"Elle disparut et me laissa dans les ténèbres"
Le procès de Daniel est bien entamé et l'hiver est tombé sur les Hamptons, les Graysons continuant de chercher une solution pour sauver leur fils. Retenu par son bracelet électronique, Daniel observe sa fiancée et commence à détecter dans son comportement certains détails étranges. Le retour de Jack Porter ne va rien arranger, celui-ci ayant appris la comparution de Declan au procès après que Nolan l'ait baladé durant des mois à la recherche d'une Amanda Clarke chimérique.
Résumé de la critique
Un épisode réussi que l'on peut détailler ainsi :
- un saut dans le temps assez ingénieux
- un épisode qui tient sur un fil avec brio
- l'art de transformer un soap en tragédie
- la question de la passion et du devoir
Savoir prendre de la distance
Après une reprise plutôt adroite, Revenge surprend en proposant un saut dans le temps qui laisse l'impression d'un léger manque de maîtrise des scénaristes. L'intrigue nous propulse cinquante jours plus tard et la situation n'a guère évoluée dans l'ensemble, hormis la température devenue glaciale dans les Hamptons. C'est dans ce décor neigeux que la série va commencer avec le retour de Jack Porter, malgré les efforts d'Emily et Nolan pour le garder à distance. Un peu moins fluide que d'habitude, l'intrigue va peiner à retrouver le bon rythme, les auteurs opérant quelques corrections durant un premier acte d'ajustement.
Inquiétant au premier abord, cet épisode va vite balayer les premières craintes par la force du récit qui reprend assez vite sa marche en avant, les enjeux étant forts avec la situation précaire de Daniel et le cas de conscience de Jack et de Declan. La question se pose alors de savoir qui Emily va tenter de sauver, les auteurs s'amusant à nous faire croire au sacrifice inévitable du fils des Graysons, laissant apparaître la froide détermination de l'héroïne. Mais plus qu'un moyen de corriger certaines failles du scénario, ce saut dans le temps va permettre de créer une certaine jalousie chez Daniel, ainsi qu'un fort sentiment de résignation.
L'empreinte du temps se ressent dans l'amertume d'un été déjà fini, l'amour de Daniel laissant place à la méfiance et à la jalousie, le voile de la passion se dissipant pour faire apparaître la vérité sur ses sentiments. Certes, ce récit n'est pas exempt de reproches et les ficelles parfois un peu trop visibles, comme l'intervention de Conrad dans la romance de son ex-épouse, servant à mettre en évidence le caractère très possessif de celui qui refuse d'abandonner son rêve d'une famille unie. Mais la confrontation finale entre Daniel et sa fiancée est superbe, celui-ci laissant apparaître son tempérament le plus sombre, offrant à Joshua Bowman l'occasion de casser son image trop lisse.
Loin de l'ambiance légère du début de saison, Revenge redistribue une dernière fois les cartes avant quatre épisodes qui promettent d'être assez intense et auront la difficile tâche de devoir éclaircir certains points d'ombre du scénario. Plus manipulatrice et froide, Emily se trouve dans son élément dans ce décor hivernal, où les sentiments s'étouffent, meurt lentement pour laisser voir le vrai visage des traitres.
Une performance d'équilibriste
Sur le fil du rasoir, le scénario de Revenge n'a jamais été aussi près de perdre pied que dans cet épisode, l'intégralité de l'intrigue reposant sur des éléments particulièrement discutables. Ainsi, le polo tâché de sang de Jack Porter réapparaît brutalement, élément qui va s'avérer décisif par la suite offrant l'occasion d'un twist absolument remarquable qui va venir conclure cet épisode particulièrement ingénieux. En effet, si la réapparition de cette preuve peut prêter dans un premier temps à sourire, elle ne vient pas nuire à la crédibilité de l'intrigue principale tant cette veste paraît encombrer l'héroïne plus qu'autre chose.
C'est dans la manière dont Emily réussit à tirer profit des imprévus que Revenge trouve tout son intérêt, cette capacité de l'héroïne à créer de toutes pièces des mises en scène qui viennent donner un autre sens à la réalité. Une qualité dont Daniel prend lentement conscience, le bracelet électronique lui donnant l'occasion de voir de loin sa fiancée, la distance changeant la perception. Manipulatrice brillante, l'héroïne reprend la main, tandis que le couple Grayson tombe en lambeaux, Victoria découvrant dans les bras de son ancien amant toute l'hypocrisie derrière les fondations de sa famille.
Dernier à résister, Conrad laisse apparaître quelque chose d'inattendu, un élément imprévu qui vient lancer le dernier acte d'une saison de Revenge où la mission d'Emily paraît un peu trop confuse. En détruisant ce couple, elle révèle la vraie nature de chacun d'entre eux, entre une femme qui aura préféré la stabilité à la passion, un fils en manque total de confiance et une fille en pleine crise autodestruction. Grâce à quelques éléments, Revenge abandonne lentement son aspect le plus superficiel et laisse apparaître le vrai visage de chacun de ces personnages, loin du bal des apparences des premiers jours de l'été.
La fine barrière entre le soap et la tragédie
Pour bien comprendre cet épisode, il faut voir derrière l'intrigue pour le moins ingénieuse les intentions des auteurs qui cherchent, au travers du changement de climat, de chasser la nature "soap" de l'intrigue au profit d'une forme plus tragique. Celle d'une famille qui perd son ossature, d'une mère qui délaisse ses enfants pour une passion égoïste, d'un père pathétique qui défend sa fierté bafouée, d'un fils qui ne parvient pas à faire face à sa propre violence et d'une fille addictive cherchant à garder en vie un bonheur disparu. L'entreprise d'Emily de destruction apparaît alors dans toute sa tristesse, cherchant la vérité en exposant tous les secrets d'une famille construite sur un mensonge.
Pour détruire le côté soap de la série, les auteurs utilisent le couple entre Declan et Charlotte qui prend brutalement tout son sens, symbole d'un virage de la série de la romance à la tragédie. Quand les amants d'un jour commencent à se trahir sans hésitation, quand les liens du sang deviennent supérieur à ceux du coeur, alors les personnages gagnent en maturité et le récit devient plus dur et moins superficiel. Et le divertissement devient drame, dans un décor hivernal où les pulsions se taisent sous le poids d'un froid glacial, celui d'une famille éclatée en quatre solitudes fragiles.
De ce point de vue, l'épisode de Revenge est réussi, marquant un virage important pour amener une vraie intensité à dernier acte de la saison qui ressuscite le fantôme de David Clarke. Réussissant leur coup avec brio, les scénaristes corrigent efficacement le tir en ramenant Revenge dans la bonne direction, celle de la quête d'Emily qui se retrouve devant le dernier choix entre la passion ou la raison, le pardon ou la vengeance, l'espoir dans un lendemain ou la certitude d'une nuit éternelle.
Un récit moins maîtrisé, mais ambitieux
Si l'épisode possède les défauts d'une intrigue d'ajustement, ces qualités permettent de masquer les quelques petits arrangements que les auteurs se permettent de faire avec la réalité. En effet, ce saut dans le temps aura permis de ne pas avoir à faire face aux conséquences de certains actes de l'épisode précédent, le tout au profit d'une histoire globale qui demeure réellement captivante. Plus hésitante, la conclusion de l'épisode laisse pas mal d'espoir pour la suite, redonnant un objectif concret à une héroïne qui revient à sa mission première.
En conclusion, un épisode qui marque une rupture avec le précédent, un saut dans le temps qui va autoriser quelques ajustements dans le déroulement de l'épisode. Il en résulte un démarrage poussif avant que la série ne retrouve ses qualités habituelles, offrant un twist totalement inattendu qui met en avant les qualités de manipulatrice de son héroïne. Avec un final assez astucieux qui prouve le goût des auteurs pour les coups de théâtre, Revenge donne à son dernier acte des accents tragiques bien agréables.
J'aime :
- le twist concernant l'affaire Daniel Grayson
- l'intrigue toujours aussi prenante
- le scène où Daniel confronte Emily
- le passage du soap à la tragédie
Je n'aime pas :
- un récit moins maîtrisé que d'habitude
- un démarrage assez poussif
Note : 13 / 20
Si l'épisode se révèle particulièrement plaisant, le choix d'opérer un petit saut dans le temps pose problème et confirme les petites hésitations de l'équipe créative. Il reste malgré tout un épisode passionnant et réjouissant, mais un ton en dessous à cause d'un démarrage assez poussif.