Critique : The Twilight Zone 1.18

Le 19 août 2012 à 13:27  |  ~ 8 minutes de lecture
Un épisode très intéressant signé Richard Matheson qui voit un pilote perdre brutalement le sens de l'orientation en pleine première guerre mondiale.
Par sephja

Critique : The Twilight Zone 1.18

~ 8 minutes de lecture
Un épisode très intéressant signé Richard Matheson qui voit un pilote perdre brutalement le sens de l'orientation en pleine première guerre mondiale.
Par sephja

Sur la terre comme au ciel 

 

Pilote de l'aviation anglaise durant la première guerre mondiale, Thomas Decker se perd durant un combat au-dessus de la France en 1917 et atterrit sur la base Lafayette. Aussitôt, les autorités militaires représentés par le major Georges Harper expliquent au soldat que quarante années se sont écoulées depuis son décollage. Méfiant devant l'absurdité de son histoire, ils le suspectent de vouloir attenter à la vie du général Mc Kaye qui s'apprête à arriver sur la base le jour même. 

 

the twilight zone 118 : l'arrivée de Thmoas Decker 40 ans dans le futur

 

L'entrecelas formé par les lignes du temps 

 

Pour cet épisode de The Twilight Zone, Rod Serling laisse la place à l'écriture à l'écrivain Richard Matheson qui nous offre là un scénario très intéressant et à la construction remarquable. Au centre de cette histoire, Thomas Decker, un pilote anglais qui s'est perdu durant son vol à la recherche de l'ennemi allemand et qui atterrit par accident en 1954, sur une base navale américaine. Le scénario va alors se construire autour de ce paradoxe intéressant et servir de base à ce huis-clos où deux réalités vont rentrer en contact et révéler des incohérences troublantes. 

Pour cela, l'épisode va utiliser une structure bien détaillée, très bien mise en valeur par la réalisation de William F. Claxton qui prend le temps d'exposer l'intrigue sans griller aucune étape. La première partie va se centrer sur la réaction du héros, le scénario ayant la bonne idée de limiter le contexte au minimum nécessaire, le laissant découvrir seul les causes de son déplacement dans le futur. Totalement déphasé, le pilote anglais cherche quelque chose auquel se rattacher, un point fixe qui permette de relier sa réalité et celle de ses interrogateurs. 

Cet élément qui permet de connecter la situation de départ en 1917 et la nouvelle en 1954 va être au coeur de la seconde partie, avec l'annonce de l'arrivée sur les lieux d'un de ses camarades qu'il vient de voir mourir au combat. Richard Matheson choisit intelligemment de délaisser toute explication scientifique en privilégiant le seul point de vue du héros, offrant ainsi une scène confession vraiment réussie. Cette façon de donner du sens à l'impossible par le biais d'un argument simple et existentiel est la petite touche de talent qui fait la différence, offrant un final malin et efficace qui clôt l'ensemble de belle manière.

Même si le climax manque un peu d'énergie et que le twist final se limite à une simple constatation, Richard Matheson nous propose une intrigue bien pensée, l'histoire d'un homme qui prend conscience au dernier moment de la nature de sa destinée. Souvent copié, comme par exemple dans la saison un de Torchwood, cet épisode est étonnant par sa simplicité et son efficacité, poursuivant ce désir de Serling de concevoir ses intrigues autour d'un concept fort et d'un minimum de moyens.   

 

Decker devant les soldats américains

 

J'adore les voyages temporels  

 

Dans ma critique de Warehouse 13 de l'épisode 402, j'avais souligné combien je n'étais pas un grand fan des voyages dans le temps dans les histoires de science-fiction. Je profite donc de cet épisode pour me contredire tant Richard Matheson se montre réellement adroit pour dépasser le cadre du contexte de départ et fournir une histoire cohérente malgré tout. Ici, le voyage dans le temps n'est qu'une anecdote, un moyen pour faire prendre conscience au héros de sa vraie nature, un incident qui peut même être vu comme un rêve pur et simple. 

Un point fort de cet épisode est que ce déplacement temporel n'est justement jamais montré de manière explicite, laissant la liberté aux spectateurs d'interpréter cette histoire de différentes manières. Au lieu de proposer des dialogues pour mettre en évidence la différence entre les deux époques, les auteurs choisissent un référentiel idéal avec l'avion, l'aéronautique ayant fait de nombreux progrès entre la première et la seconde guerre mondiale. Le décalage temporel est donc évident dès l'atterrissage et se retrouve dans les costumes et le comportement décalé de Kenneth Haigh, très bon dans un rôle principal difficile à tenir. 

Plus que l'histoire d'un paradoxe temporel, Richard Matheson nous parle comme souvent de la destinée et de la mort, où le seul fait pour le héros d'échapper à son destin funeste le transforme en damné. En se focalisant sur la prise de conscience du héros et de sa situation singulière, l'équipe créative construit ce qui sera par la suite la matrice de base d'un épisode de "The Twilight Zone". L'histoire d'un homme seul qui se retrouve pris au piège d'une impossibilité et qui n'a plus qu'à chercher le prix à payer pour sa rédemption. 

Parce que les défunts ne peuvent pas témoigner des derniers instants de l'existence, la mort est ce grand mystère qui fascine l'humanité depuis toujours, cette dernière étincelle avant le plongeon dans le néant. Un domaine où Rod Serling nous entraine, révélant la singularité de la destinée ironique de Terrence Decker, un homme qui aura passé sa vie à fuir la mort pour se jeter brutalement dans ses bras. Un trouillard, un froussard qui s'est tellement échappé toute sa vie qu'il a finit par sortir du cadre même de la réalité, to the Twilight Zone.

 

the twilight zone 118 : decker prend conscience de sa situation

 

Une réalisation particulièrement maligne 

 

La difficulté dans un tel huis-clos consiste à éviter la monotonie en proposant des changements de cadre qui séparent les parties anecdotiques des instants décisifs où l'intrigue se noue. Une gestion du cadre particulièrement soignée par William Claxton et permet de suivre le cheminement de la réflexion du héros de l'incompréhension initiale jusqu'à l'épiphanie finale. L'utilisation subtile des gros plans est un mécanisme efficace qui vient souligner les moments de lucidité et permet au spectateur de suivre le cheminement du personnage principal.

Certes, ce face-à-face improbable entre deux époques a clairement pris un petit coup de vieux, mais il le doit avant tout à un budget restreint, Rod Serling ayant choisi de privilégier un format le plus minimaliste possible. Le huis-clos s'impose donc logiquement comme le format idéal pour ce show et permet de concentrer le récit sur son seul personnage principal, évitant ainsi les contextes inutilement compliqués. Un choix artistique qui appuie beaucoup sur le sentiment de solitude du héros, seul face à une caméra qui ne le lâche pas jusqu'à l'épilogue pour une série qui n'envisage le destin qu'au singulier. 

La porte de la "Twilight Zone" est une barrière que l'on franchit en totale inconscience, avant de se retrouver piégé de l'autre côté dans un univers qui nous est incompatible. L'homme est alors dans une solitude totale, perdu dans un monde qui n'est pas le sien, point de départ de l'intrigue qui permet de relier l'oeuvre de Richard Matheson et celle de Rod Serling. Des histoires qui s'amusent à transgresser les frontières de notre perception, obligeant le héros à révéler sa véritable nature et à se remettre profondément en question.

Dernier détail concernant cet épisode, la bande musicale signée pour la deuxième fois par Bernard Herrmann est réellement réussie, aidant à installer une atmosphère étrange assez oppressante. Un travail indispensable, surtout pour un show aussi minimaliste par la forme, théâtre étrange où le surnaturel a toutes les apparences de la normalité.

 

J'aime :

  •  le scénario très ingénieux signé richard Matheson
  •  la mise en scène soignée de ce huis-clos
  •  le casting convaincant 

 

Je n'aime pas :

  •  un manque de moyen assez perceptible   
  •  l'absence d'un vrai climax digne de ce nom 

 

Note : 13 / 20

En travaillant directement avec Richard Matheson, The Twilight Zone nous offre un épisode particulièrement réussi qui sera fréquemment copié par la suite. Une histoire de voyage dans le temps très bien exécutée, celle d'une série minimaliste qui se plait à dresser le portrait de ceux qui fuient leur destinée, mais finissent toujours par se faire rattraper. 

L'auteur

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