Critique : The Newsroom 1.07

Le 10 août 2012 à 13:22  |  ~ 9 minutes de lecture
Noyé dans un final trop patriotique, un épisode moyen et qui confirme l'évolution inquiétante de la création d'Aaron Sorkin.
Par sephja

Critique : The Newsroom 1.07

~ 9 minutes de lecture
Noyé dans un final trop patriotique, un épisode moyen et qui confirme l'évolution inquiétante de la création d'Aaron Sorkin.
Par sephja

L'Amérique et sa fierté

 

Will Mc Avoy fête dans son appartement l'anniversaire de la première année de sa collaboration avec sa nouvelle équipe et consomme involontairement une forte quantité de cannabis. De son côté, Charlie reçoit un coup de fil mystérieux qui lui annonce qu'un mail de la Maison Blanche s'apprête à lui être adressé pour lui demander de retourner dans les bureaux de la rédaction. Une rumeur commence à enfler alors que le président des Etats-Unis s'apprête à annoncer la mort d'Oussama Ben Laden. 

 

Résumé de la critique 

Un épisode inégal que l'on peut détailler ainsi : 

  •  un récit en flux tendu pour une intrigue qui privilégie l'émotion 
  •  la relation particulière des personnages avec l'information 
  •  une intrigue qui éloigne la série de son concept de départ 
  •  un épisode de transition pauvre

 

 

Un instant d'unité nationale 

 

Après avoir beaucoup modifié la structure des épisodes en privilégiant des intrigues se déroulant sur plusieurs jours, Aaron Sorkin revient à une unité de temps avec un contexte bien particulier : celui de l'élimination de Ben Laden. Seulement l'intrigue ne va pas se concentrer sur la gestion de cette information et les conséquences de ce geste, mais plutôt la frénésie des journalistes face à une information qui va marquer un grand moment d'unité nationale. Un épisode plein de frénésie qui cherche à privilégier la reconstitution, un peu à la manière d'un film de Paul Greengrass, mais sans dépassionner l'histoire.  

L'enthousiasme et la fébrilité est donc palpable pendant que chacun essaye de deviner les raisons de cette intervention d'Obama, occasion de revenir sur les différences entre les membres de la rédaction. Entre les partisans d'une crise de politique intérieure, les tenants d'un complot et ceux qui ont la bonne inspiration, Sorkin montre la diversité des sensibilités entre ses personnages. La bonne excuse pour poursuivre en parallèle les différentes intrigues sentimentales avec un mélange entre la grande et les petites histoires que l'auteur affectionne toujours autant.

Pendant que Will et Mackenzie rejoignent les bureaux de New-York, Don, Sloan et Elliott sont coincés sur le tarmac de l'aéroport, incapable de sortir d'un avion qui attend qu'une voie de débarquement lui soit libérée. Une intrigue très théâtrale dans un espace confiné qui va s'avérer plus réjouissante que le reste, frustration d'un groupe de journalistes qui trépignent d'impatience, conscient que l'histoire s'écrit sans eux. Très bon, le trio Thomas Sadovski - David Harbour - Olivia Munn s'avère plutôt complémentaire, offrant des intermèdes comiques réussis à un épisode peu subtil.

Se retrouvant une ferveur patriotique, Aaron Sorkin aborde la mort de Ben Laden comme un évènement et non comme une information, privilégiant les réactions au détriment de la réflexion. La question n'est pas de songer aux conséquences de cette victoire symbolique, mais de célébrer une réussite symbolique sans aucun recul, ni remise en question. Un épisode débordant de bons sentiments qui va écraser un scénario qui se réduit vite à peu de choses, jouant la carte de la facilité au détriment de l'ambition.

 

L'information et ses conséquences

 

Avant de parler des défauts de l'épisode, je voulais évoquer une de ses qualités, à savoir les différentes façons dont les personnages de la série abordent l'information de la mort de Ben Laden. Pour la journaliste de la Maison Blanche, c'est un scoop qu'il faut divulguer sans attendre, refusant de tenir compte de la nécessité de recouper l'information de manière officielle, montrant une fascination présentée comme malsaine pour les réseaux sociaux. Un péril qu'Aaron Sorkin pointe fréquemment du doigt avec plus ou moins de finesse, donnant la sensation de se répéter sans réussir à convaincre. 

A l'opposé, Skinner montre un désir de ne pas éventer cette nouvelle, goûtant au plaisir de laisser l'histoire à ses responsables et de ne pas voler aux politiques ce moment qui appartient aux responsables, en bien comme en mal. Une vision moins moderne du métier de journaliste consistant à ne pas voler l'instant, à s'interdire de dérober une révélation qui intéresse l'intégralité du peuple américain. L'occasion de développer l'aspect plus patriotique du récit où Aaron Sorkin en fait des tonnes, nous offrant l'inévitable et balourde évocation des victimes des deux tours jumelles. 

Mon problème avec cette séquence n'a rien à voir avec une quelconque théorie du complot fumeuse, mais avec la manière dont le pathos vient envahir peu à peu l'épisode en le privant de tout enjeu. Si l'aspect documentaire est intéressant, il gagnerait à mettre cette nouvelle en relief, à garder l'équilibre entre l'envie d'exploiter l'émotion et la gestion froide et censée de l'information. Au final, l'épisode montre l'Amérique unie qui fête la mort de Ben Laden, laissant le goût amer d'une vengeance collective aussi vaine que cruelle.  

En effet, la séquence dans l'avion prend une tournure intéressante avec la révélation de cette information dans un lieu aussi symbolique qu'un avion en train de survoler New-York. Malheureusement, l'intrigue, qui fait dans un premier temps preuve d'une certaine ironie, cède devant les uniformes militaires à la même pulsion patriotique collective, basculant dans la célébration trop appuyée de la victoire de l'armée américaine. Et le décalage de temps entre le présent du spectateur et celui de la fiction devient fatal tant cette mission menée sur le domicile de Ben Laden est aujourd'hui objet à quelques controverses.

 

 

Un épisode de transition sans enjeu

 

En privilégiant l'élan de soulagement qui a gagné les Américains à la réflexion liée aux conséquences de la mort du chef symbolique d'Al-Qaïda, Aaron Sorkin oublie de nous offrir une vraie intrigue et abandonne toute idée d'enjeu. L'épisode n'a dès lors que peu de contenu et le seul suspense concerne le comportement à l'antenne de Will après l'ingestion durant sa fête de cannabis en forte quantité. Vaseux et peu concerné, le héros de The Newsroom se montre beaucoup moins critique que lors du pilot, cette victoire militaire réveillant en lui un esprit patriotique qu'il disait avoir pourtant perdu. 

Le show s'éloigne beaucoup de son concept de départ, l'intrigue ne reposant que sur deux points de l'intrigue : la gestion de l'information du jour et les problèmes sentimentaux du triangle Jim - Don - Maggie. Du point de vue des romances de bureau, l'épisode de cette semaine est moins insupportable, malgré le jeu toujours agaçant d'Alison Pill, avec un couple Lisa - Jim qui s'avère être plutôt intéressant. Seule à faire preuve de maturité, la colocataire de Maggie pousse son petit-ami à se poser la question concernant la nature de ses sentiments, l'obligeant à s'affirmer enfin et à faire un choix.

Un caractère qui manque clairement à la plupart des personnages, mais surtout à une série qui peine à donner une ligne claire concernant son ambition à l'approche de la fin de saison. De manière inquiétante, The Newsroom cumule les déceptions et sort l'astuce regrettable de l'informateur secret, grosse ficelle des histoires de journalisme qui laisse craindre le pire. Si lors du pilot, Will Mc Avoy s'interrogeait sur les USA qu'il refusait de considérer comme la plus grande des nations, cet épisode montre que la mort d'un homme, caché au Pakistan, aura suffit à redonner la foi à tout un peuple. 

Reste à savoir la foi en quoi... triste époque.

 

Métamorphose et évolution

 

Série enthousiasmante dans ses premiers épisodes, The Newsroom s'est épuisé peu à peu à corriger ses nombreuses défaillances, perdant lentement la foi dans sa propre viabilité. Le double épisode qui approche aura la lourde tâche de nous convaincre de l'intérêt de suivre une série qui aura reposé sur une déclaration d'intention forte, mais n'aura jamais su se doter d'une véritable âme. Bien écrit comme toujours, avec quelques fulgurances, la série semble un peu à bout de souffle, à l'exception d'une storyline de Don amusante, mais à la conclusion balourde et dégoulinante de patriotisme. 

En conclusion, un épisode qui confirme l'impression laissée par les précédents avec de nombreuses qualités, que ce soit le dialogue ou les performances de quelques comédiens. Malheureusement, l'absence d'intrigue à long terme et la présence étouffante des histoires romantiques qui tournent en rond confirment la crise créative traversée par un show qui peine à imposer son identité. Une évolution inquiétante qui justifie le choix d'Aaron Sorkin de licencier son pool de scénaristes, triste constat d'une série loin d'être à la hauteur espérée.

 

J'aime :

  •  le début de la scène dans l'avion
  •  certains personnages comme Don, Charlie et Lisa qui s'imposent
  •  les dialogues bien écrits

 

Je n'aime pas :

  •  l'absence d'enjeu  
  •  le final beaucoup trop patriotique 
  •  le couple Jim - Maggie
  •  beaucoup de lourdeurs  

 

Note : 11 / 20 

Un épisode assez décevant malgré un contexte fort qui cherche à accomplir un travail de reconstitution intéressant, mais aboutit à un récit assez plat et loin des ambitions du début de saison. Conscient des lacunes du show, Aaron Sorkin se laisse déborder par l'enthousiasme patriotique de l'évènement et produit un épisode sans enjeu, seulement sauvé par une séquence avec Don plutôt amusante.      

L'auteur

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