Critique : The Twilight Zone 1.19

Le 03 septembre 2012 à 22:28  |  ~ 7 minutes de lecture
Rod Serling se penche sur le thème de la mort avec une réussite discutable malgré une bonne idée de départ.
Par sephja

Critique : The Twilight Zone 1.19

~ 7 minutes de lecture
Rod Serling se penche sur le thème de la mort avec une réussite discutable malgré une bonne idée de départ.
Par sephja

Voir la mort dans ses yeux

 

En pleine seconde guerre mondiale dans les îles du pacifique, le capitaine Riker se fait du souci pour Fitzgerald, un de ses gradés qui montre un comportement étrange et inhabituellement nerveux. Le lieutenant lui confesse alors l'existence d'une liste écrite de sa main, la veille, qui contient les noms des soldats morts le jour même. Il semble convaincu d'avoir aperçu une étrange lueur dans les yeux de ses soldats, symbole de la mort qui les attendait. 

 

the twilight zone 119-1 : deux soldats dans la guerre du pacifique

 

Une histoire très personnelle 

 

Après avoir exploité le thème de la solitude, Rod Serling marque un tournant dans la saison en s'intéressant au thème de la mort, déjà abordé dans l'épisode précédent par Richard Matheson. L'occasion de voir que malgré la nature indépendante de chaque épisode, The Twilight Zone suit une thématique qui donne une certaine cohérence à l'ensemble. Ce thème de la mort est très porteur et va pousser l'auteur à se remémorer son expérience de soldat durant la Seconde Guerre Mondiale, donnant un ton inhabituel à une histoire bien plus sombre que d'habitude. 

Convaincu de pouvoir voir la trace de la mort sur le visage de certains soldats, le lieutenant Fitgerald vit dans la peur de voir cette marque sur le visage de ses amis, et se sent indirectement responsable des tragédies qui touchent son unité. Ce rejet de la guerre n'est pas une nouveauté chez Serling, son écriture portant les stigmates de son propre passé de soldat, en particulier lors de la scène du blessé dans l'hôpital militaire. Un lieu particulier où la mort rôde toujours et prend presque une forme matérielle, et un endroit où l'auteur avait écrit ses premières histoires durant la seconde guerre mondiale.

Lorsque la mort devient une certitude, enlevant toute idée d'espoir, la question de savoir ce qui fait encore avancer un homme est au centre des interrogations de l'auteur. Seulement, Rod Serling échoue à donner l'ampleur espérée à une histoire certes troublante, mais qui se heurte aux limites d'un format trop minimaliste, empêchant de générer le moindre suspense autour de la destinée du Capitaine Ryker. C'est finalement par le choix du personnage principal que la série commet une erreur, se focalisant sur Fitzgerald alors que celui-ci occupe un poste de témoin passif, loin du lieu où le drame se noue. 

C'est cette passivité du héros qui nuit à cette intrigue à la force autobiographique indéniable, mais qui manque du twist habituel qui donne sa saveur à la série. Privé de morale, l'épisode est une dénonciation de l'absurdité de la guerre, signé par un ancien soldat qui pose la question du silence de Dieu sur le champ de bataille. Si la mort est écrite, si le doigt du destin condamne les hommes quelque soit leur valeur, alors le courage n'est plus une vertu, ne laissant comme choix que celui de se résigner à un univers écrit à l'avance.

 

the twilight zone 119-3 : Riker et Fitzgerald s'affrontent

 

Un scénario difficile à traiter

 

Si le premier thème de la solitude était idéal pour le format de la série, celui de la mort paraît un peu moins adapté, obligeant la série à sortir du cadre minimaliste qu'elle s'est imposée. En effet, la guerre, que ce soit dans les airs avec l'épisode précédent ou sur terre ici, nécessite un effort de reconstitution dont la série n'est financièrement pas capable, limitant les scénarios à tenir le héros à l'écart des combats. Si le précédent héros de The Twilight Zone fuyait la mort au point de sortir de son espace-temps, celui-ci fait l'expérience de la fatalité, perdant totalement le contrôle de son destin. 

Trop sombre, trop personnelle, cette histoire ne se plie pas vraiment au format du show, racontant une réalité de la guerre, celle de la peur de la mort qui accompagne chaque soldat. L'absence de twist final est d'ailleurs la preuve du pessimisme d'un récit qui ne parvient pas à poser le concept d'une histoire qui n'aboutit finalement à rien du tout. En effet, les révélations de Fitzgerald à son supérieur concernant son talent sont assez stériles, servant juste à exposer le cauchemar que représente le fait de vivre avec la conscience de l'omniprésence de la mort. 

Dans une histoire, si personne ne sait qui va mourir, alors l'épisode est un divertissement reposant sur ce suspense où la recherche de la future victime s'apparente à un jeu. Au contraire, si le nom du mort est déjà connu alors l'épisode est un drame qui joue sur la tentative du scénariste de donner du sens à la destinée de cette victime. Seulement, malgré toute la conviction du jeu de William Reynolds, l'épisode ne nous entraine ici dans aucune direction précise, se reposant uniquement sur un pitch de départ qui ne connait pas la moindre évolution par la suite.

Une difficulté que le cinéaste Richard L. Bare ne va pas être capable de dépasser, donnant un résultat trop sage qui ne permet pas de s'immerger vraiment dans l'histoire. Surtout que cette intrigue commence en plein milieu, privant le spectateur de cette étape où le héros fait l'expérience de l'étrange, point de départ habituel d'un épisode de The Twilight Zone. Un manque qui handicape le premier acte et donne la sensation d'une histoire incomplète, limitant la force par la suite du récit de Rod Serling. 

 

the twilight zone 119-2 : visite à l'hôpital

 

Un message fort pour un épisode inégal 

 

Si la mise en scène peine à mettre en valeur cette intrigue à la progression bancale, les acteurs se montrent heureusement beaucoup plus convaincants, en particulier Dick York dans un rôle du meilleur ami de Fitzgerald. Impeccable de calme et de compassion, c'est lui qui donne sa crédibilité à cette histoire par son réalisme, refusant la fatalité sans renier la réalité de la mort. Une performance remarquable qui donne une vraie force dramatique à la scène où il laisse son alliance derrière lui, instant étrange où il accepte son destin avec comme seule idée de se battre du mieux qu'il peut. 

Le bataillon est trop grand pour faire vraiment exister tous ces personnages en seulement vingt-deux minutes, laissant la sensation d'une intrigue impossible réduite à une durée beaucoup trop courte. Même si le concept de la série est assez limpide, les ambitions dépassent par instant le cadre du show. Evidemment, on comprend aisément que Rod Serling ait voulu malgré ses défauts imposer cette histoire qui lui tenait particulièrement à coeur par le regard critique qu'elle porte sur la guerre.

L'image du soldat qui prend son destin en main et repousse la mort par son seul courage et sa détermination est une idée certes romanesque, mais qui n'a que peu à voir avec la réalité. Perdant tout espoir devant la mécanique aléatoire de la grande faucheuse, Fitzgerald finit par abandonner une bataille qui a perdu tout son sens. Il comprend alors que la mort choisit ses cibles sans aucune considération pour la valeur du soldat en question, ni avec l'idée de bien ou de mal. 

 

J'aime : 

  •  le pitch de départ très fort 
  •  un récit personnel d'une grande noirceur 
  •  le casting impeccable, en particulier Dick York 

 

Je n'aime pas : 

  •  le format mal adapté à une histoire aussi complexe 
  •  l'absence de progression du scénario 
  •  un final un peu trop désabusé 

 

Note : 12 / 20 

Rod Serling, porté par ses propres souvenirs de la seconde guerre mondiale, propose une histoire sur la guerre ambitieuse et particulièrement sombre. Malheureusement, les vingt-deux minutes ne suffisent pas à tirer tout le potentiel de son idée de départ, donnant un épisode assez stérile, incapable de dépasser un pitch de départ pourtant ambitieux. 

L'auteur

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