Critique : The Twilight Zone 1.17

Le 27 juillet 2012 à 15:46  |  ~ 9 minutes de lecture
Un épisode assez décevant malgré un pitch de départ intéressant, mais très mal exploité.
Par sephja

Critique : The Twilight Zone 1.17

~ 9 minutes de lecture
Un épisode assez décevant malgré un pitch de départ intéressant, mais très mal exploité.
Par sephja

La fièvre du jeu

 

Monsieur et Madame Gibbs sont un couple d'américains moyens, plutôt austères, qui ont gagné un voyage tout frais payé à un casino de Las Vegas. Peu enthousiaste à l'idée de ce voyage, le mari montre un dégoût pour l'univers amoral du jeu, jusqu'à ce qu'un homme éméché lui offre une pièce pour jouer à un bandit manchot. Il gagne alors une dizaine de dollars et commence à ressentir un lien particulier se créer entre lui et la machine.

 

Résumé de la critique

Un épisode moyen que l'on peut détailler ainsi :

  •  une intrigue en trois actes mal équilibrée
  •  un personnage principal intéressant, mais mal exploité
  •  le thème de la solitude chez Serling
  •  un épisode qui joue la carte de la facilité

 

 

La répulsion, l'obsession et l'autodestruction

 

Ces trois étapes vont constituer l'ossature de cet épisode de The Twilight Zone, histoire d'un homme détruit par une passion inassouvie pour le jeu que son apparence austère ne laissait pas paraître. Homme peu jovial et rigoureux, Franklin est un texan d'Elgin dont le journal organisait un concours que son épouse a remporté pour remporter un voyage à Vegas. Seulement, si le couple est censé être en vacances, il ne peut s'empêcher d'exprimer son mépris devant le spectacle pathétique de l'addiction.

Il faudra une pièce offerte par un inconnu pourtant pour changer son regard, surtout qu'il gagne une petite somme, devenant l'élu au milieu d'une foule de perdants anonymes. Un statut particulier qui va le hanter dans sa chambre d'hôtel, faisant naître un début d'obsession pour cette machine et ce jackpot au montant extravagant qui pourrait être le sien. Le dégoût se meut lentement en convoitise tandis qu'il s'imagine les milliers de dollars qu'il pourrait gagner uniquement en rejouant son gain du jour.

Si la première portion est intéressante, Robert Florey se montre beaucoup trop sage dans sa réalisation, se concentrant un peu trop vite sur le couple formé par cette machine à sous et le héros. Maladroit, ce premier acte cherche à poser un décor très minimaliste, n'exploitant pas le parcours de l'argent comme Scorsese le fera dans l'ouverture de Casino. Tout est un peu trop prévisible et le reste du film va souffrir de cette scène d'exposition assez pauvre, en particulier la séquence dans la chambre où le personnage croit entendre la machine à sous qui l'appelle.

Si l'effet sonore est ingénieux au premier abord, il va s'avérer dans le dernier acte particulièrement maladroit, le seul bruit des pièces tombant dans la gouttière aurait pleinement suffit à marquer son obsession. Seul dans sa chambre, Franklin rumine et laisse apparaître les défauts qui vont empêcher le dernier acte de fonctionner, à savoir le peu d'intérêt donné à sa relation avec son épouse. En se reposant sur un seul personnage sans background, Rod Serling ne parvient pas à marquer clairement le passage de la raison à la folie, cet instant dans la chambre où Franklin perd brutalement le contrôle.

La perte de conscience finale, le moment où la machine terrasse l'homme, réduisant son identité à sa seule obsession, ne fonctionne pas et donne un ensemble assez décevant. L'histoire d'un homme qui voulait changer sa destinée, en appelant à Dieu par le biais du hasard pour lui prouver sa supériorité sur le troupeau des perdants. Une idée ingénieuse présente dans le scénario, mais mal mis en valeur dans un épisode assez faible, à l'exception d'une dernière image vraiment ingénieuse. 

 

La morale d'un anonyme contre la vanité du héros

 

Dans son scénario, Rod Serling parle des deux conceptions qui existent dans l'esprit humain concernant la destinée : ceux qui vivent cachés dans la foule et ceux qui choisissent de se donner en spectacle. A la manière de la fourmi de La Fontaine, les premiers sont des hommes qui privilégient la morale, celle d'une vie guidée par la certitude que la moindre provocation envers Dieu entrainera un châtiment brutal et irréversible. Les seconds sont les cigales, ceux qui tentent leur chance pour un instant éphémère de grâce, montrant une insolence surprenante en montrant la foi dans leur chance personnelle.

Franklin Gibbs appartient à la première catégorie, convaincu de la nécessité de ne pas jouer, tant la vacuité et le ridicule d'une telle activité semble évident. Seulement, contrairement à sa femme qui voit dans le casino un simple moyen d'amusement, le héros joué par Everett Sloane y voit quelque chose de plus, un signe du destin à son égard. Comme toujours dans les jeux de hasard, il pense uniquement à ses gains minimes et perd lentement de vue l'ampleur de ses pertes.

Pris par la spirale de l'addiction, l'homme perd l'esprit dans le dernier acte en tentant par la répétition d'une expérience de comprendre la logique qui permettrait de contrôler la chance. Si celle-ci sourit au débutant, elle devrait aussi reconnaître ceux qui ont fournit des efforts et tout sacrifié pour elle, répétant encore et encore le sacrifice de ses dollars pour une victoire qui ne vient pas. L'épisode raconte alors une autodestruction, celle d'un homme qui cherche à retrouver ce sentiment qu'il a connu après sa première victoire, cherchant à retrouver ce sentiment de satisfaction qui accompagne une victoire.

C'est sur ce point que l'épisode déçoit, avec un dernier acte trop long qui n'exploite pas assez le personnage de l'épouse réduite à un rôle mineur, témoin passif de l'autodestruction de son époux. En optant pour un format le plus minimaliste possible, Rod Serling oublie de donner du sens à la volonté de cette femme de venir à Vegas, réduisant le final à un face-à-face décevant entre l'homme et la machine. Le final apparaît alors comme une pirouette grotesque et très maladroite, fausse note qui ruine une bonne part du potentiel de départ de l'épisode, optant pour une solution de facilité regrettable. 

 

 

L'homme seul contre le mécanisme du destin

 

Thème récurrent chez Serling, la solitude est abordée sous un angle nouveau, Franklin faisant le choix seul de s'enfermer dans une bulle face à cette machine. Brutalement, plus rien n'existe alentour et l'argent perd sa valeur, devenant autant de chances de pouvoir gagner un Jackpot qui le nargue intensément. Cette dématérialisation de la monnaie est un élément important de l'addiction, expliquant pourquoi les grands casinos utilisent des jetons à la place des pièces et billets, essayant de troubler le lien entre l'argent virtuel et l'argent réel.

La notion du temps devient floue pour Franklin, créant une bulle où il réside seule face à sa propre avidité, cherchant à percer le mystère caché derrière le hasard. Le héros se met alors à perdre de manière encore plus frénétique, refusant que les autres se placent entre lui et l'objet de sa convoitise, certain que son moment de gloire est bientôt arrivée. L'isolement qui touche le héros est alors le fruit de sa propre volonté, se coupant d'une réalité devenue insupportable tant la honte qu'il éprouve envers lui-même lui semble insupportable.

Celui qui jugeait les autres en début d'épisode est devenu l'un d'entre eux, comprenant trop tard combien l'addiction est un phénomène rapide et brutal qui peut briser même le plus austère des hommes. Mais le mal n'est pas dans la machine, comme le souligne avec ironie la fin, mais dans la frustration refoulée qui s'exprime dans chaque tentative du héros pour gagner le gros lot, finissant par en casser les rouleaux. Le héros se retrouve alors seul, détruit, un point où les scénaristes font le mauvais choix en privilégiant une fin définitive, loin des habitudes de la série.

 

Un peu trop évident et sans enjeu

 

Pourtant, avec une thématique intéressante, cet épisode s'avère être assez médiocre, la faute à un premier acte sacrifié au profit d'un dernier tiers décevant et prévisible. Mal structurée, cette descente en enfer se termine de manière assez grotesque avec un personnage féminin assez agaçant de passivité et des choix de mise en scène discutables. Malgré tout, l'épisode montre l'évolution progressive du show de Rod Serling et de son thème de départ concernant la solitude, offrant un dernier plan ironique et amusant, idée ingénieuse trop tardivement mise en avant.

En conclusion, un épisode très moyen, l'un des plus faibles du show, qui souffre d'un premier acte peu soigné qui limite le récit à un face-à-face entre l'homme et son addiction. Si l'acteur principal s'avère convaincant, la mise en scène fait plusieurs mauvais choix regrettables qui donnent à l'épisode un côté kitch et daté particulièrement regrettable. Seul le dernier plan, modèle d'ironie plutôt amusant, rappelle combien The Twilight Zone est la série la plus à même de montrer le sens de l'humour cynique du destin.

 

J'aime :

  •  le scénario de Rod Serling
  •  le comédien principal
  •  la dernière image

 

Je n'aime pas :

  •  la scène où Franklin bascule dans la folie
  •  le premier acte et le second acte bâclé
  •  le personnage féminin mal employée

 

Note : 11 / 20

Si le thème de départ et le scénario de Rod Serling possède de nombreuses qualités, la mise en image peine à convaincre et s'avère assez désastreuse dans le final. Les deux premiers actes manquent de contenu et ne permettent pas d'exploiter pleinement le potentiel de départ.

L'auteur

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