Pitch solitude
Un homme atteint d'amnésie provisoire se retrouve seul, perdu au milieu d'une ville fantôme, obsédé par l'idée que quelqu'un l'observe. Qui est-il ? Quel est ce monde étrange ? Qui sont ces personnes qui l'observent ?
Une série conceptuelle dans la mode de l'époque
En 1959, Rod Sterling (voir ci-dessus) lance la série The Twilight Zone, suite de petits épisodes indépendants de 22 minutes, tous fondés sur le concept de l'existence d'un monde imaginaire qui se substituerait au monde réel. Surfant sur la mode du très populaire "Alfred Hitchcock presents" et des magazines de nouvelles de science-fiction, Rod Sterling propose comme introduction une histoire clairement inspirée de "The last man on earth" de Richard Matheson.
Pour la réalisation, il fait appel à Robert Stevens, un réalisateur emblématique de "Alfred Hitchcock presente" dont l'efficacité et la précision font ici merveille. L'influence hitchcockienne de la mise en scène est présente partout, et un soin tout particulier se sent dans chaque cadrage, Stevens osant quelques plans réellement ambitieux avec tout le talent qu'on lui connaît.
Le récit se passant dans une ville fantôme, la série ne pouvait s'appuyer que sur deux aspects principaux : la réalisation, vraiment superbe et un acteur (Earl Holliman) vraiment formidable dans ce rôle exigeant et difficile dont il se sort à merveille.
Pour les néophytes, Earl Holliman connut une courte carrière au cinéma, en particulier dans des films de John Sturges (OK Corral par exemple). Il finit alors sa carrière à la télevision dans des rôles mineures.
Seul au monde
Difficile d'imaginer plus minimaliste que cette histoire : un homme seul dans une ville déserte perd lentement l'esprit aprés s'être convaincu que quelqu'un l'observe. L'ensemble pourrait être diablement ennuyeux, si la série n'utilisait pas au mieux chaque élement pour créer l'illusion d'une autre présence, à travers de nombreux détails savamment orchestrés. La ville redevient vivante par éclat (téléphone, cinéma) créant chez le héros un mélange d'espoir et de désespoir particulièrement fascinant.
La tension devient palpable, les longs plans contemplatifs laissent deviner une vie qui a été avant de de disparaître, tandis que le miroir devient la seule compagnie du héros.
La scène où il brise un miroir est une des grandes réussites du film, faisant lentement sombrer le héros dans une profonde crise de démence dont nous ne dévoilerons évidemment pas la conclusion.
Une musique sublime signée Bernard Herrman
Pour ceux qui l'ignorent, Bernard Herrmann est un compositeur américain réputé pour son caractère de cochon et ses bandes originales magnifiques (Citizen Kane, Vertigo et évidemment North By Northwest). Compositeur souvent associé à Alfred Hitchcock, il compose ici une musique absolument sublime qui exprime magnifiquement l'état d'esprit du héros. Mélange savant de cuivres et de cordes, cette composition est un pur régal, jouant subtilement sur des variations subtiles, digne du grand compositeur qu'était Bernard Herrmann.
Un épisode étonnant, mais finalement assez classique
Dans les années 60 régnait un maître absolu du cinéma du nom d'Alfred Hitchcock, et Rod Sterling choisit de se placer sous cette influence, inspiré par la forme plastique des films du génie anglais. Pourtant, son récit va lentement s'éloigner de cette paternité écrassante, donnant à la dernière partie de l'épisode une ambiance bien particulière, entre imaginaire et science-fiction.
Ce premier épisode pose clairement les bases du show en faisant preuve d'une grande ambition en matière de rigueur plastique et formelle. Une belle réussite.
J'ai aimé :
- le rendu visuel vraiment superbe.
- la musique absolument magnifique de Herrmann.
- Earl Holliman vraiment touchant dans un rôle difficile.
Je n'ai pas aimé :
- le timbre du narrateur en rupture totale avec l'ambiance de l'épisode.
Note: 16 / 20