance de Daenerys Targaryen, la dernière Targaryen qui échoua à reprendre le trône de ses ancêtres, alors que ceux-ci étaient au sommet d’une apogée de puissance dans un royaume en paix. Comment ont-ils réussi à s’auto-détruire sous les coups de guerre civile et de trahisons ? C'est la promesse de cette série... et c'est ultra alléchant.

 

Description du contexte

 

Game of Thrones aurait peut-être gagné à éclairer sa fanbase en indiquant dès le début “vous allez assister au sauvetage d’un monde politiquement désabusé, à travers l’ascension puis la chute de deux renégats élus que tout oppose, A Song of Ice and Fire”. House of the Dragon joue la sûreté et laisse de côté toute subtilité ou toute surprise, en annonçant dès le départ qu’on assistera à l’implosion d’une maison. Elle peut se permettre cet avertissement spoilant en tant que série préquelle dont on connaît déjà plus ou moins le point de chute, et dont le livre qu’elle adapte est déjà terminé.

 

Un point de chute qui change tout

 

Ce qui est moins attendu et plus risqué en revanche, c’est que lors de la fin du pilote, le roi Viserys, ayant tout juste nommé sa fille Rhaenyra comme légitime héritière… lui raconte une prophétie sur un hiver sans fin qui amènera la fin du monde telle qu’on le voit dans Game of Thrones. Cette légende, qui prendrait sa source dans un rêve prémonitoire d’Aegon le Conquérant, le premier roi Targaryen de Westeros (qui marque l’an “0” de l’univers), serait transmise depuis des générations entre rois (et reines, désormais) afin de faire comprendre l’enjeu du trône au-delà de la partie politique et la gouvernance simple du royaume.

 

Bougies et prophéties

 

Cette scène est inattendue et change complètement mon regard sur ce préquel pour un bon nombre de raisons. Tout d’abord, je m’attendais à ce que la mention de Daenerys Targaryen en tout début d’épisode soit le premier et dernier lien explicite avec la temporalité de Game of Thrones que le spectateur connaît. Du genre “aucun besoin d’avoir vu Game of Thrones avant House of the Dragon”. Or, cette légende vient immédiatement nous plonger à la clé de voûte de toute la série d’origine.

Cela va plus loin, puisque cela se produit dans le tout premier épisode de House of the Dragon, et donc cette prophétie place également toute la série préquelle à venir dans ce qui est désormais une grande saga tournée autour de cela. Ce n’est pas anodin si Viserys mentionne ouvertement “A Song of Ice and Fire”, le titre meta de toute la saga.

 

Le roi Viserys

 

De plus, cette scène très solennelle vient légèrement changer notre perception, selon moi, sur Viserys, jusqu’à maintenant vu comme un roi médiocre qui papillonne et ne s’intéresse pas aux “vrais” sujets. Ce poids d’une prophétie devant sauver le monde permet de mieux comprendre son personnage. C’est la dernière scène de l’épisode, probablement la plus importante d’un pilote (on rappelle que le dernier plan du pilote de Game of Thrones est celui d’un Bran qui chute… je vous laisse tirer les conclusions par rapport à la fin de série).

La mise en scène insiste sur son aspect crucial, et le récit de Viserys est filmé lors d’un montage où les maisons fidèles à la Couronne jurent leur allégeance à la nouvelle héritière Rhaenyra. Et qui est la dernière maison citée juste avant le début de cette prophétie, quand Viserys mentionne un hiver absolu ? La maison Stark, bien sûr.

VISERYS: But ambition alone is not what drove Aegon to conquest. It was a dream. And just as Daenys foresaw the end of Valyria, Aegon foresaw the end of the world of men. It is to begin with a terrible winter gusting out of the distant north. Aegon saw absolute darkness riding on those winds. And whatever dwells within will destroy the world of the living. When this Great Winter comes, Rhaenyra... all of Westeros must stand against it. And if the world of men is to survive, a Targaryen must be seated on the Iron Throne. A king or queen, strong enough to unite the realm against the cold and the dark. Aegon called his dream "The Song of Ice and Fire."

Durant tout ce speech qui résume toute la direction de l'univers, on observe un plan serré sur une dague que le roi Viserys possède. Une dague... en acier valyrien.

 

Dague en acier valyrien

 

Cet objet est sans aucun doute le plus important de la série de base. Initialement, il appartient secrètement à Littlefinger, le meurtrier de Jon Arryn et l’instigateur de tout le jeu des trônes. Il sert à attaquer Bran, avant d’être récupéré par Catelyn Stark, puis in fine par Arya, qui s’en servira pour tuer Littlefinger et ultimement pour détruire le Roi de la Nuit et accomplir la prophétie. Prophétie que Samwell Tarly avait probablement vu dans un livre à la Citadelle qui contenait un dessin de cette fameuse dague.

Le clou du spectacle de tout ceci, c’est que cette prophétie est complètement absente des livres Fire and Blood dont House of the Dragon s’inspire. Rajoutée expressément à la demande de George R. R. Martin, elle surprend même les fans du roman et les déstabilise dans ce qui devait être sans doute pour eux une simple promenade de santé en termes d’adaptation, sans surprise et sans dérive. Même si l'histoire suivra fidèlement le livre jusqu'au bout cette fois, il est bon de voir que certaines libertés sont prises, car, on le rappelle, l'adaptation parfaite n'existe pas et résulte forcément en la création d'une autre oeuvre.

 

Le livre de Sam

Le livre que Samwell trouve à la citadelle, dans la saison 7 de Game of Thrones

 

Quand un spin-off transforme une série en une saga

 

A partir de là, selon moi, tous les paris sont ouverts et ce spin-off ne se la joue plus “sage”. Bien loin de l’idée de céder à la décanonisation de la fin jugée décevante de la série mère, House of the Dragon l'assume. Elle reprend même ses deux éléments les plus controversés (Arya et la dague, et le sort de Daenerys, sont intimement liés à la mauvaise réception de l'ultime saison), et les réaffirme comme points de chute d’une prophétie millénaire, ce qui appuie la différence avec le canon des romans. Certains parlent même maintenant d’un canon de l’univers télévisuel décorrélé du futur “vrai” canon de la saga littéraire quand elle verra le jour, une sorte de saga parallèle.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la prophétie est vague et incorrecte par rapport à ce qui se déroule en saison 8 (où aucun Targaryen ne siège vraiment au moment où l’hiver est venu, et où ce n'est pas directement un Targaryen qui anéantit le Roi de la Nuit), tout comme le rêve prémonitoire de Viserys de placer son fils sur le trône est également brisé dès ce pilote, ou plutôt, il se réalise parfaitement au détail prêt que c'est une fille sur le trône... Selon le point de vue, les prédictions peuvent être incroyablement justes à quelques détails près, ou totalement à côté de la plaque. Les rêves et les prophéties sont donc incertaines, et on comprend de plus en plus pourquoi : si ce n’est que par le bouche-à-oreille qu’elles sont transmises entre rois et héritiers, les informations peuvent se tordre en chemin. Viserys vient d’ailleurs probablement d'ajuster la prophétie à sa vision lorsqu’il évoque “un roi ou une reine”, ce qui sert à le rassurer et à mieux impliquer sa fille Rhaenyra. Il interprète donc la légende à sa façon, en tentant de redonner de la légitimité aux femmes dans leur univers.

 

Un amour naissant

 

La place des femmes dans l'héritage est un thème qui traverse ces deux premiers épisodes dès le début. D'une part, à travers la romance entre Rhaenyra et Lady Alicent, qui va être au coeur de la saison. D'autre part, avec le personnage de “The Queen Who Never Was”, la cousine du roi lésée qui met d’ailleurs en garde Rhaenyra dans l’épisode 2 sur leur place dans le royaume. Ce personnage semble, comme tous les autres, vouloir suivre ses motivations pour se rapprocher du trône, tout en étant sincère dans une certaine approche. Et en plus de la place des femmes dans la lignée politique, on retrouve, bien évidemment, de nombreux autres thèmes communs à la série d’origine autour de la lutte de pouvoir, comme les mariages arrangés, l’inceste, ou la position sociale avec la notion de familles parties de rien et d’autres plus avantagées.

George R. R. Martin a en tout cas déclaré vouloir faire des adaptations de la saga A Song of Ice and Fire un univers aussi grand et ambitieux que Star Wars et Marvel, pour citer les deux mastodontes de Disney. Mais même en se restreignant à une échelle plus réduite, cela ouvre considérablement le champ des possibles pour House of the Dragon : allons-nous explorer les visions d’Aegon, l’ancêtre de Viserys ? Ou au contraire plonger loin dans le futur et les successeurs des Targaryens, notamment le roi fou Aerys II, père de Daenerys ? Pouvons-nous envisager d’expliquer de façon cartésienne le fait que les Targaryens sont connus pour avoir des visions (rappelez-vous de Daenerys en fin de saison 2), voire même d’autres personnages à la généalogie magique ? Les fans évoquent notamment la possibilité de voir apparaître la sorcière rouge Melissandre dans ce préquel, et Carice Van Houten est partante. Cela serait très cohérent au vu de ce qu’on a appris pour l’instant.

Et au-delà de ce thème de la prophétie, qu’arrivera-t-il à la dague ? Verrons-nous des marcheurs blancs ou le mur, mentionné à l’épisode 2 (personnellement, j’en doute) ? Quid de la folie des Targaryen : expliquera-t-on cette drôle de récurrence à travers leur lignée, comme le résultat de pratiques incestueuses, de leur sang de dragon, ou encore de leurs visions incessantes sur la longue nuit qui tourne à l'obsession ? Tant d'éléments pouvant approfondir l'univers sont sous-entendus par ce pilote, définitivement plus riche qu'il n'y paraît au premier regard.

 

Une maison qui s'écroule sous son propre poids

 

Bien sûr, l’épisode ne vaut pas le détour que pour tout son lore et ses liens avec la série-mère. D’ailleurs, si je me suis focalisé un long moment sur la scène finale du pilote avec la dague et la prophétie, c’est parce que c’est celle qui m’a vraiment pris de court et qui m’a saisi complètement. Mais ce serait injuste de ne pas évoquer tout ce que le pilote construit également d’inédit sur la famille Targaryen et son propre lore.

 

Daemon Targaryen sur le trône... bien trop tôt

 

Comme on peut s’y attendre, House of the Dragon dépeint un échiquier royal assez simple en apparence, plus abordable que le pilote de Game of Thrones, mais sans doute encore plus vicieux et complexe en y regardant de plus près. Joutes verbales et chevaleresques, drama de successions et de gouvernance, conseillères et conseillers servant tous plus ou moins leurs propres intérêts, pas toujours de leur plein gré : c’est un vrai délice de se plonger dans les conflits familiaux des Targaryen.

Les parallèles avec les personnages de Game of Thrones sont néanmoins nombreux ; on remarque en fait que George R. R. Martin semble aimer écrire certains archétypes. On pourrait ainsi dire que Rhaenyra semble être un amalgame d’Arya d’une part, puisqu’elle souhaite surtout faire des activités attribuées aux garçons, comme être chevalier. Mais aussi de Daenerys d’autre part, puisqu’une fois désignée héritière, elle aimerait changer les choses en tant que Reine pour les successions, notamment vis à vis des femmes, comme elle l'explique dans l'épisode 2. De la même façon, le conseil restreint de la série réutilise certains archétypes, notamment la main du roi, Otto Hightower, qui fait penser à Tywin dans ses remarques et en manipulant le mariage de sa fille pour le bien de sa famille.

 

Red Keep : le donjon de House of the Dragon

 

En revanche, avec aussi peu d’acteurs, de familles et de régions, la série doit vite trouver d’autres façons pour capter notre intérêt. L’impression de voir une pièce de théâtre aux rouages prévisibles nous guette parfois, par rapport à un Game of Thrones qui avait un horizon beaucoup plus étendu à travers ses nombreuses familles. House of the Dragon fait alors le bon choix de s’agrandir non pas géographiquement, mais chronologiquement. A part le prologue à Harrenhal, seule une (très bonne) scène à Dragonstone a lieu en épisode 2, tout le reste se déroule à King’s Landing et plus spécifiquement dans le donjon. Mais grâce à l’ellipse de six mois entre les deux épisodes, ce début d’épopée prend un rythme extrêmement dynamique, avec des changements de pouvoirs dans l’échiquier déjà majeurs.

House of the Dragon parvient donc non seulement à s’inscrire dans un lore partagé qu’elle est elle-même en train de créer, mais aussi à se détacher de sa série-mère en proposant un rythme de narration suffisamment différent pour troubler nos certitudes. En plus, je trouve que la série a su prendre les marques de fabrique de Game of Thrones et itérer dessus pour n’en garder qu’une version augmentée, plus confiante. Elle n’hésite pas, par exemple, à nous balancer la généalogie des Targaryen avec de nombreux rappels à leur histoire (remontant même jusqu’au lore de Nymeria la conquérante de Dorne, qui fera potentiellement l’objet d’un autre spin-off).

 

Coin bitching entre mari et femme, la Reine qui ne Fut Jamais

 

Une écriture fine et riche

 

Bien que la formule "gagnante" de Game of Thrones est ici reproduite pour certains aspects de la vie politique, n'oublions pas que d'une part, il est logique de retrouver les mêmes schémas dans le même régime politique que celui 172 ans plus tard, et d'autre part, cette formule reste diablement efficace.

L'écriture est riche et généreuse, claire tout en étant ouverte à l'approfondissement et l'analyse, directe tout en étant subtile. Elle donne un excellent aperçu de ce à quoi peut ressembler la série tout en gardant beaucoup de choses sous son coude. Certaines séquences de l'épisode 2 notamment sont d'ors-et-déjà très riches en tension, comme l'excellent échange entre Rhaenyra et son oncle : les deux acteurs sont fantastiques, cela fait notamment plaisir de voir Matt Smith dans un rôle qui lui convient et dans un projet qui ne bide pas. Quant à Milly Alcock, elle est selon moi la vraie révélation de la série, saisissant complètement l'impérialité et l'innocence de son personnage, ses rêves et ses devoirs.

 

Milly Alcock

 

Même certains procédés "grossiers", comme l'annonce précipitée du mariage entre le roi Viserys et Lady Alicent, qui agit comme le cliffhanger assez clickbait de l'épisode 2, sont soigneusement préparés à l'avance dans un montage vraiment immaculé. Avez-vous en effet remarqué que Lady Alicent porte la même robe tout au long de l'épisode 2 (la fameuse robe censée "attirer" le roi en évoquant la défunte mère d'Alicent), alors que son père lui avait demandé de passer la nuit avec le roi ? Et si ce soir-là, elle était en effet restée dans sa chambre tout du long... au risque d'être potentiellement déjà enceinte, ce qui explique le choix précipité de Viserys et son envie d'officialiser le mariage d'ici quelques semaines ? Ce n'est qu'une théorie, mais au rythme où va la série, je ne serai pas surpris de les retrouver dans l'épisode 3 déjà marié-e-s, avec un enfant en cours de route...

Et si tout est très rapide, le spectateur n'est jamais perdu. Pourtant, les dialogues d’exposition ne sont pas bien nombreux, à l’exception du passage au tournoi où la Reine qui ne Fut Jamais, Rhaenys, et son compagnon Corlys Velaryon, font des commentaires détachés sur la violence que l’on voit et à quels points toutes les personnes présentes n’y connaissent rien à la guerre. C’est évidemment meta de dire cela en assistant à la scène la plus violente de la série pour l’instant, dans un tournoi qui rappelle clairement le début de Game of Thrones avec Robert Baratheon, les Clegane et Sir Loras Tyrell.

 

Une violence extrême mais ciblée et porteuse de sens

 

Le tournoi est la scène centrale du pilote, par ses parallèles avec Game of Thrones, par ses différences aussi (tout est plus grandiloquent et témoigne d’une société dans le passé qui prospère, comme la saga elle-même est déjà plus réputée), ainsi que par les différents jeux de regard et protagonistes qui interviennent. On retrouve par exemple un Daemon Targaryen qui fait tout sauf preuve d’esprit sportif pour gagner, mais échoue tout de même en se faisant prendre à son propre jeu.

 

Tournoi de chevaliers

 

Et la remarque amusante de Rhaenys sur les “chevaliers puceaux qui n’y connaissent rien” n’est pas sans rappeler les débuts de Game of Thrones, qui faisaient aussi suite à une période de paix prolongée, et surtout d’été étonnamment long. Cela annonçait évidemment l’hiver et le thème de la série - Catelyn Stark parlait de “chevaliers de l’été” par exemple. Dans les deux séries néanmoins, on est inévitablement plongé dans un des propos de cette saga : le cycle sans fin de violence qui se répète sans cesse, et la désillusion qui suit chaque période de prospérité, comme si en temps de paix, les dirigeants ne faisaient que semer les graines qui entraîneront une nouvelle guerre. Le montage parallèle entre les cris de la reine Aemma en train d’agoniser lorsqu'elle accouche, les cris de l’héritier tout juste né, et les cris de Daemon, le prince tout juste déshérité qui combat pour le show, illustre bien ce propos de violence sans fin où les jeux de pouvoir baignent dans la mort.

Ici, plus que l’hiver et la guerre des Cinq Rois, c’est la guerre civile Targaryen qui est de mise. Et ce montage du tournoi de chevaliers est entrecoupé par la scène incontestablement la plus violente du pilote : l'accouchement et le meurtre d'Aemma. La violence est quelque chose dans laquelle la série principale se complaisait parfois beaucoup trop. Ici, elle est beaucoup plus psychologique, politique et viscérale : on la retrouve dans un homme qui avait l’air honorable jusque là, qui incite sa fille de 14 ans à aller séduire le vieux roi dans les habits de sa défunte mère. On la retrouve dans le deuil d’une princesse délaissée qui se traduit en amertume pour son père qui ne l’a jamais considérée. On la retrouve dans la fin brutale d’une amitié innocente (voire d’un amour naissant, le sous-texte entre Rhaenyra et Alicent étant plus qu’explicite) suite à la décision politique et personnelle du roi Viserys qui conclut l’épisode 2.

Ou encore et surtout, on retrouve la violence dans ce sacrifice d’une femme en train d’accoucher, qu’on traite comme un objet bon à pondre un héritier, sans l’informer de ce que l’homme qu’elle aimait a choisi pour elle.

 

Accouchement et violence

 

La réalisation rend la scène insupportable à regarder (quand elle est traînée hors de son oreiller…), et le jeu plus vrai que nature de l’excellente Sian Brooke (incroyable dans la série Sherlock), font de ce passage l’une des séquences les plus horribles de la saga.

Bref, la violence est partout, mais n'est pas utilisée pour de la shock value, bien au contraire.

Sur la base de ces deux épisodes, la série se veut, je crois, choquante avant tout par les mariages arrangés et la vitesse à laquelle les événements se déchaînent dans une spirale incontrôlable. Au début de la série, une reine en bonne santé est censée donner naissance à un nouvel héritier, de quoi apaiser toute éventuelle tension et libérer la princesse Rhaneyra de ses obligations. A l'issue de l'épisode 2, tout semble déjà en ruines, à la suite d'un enchaînement précis et inévitable de mauvaises micro-décisions. Et pourtant, ce qui est connu comme la Danse des Dragons, à savoir l'effondrement de la dynastie Targaryen, ne fait que commencer. J'ai déjà très hâte, mais aussi très peur, de connaître la suite...

 

J’ai aimé :

  • Retrouver l’univers démesurément ambitieux de Game of Thrones
  • Les acteurs, la cinématographie, les musiques, la production plus ou moins parfaite
  • Le générique magnifique qui résume l’intention de la série, entre nostalgie et renouveau
  • Le montage frénétique qui masque la quasi-unité de lieu et les personnages réduits
  • Des personnages très intéressants aux motivations complexes, à la fois personnelles et politiques
  • Le lore subtilement distillé qui ouvre complètement le champ des possibles sur la suite

 

Je n’ai pas aimé :

  • Certains fonds verts et certains jeux d'acteurs (la femme de Daemon et son accent forcé), allez next car on s’en fout


Ma note : 16/20 aux deux épisodes

 

Le coin du fan

 

Dans cette section, certaines références ou anecdotes sur la série que je n'ai pas pu caser dans ma critique de façon fluide :

  • Le prologue se situe à Harrenhal, qui est déjà en ruines car c’est Aegon le Conquérant qui la brûle en prenant le trône en l’an 0. C’est dans ce lieu que se déroule la cérémonie pour désigner l’héritier du roi Jaehaerys I, car il s’agit du plus grand château à l’époque. Une des théories pour expliquer pourquoi Viserys a été élu plutôt que sa cousine Rhaenys (la Reine qui ne Fut Jamais), évoque notamment un choix/complot des Mestres de la Citadelle qui préfèrent, non pas forcément un homme au pouvoir, mais un Targaryen sans dragon, comme c’est le cas de Viserys. Les dragons sont en effet vus comme ce qui déifie les Targaryen et qui les rend dangereux, les Mestres souhaitent sans doute pouvoir contrôler le roi. Sur le papier du résultat des votes, on peut voir le sceau des Mestres :

 

Vote en faveur de Viserys

 

  • La “garderie” des dragons de l’épisode 1 ressemble à un grand amphithéâtre. C’est le même que celui de la saison 7 de Game of Thrones, où Cersei a convoqué Daenerys pour voir un des morts-vivants capturés. Cersei a sans doute choisi ce lieu pour rappeler la déchéance du royaume Targaryen.

 

La fosse à dragons

 

  • Le trône, bien plus large et imposant que celui de Game of Thrones, coupe régulièrement le roi. Ce trône bâti par Aegon le Conquérant est volontairement tranchant pour rappeler à ceux qui y siègent qu’il s’agit, comme Viserys le dit à Rhaenyra, du siège le plus dangereux du royaume. Viserys se coupe après avoir pris la (mauvaise) décision de bannir son frère, comme un signe du destin/de mauvaise gouvernance. Le Roi Fou Aerys II (père de Daenerys) se coupait très souvent, par exemple. Ce n'est pas anodin que le roi Viserys se blesse donc souvent sur ce trône.

 

Le trône de fer

  • La série démarre tout son conflit principal à cause de la mort de la reine Aemma, qui est une Arryn du côté de son père. Cela fait donc, avec Game of Thrones et l'assassinat de la main du roi Jon Arryn, une deuxième série qui s'ouvre par la mort d'un Arryn en tant qu'instigateur d'un conflit politique.

Si vous souhaitez un article détaillant la généalogie et les ancêtres des personnages de la série et le lien avec les autres maisons de Westeros, comme nous l'avions fait pour Game of Thrones, n'hésitez pas à nous le dire, nous y songeons...

Et pour plus d’anecdotes et un résumé détaillé des épisodes, je vous renvoie à la très bonne chaîne Alt Shift X (en anglais compréhensible et illustré).

 

Et vous, qu'avez-vous pensé de ce début de série ? Prometteur, ou molasson ? Quoi qu'il en soit, on se donne rendez-vous en fin de saison pour un bilan sur House of the Dragon !

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