Critique : The Twilight Zone 1.07

Le 06 septembre 2011 à 13:21  |  ~ 7 minutes de lecture
Un prisonnier est envoyé sur une astéroïde à des années-lumières de la Terre pour vivre dans la solitude d'un immense désert.
Par sephja

Critique : The Twilight Zone 1.07

~ 7 minutes de lecture
Un prisonnier est envoyé sur une astéroïde à des années-lumières de la Terre pour vivre dans la solitude d'un immense désert.
Par sephja

Nul homme est une île 

Condamné pour homicide, James A. Corey a été condamné à l'exil sur un astéroïde totalement vide, doté d'une atmosphère respirable, où il s'occupe en reconstituant une voiture pièce par pièce. Souffrant de l'isolement, il a pour seule compagnie que le vaisseau qui sert à le ravitailler et qui passe tous les trois mois. Seulement, avant de partir, les livreurs lui laissent un jour un cadeau particulier : un androïde humain censé être la copie conforme d'une femme. 

 

Résumé de la critique  

Un épisode désuet, mais aussi troublant que l'on peut détailler comme suit : 

  •  une histoire très profonde qui défend la théorie de l'homme comme animal social 
  •  un récit assez troublant doté d'un décor fascinant  
  •  un pitch de départ un peu désuet qui manque de ressort 
  •  un épisode sur le couple comme une abstraction 

 

 

Un homme seul n'existe pas 

Les plus cartésiens des lecteurs vont s'offusquer contre ce titre, mais il s'agit bien ici du thème évoqué par Rod Sterling dans une nouvelle histoire sur l'isolement et la folie qu'il engendre. Pour mettre en image l'histoire d'un homme qui se bat contre la solitude de toutes ses forces, il s'adjoint le talentueux réalisateur Jack Smight, célèbre pour avoir réalisé la bataille de Midway et par ailleurs auteur de trois épisodes pour la série. Par une mise en scène très proche de son personnage principal, Smight crée un sentiment d'étouffement et d'oppression malgré les immenses paysages désertiques dans lesquels se déroulent l'action. 

James Corey refuse d'être seul et s'occupe du mieux qu'il peut pour échapper à cette peine cruelle à laquelle il a été condamné, essayant de recréer des traces de civilisation dans un monde vide. Essayant à tout prix de maintenir le contact, il va transformer ce robot sans vie en le dotant d'une âme par la seule force de son imagination et de son désespoir. Pour interpréter ce prisonnier, les auteurs ont l'excellente idée de faire appel au grand Jack Warden qui participera à un second épisode de la série avant de se faire connaître en jouant un des douze hommes en colère de Sydney Lumet. 

Proposant une interprétation très théâtrale, Warden repousse d'abord ce robot, essayant ainsi de garder à l'esprit la différence entre l'animé et l'inerte, entre le vivant et la machine. Vide de toute âme, cette créature n'est qu'un ersatz de vie, mais son besoin de compagnie va troubler sa notion de la réalité, jusqu'à faire naître une complicité entre lui et cet créature qui devient la projection de son fantasme.

 

Un récit troublant et particulier

Dans le rôle de la machine, Jean Marsh (connu pour son rôle de méchante reine dans Willow entre autres) propose une composition particulière et plutôt troublante, celle d'un personnage presque Bressonien, avec ce décalage typique du jeu des comédiens de l'immense cinéaste français. Très crédible, elle parvient avec le minimum d'effet à camper une machine acceptable, surtout à notre époque où la réalité tend lentement à rattraper la fiction avec la première comédienne cybernétique japonaise dont le jeu rejoint étrangement celui de l'actrice.

Mais plus troublant encore, ce décor incroyable de poussières et de cendres, un désert plat et sec avec une profondeur de champ remarquable. Dans ce lieu lunaire, James Corey parait totalement isolé, la réalisation appuyant par le décalage entre le sentiment de solitude du héros et les grands espaces qui l'entourent. Pourtant, le héros ne paraît jamais seul, son imaginaire se chargeant de recréer seul la compagnie qui permet d'assouvir son besoin d'humanité. Une intrigue assez optimiste, qui prouve que l'homme reste un animal social, même dans les situations les plus extrêmes.

 

 

Un épisode d'ambiance pauvre en contenu 

Typique de la science-fiction de Sterling, ce volet de The Twilight Zone se projette dans l'imaginaire pour nous parler du couple et de la façon dont chacun fait de l'autre l'incarnation d'un certain fantasme. Première étape de la construction d'une relation, elle représente la phase romantique et dure jusqu'au retour à la réalité, lorsque le rêve s'efface pour laisser sa place au quotidien. Seulement, avec cette machine, cette phase de projection devient infinie, faisant d'elle la partenaire idéale, incarnation d'un romantisme très naïf. 

Seulement, l'épisode ne parvient à pousser l'idée plus loin, craignant sûrement que cette intrigue ne passe pour une forme de conte machiste qu'il n'est pas. Avec une mise en scène très théâtrale, l'épisode s'achève sur une pirouette finale qui manque de courage, preuve que Rod Sterling n'ose pas encore faire le choix d'une certaine noirceur. Loin d'avoir la signification qu'elle aurait dû avoir, la chute rate une bonne occasion d'opter pour une solution plus choquante, laissant à l'épisode un goût d'inachevé.

Mais le plus compliqué vient surtout du fait que cette histoire a beaucoup vieilli et peut paraître terriblement désuète à certains points de vue malgré la qualité des comédiens et de la mise en scène. 

 

Un récit à l'opposé du pilote

Toujours obsédé par la solitude et le silence, Rod Sterling compose une histoire étonnante, celle d'un homme qui n'est finalement jamais seul, malgré le décor totalement vide qui l'encercle. Une histoire de couple qui prouve une évolution dans la démarche de Sterling, essayant de se poser la question sur ce qui fait de l'homme un animal social. Arrivé au bout de son premier cycle, The Twilight Zone montre l'acharnement d'un homme qui cherche à conserver la mémoire de son humanité. 

En conclusion, un épisode assez réussi, mais qui ne tire pas totalement profit de l'intégralité de son univers, délaissant la culpabilité au profit d'un humanisme naïf sans ambigüité. En conclusion, un court métrage intéressant qui vaut pour la qualité des comédiens et un univers visuel étonnant, sorte de huit clos dans un espace infini. Malgré son caractère désuet et un final un peu frileux, l'épisode montre une fois de plus un soin extrême, essayant de donner un maximum de crédibilité à cette histoire pas suffisamment exploitée. 

 

J'aime : 

  •  les comédiens excellents 
  •  la mise en scène de Jack Smight 
  •  le récit assez touchant qui évite le piège du machisme 
  •  un étude intéressante sur la relation de couple 

 

Je n'aime pas : 

  •  le pitch de départ qui prête à sourire 
  •  le final qui manque de courage 
  •  l'aspect culpabilité un peu trop vite esquivé 

 

Note : 13 / 20 

Un bon épisode sur le thème du couple et la peur de la solitude qui doit beaucoup au talent étonnant de Jean Marsh et Jack Warden. Un épisode d'ambiance dans un univers étouffant s'étendant à perte de vue, superbe paradoxe parfaitement mis en image par Jack Smight.

L'auteur

Commentaires

Avatar Puck
Puck
Je me le rappelle bien celui-là. C'est étrange, car les épisodes se contredisent les uns les autres, et c'est quand même souvent "l'enfer, c'est les autres". Je pense en particulier à cet épisode avec ce misanthrope myope qui n'aime rien tant que lire et se retrouve seul sur Terre. Et sinon, celui-là me fait penser à plusieurs chapitres des chroniques martiennes, de Ray Bradbury. Je ne sais pas si tu les as lues, mais il y a notamment ce chapitre avec un homme seul sur mars, chez qui le téléphone sonne soudain, et qui rejoint la dernière femme... Mais ça ne prend pas le même cours que The Twilight Zone.

Avatar sephja
sephja
j'ai lu les chroniques martiennes et l'épisode auquel tu fais référence et je suis d'accord pour le parallèle. Je trouve que Rod Serling est plus humain que Bradbury. Je ne pense que les épisodes se contredisent car Serling essaie plutôt d'envisager tous les rapports possibles à la solitude (imposé, volontaire, égocentrique, fataliste) . Serling voit la solitude comme HG Wells à mes yeux (avis personnel, car je trouve ton parallèle avec Bradbury excellent, je n'y avais pas pensé) en écho à l'homme invisible, l'île du docteur moreau ou la seconde partie de la guerre des mondes. Merci beaucoup pour ton commentaire et pardon pour le côté approximatif de cette critique.

Avatar Puck
Puck
Hein ? Mais non, ne t'excuse pas. C'était pour papoter, parce que justement, quand je t'ai lu, ça m'a évoqué des souvenirs de lecture. Mais ta critique n'est pas du tout approximative.

Avatar sephja
sephja
pas de problème. :)

Derniers articles sur la saison

Critique : The Twilight Zone 1.20

Un épisode visuellement marquant dans son premier tiers, mais qui repose au final sur un twist beaucoup trop bancal.

Critique : The Twilight Zone 1.19

Rod Serling se penche sur le thème de la mort avec une réussite discutable malgré une bonne idée de départ.

Critique : The Twilight Zone 1.18

Un épisode très intéressant signé Richard Matheson qui voit un pilote perdre brutalement le sens de l'orientation en pleine première guerre mondiale.