Pitch à la grenade
Frank Drebin doit enquêter sur le meurtre d'un juge et d'un avocat, tous deux victimes d'attentat à la bombe. Ses soupçons se portent rapidement sur Eddie Cassalas, ancien repris de justice, condamné justement pour l'utilisation illégale d'explosifs.
Le plus mauvais scénario de la série
Doté d'une introduction assez déstabilisante dont je parlerai plus tard, l'épisode va souffrir d'un gros problème de narration, la faute à un scénario mal conçu, visiblement bâclé et qui ne fournira que peu de matière pour produire une vraie parodie. Visiblement soucieux de se réinventer au niveau de l'humour, les auteurs ont volontairement délaissé l'histoire, celle d'un triangle amoureux entre un ancien détenu, son épouse et sa maîtresse, une chanteuse de cabaret. La conclusion de l'affaire, particulièrement grotesque, va entacher l'épisode, ne fournissant pas la base solide permettant de lui donner un vrai rythme.
Pour autant l'humour fonctionne, la patte ZAZ se retrouvant au travers de plusieurs gags bien sentis dont nous parlerons par la suite, mais l'ensemble est trop lent pour être réellement efficace. La réalisation se montre elle aussi peu inspirée, avec un montage trop lâche étirant inutilement certaines scènes, empêchant la folie particulière au show de s'exprimer. Paul Krasny (réalisateur de nombreux épisodes de Mission Impossible) n'est pas Joe Dante, et fournit une pâle copie ne mettant pas vraiment en valeur les qualités du show.
Au final, seuls les gags présentent un réel intérêt dans cet épisode ; j'ai donc choisi de proposer un listing des différentes formes d'humour employées par les ZAZ.
1) Humour par le décalage
Souvent utilisé par les ZAZ, l'humour par le décalage consiste à produire un déphasage entre les réactions du héros et la situation réelle. Le scientifique M. Olsen est l'exemple parfait de cette forme d'humour, son personnage expliquant avec le plus grand sérieux aux enfants des choses extrêmement peu scientifiques. Le décalage dans l'humour est un des domaines que maîtrisent le mieux les ZAZ, surtout dans la scène sur le lieu d'explosion de la voiture, où les deux héros se lamentent devant la carcasse de l'engin sans faire un seul instant attention au cadavre à côté d'eux.
Maître absolu dans cet art particulier, Leslie Nielsen est remarquable par sa capacité à faire preuve du plus grand sérieux tout en proférant les répliques les plus absurdes. Son style si singulier, fruit des nombreux rôles de policier tourmenté qu'il avait interprétés avant de devenir Franck Drebin, fait merveille et constitue l'exemple parfait du comique par décalage.
2) Humour absurde ou principe de la chaise renversée
Injustifiable et imprévisible par nature, l'humour absurde des ZAZ fait partie de la légende, le trio s'étant fait une spécialité de ce genre de détails invraisemblables et inutiles particulièrement surréalistes. Cette scène très réussie verra aussi le lieutenant Drebin tenter de boire un cocktail constitué uniquement d'une multitude de pailles. Ce type de gags est assez rare à la télévision, car il est depuis toujours considéré comme provocateur, anticonformiste ou plus simplement idiot par le spectateur américain. L'échec public de Police Squad viendra en partie du refus de cet humour imprévisible, longtemps jugé comme insolent et facile.
En intégrant fréquemment ce type d'anachronisme ou d'absurdité, les ZAZ marquent cette série d'un style reconnaissable entre mille. Qu'on soit pour ou contre cette forme d'humour invraisemblable et inutile, elle constitue la marque de fabrique ZAZ, souvent copié, mais jamais égalé.
3) Le comique à différents niveaux de lecture
Dans cette scène très particulière, on voit Franck et son patron en train de cuisiner Eddie Cassalas, la scène en tant que telle ne contient aucun gag particulier. L'humour va venir du second plan où Norbert arrive avec les sandwiches et va créer une seconde conversation pour donner un nouveau sens aux répliques de Franck. Pas forcément très réussie, ce passage demeure un véritable tour de force, ce type de gag nécessitant un synchronisation parfaite dans la succession des dialogues.
Ce besoin de trouver la juste approche pour transformer la moindre scène en éclat de rire comique est le vrai point fort de Police Squad, même si toutes les plaisanteries ne sont pas totalement réussies. Beaucoup d'autres comiques s'essaieront aussi à cette construction d'une comédie à plusieurs niveaux de lecture. Que ce soit les Monty Pythons et leur Flying Circus ou Les Nuls dans Objectif Nul, tous revendiqueront la paternité de Police Squad, symbole que la comédie n'était pas seulement réservée aux sitcoms familiales.
4) Le comique conceptuel
Ce plan sur les chaussures peut sembler pour le moins anodin s'il ne durait pas de longues minutes, recelant plusieurs gags à la limite de l'étrange. Difficile de saisir le réel objectif des auteurs de ce gag tant son abstraction et son minimalisme en font un objet assez unique et d'une étrangeté totale. Nous sommes clairement dans la parodie des séries policières de l'époque, mais le gag est tellement long qu'il en devient presque conceptuel. Totalement en désaccord avec le dénouement final, cette scène restera un vrai mystère pour moi, entre bourde énorme et expérimentation étrange.
Une critique trop bavarde pour un épisode assez moyen
Si les gags et l'humour des ZAZ s'avèrent toujours aussi remarquables, l'absence d'un véritable scénario et de nombreuses lourdeurs donnent un épisode empesé et pas vraiment réjouissant. Le rythme trop lent de certains gags, la séquence d'introduction quasi-expérimentale en rebuteront plus d'un. L'épisode confirme l'impossibilité pour les ZAZ de se plier au format de la télévision.
Il reste donc cet humour si particulier pour justifier le visionnage de cet épisode, même si l'ensemble n'est pas à la hauteur des précédents. La série est lentement en train de mourir, et dans deux épisodes, le rideau se tombera sur l'une des expériences télévisées les plus originales qui soient.
J'aime :
- Leslie Nielsen imperturbable, même en caleçon
- des gags vraiment originaux
- le cocktail à base de paille
Je n'aime pas :
- le scénario décevant
- la mise en scène trop lente
- une séquence d'introduction vraiment peu convaincante
Note : 11 / 20