Critique : The Twilight Zone 1.08

Le 18 septembre 2011 à 01:48  |  ~ 7 minutes de lecture
Un épisode qui marque l'apparition de conclusions à la fois sombres et comiques qui deviendront la marque de fabrique de la série.
Par sephja

Critique : The Twilight Zone 1.08

~ 7 minutes de lecture
Un épisode qui marque l'apparition de conclusions à la fois sombres et comiques qui deviendront la marque de fabrique de la série.
Par sephja

La destinée est un monstre cynique et cruel

Henry Bemis est un guichetier peu consciencieux, souvent absorbé dans des romans qu'il dévore à longueur de journée en s'enfermant dans le coffre de la banque. Interdit de lecture à la maison par son épouse acariâtre, il use de subterfuges particulièrement tordus pour pouvoir continuer à lire en toutes circonstances. Jusqu'au jour où, sortant du coffre dans lequel il s'était enfermé pour lire, il se retrouve dans un monde réduit à néant par la bombe atomique. 

 

Résumé de la critique

Un épisode décisif dans l'univers du show que l'on peut détailler ainsi : 

  •  entre tragédie et comédie, une histoire de science-fiction à la Fredric Brown signée Marylin Venable
  •  Burgess Meredith, un acteur sachant jouer dans tous les registres 
  •  un visuel surprenant signé de l'excellent John Brahm
  •  une conclusion qui deviendra une marque de fabrique

 

 

Une adaptation brillante entre cauchemar et comédie

Henry Bemis est un amoureux des livres, un drogué des mots et des phrases qui consomme articles et romans à la chaîne, malgré les tentatives de son épouse pour l'en priver. A partir de ce point de départ anodin, Marylin Venable va construire une histoire courte entre Ray Bradbury et Fredric Brown, entre le tragique des évènements et un ton décalé humoristique particulièrement efficace. Enfermé dans un coffre pour pouvoir lire tranquille, Henry Bemis se retrouve le dernier survivant d'un monde pour lequel il n'avait finalement que peu d'attaches.

Car une fois le monde fini, la civilisation détruite, le temps s'arrête et permet enfin de profiter pleinement de cette littérature qu'il adore, dernier vestige d'une humanité réduite à un seul homme. Fable sur la passion et son caractère purement égoïste, cet épisode nous raconte la destinée d'un homme qui va vivre cette solitude comme une bénédiction, débarrassé d'un univers dans lequel il ne parvenait pas à s'intégrer. Offrant une nouvelle variation sur le thème de la solitude, Rod Serling l'aborde avec un sens aigu du second degré, entre fantastique et humour.

En se concentrant sur le récit d'un homme coupé du reste du monde, The Twilight Zone pose pour la première fois son concept singulier en focalisant son récit sur un personnage particulier. Associer l'universel et le singulier, voici la tâche que propose cet épisode remarquable qui va marquer une étape décisive dans la popularité de la série, mêlant exigence artistique et simplicité d'un trame digne des romans pulps de science-fiction de l'époque. 

 

Burgess Meredith, un acteur remarquable

Caché derrière ces lunettes à double foyer, Henry Bemis occupe une place centrale, sa vie se centrant essentiellement sur un passe-temps égoïste qu'il ne parvient pas à partager malgré ses efforts. Lire consiste pour lui à s'enfermer dans une bulle où l'imaginaire prend le pas sur le réel et où son rôle se limite à celui de simple spectateur devant le défilé des mots. Seulement, une fois le cataclysme enclenché, il se retrouve totalement isolé, sans espoir, envisageant même durant un court instant le suicide comme exutoire à sa situation. 

Personnage dramatique par son destin, lâche par son comportement, il possède une dimension comique supplémentaire amenée par un Burgess Meredith formidable qui participera à quatre autres épisodes du show. A la fois drôle et pathétique, il compose un personnage attachant, doux rêveur inconscient des évènements se déroulant autour de lui. Le fait qu'il ait la passion de la lecture malgré ses doubles foyers crée une contradiction qui permet à cet acteur génial de composer un personnage original, entre rires et larmes.

De part son caractère singulier, personne n'est surpris que ce personnage survive à un cataclysme nucléaire. Perdu dans un univers pas du tout adapté à lui, le comédien s'entrave, glisse, multiplie les déséquilibres, nous préparant à un twist final à la fois tragique et ironique.

 

 

Une direction artistique surprenante 

Pour recréer l'impression de fin du monde, Rod Serling laisse les commandes pour la première fois à John Brahm, un cinéaste qui va participer plus d'une dizaine de fois à la série. Organisant l'espace pour que son héros soit toujours rabaissé, le cinéaste s'acharne à le placer en position de faiblesse face à l'autorité dans un univers où il ne joue aucun véritable rôle. Perpétuellement écrasé et passif, il occupe la place de victime consentante. Une place que la mise en scène accentue par une utilisation intéressante du gros plan, permettant à Burgess Meredith de montrer la naïveté, ou l'inconscience de son personnage. 

Mais le décor le plus étonnant reste celui d'un monde en ruines, méconnaissable, mélange d'objets incongrus, décor à la fois minimaliste et abstrait, renforçant le fait que la Twilight Zone est bien un monde parallèle. Dans cet univers de désolation, Henry prend enfin son destin en mains, remplaçant les êtres humains par des livres et sacrifiant son humanité en cédant à cette passion égoïste qui le dévore peu à peu. Le final, plan superbe du point de vue de la composition, offre la vision d'un homme qui a coupé tout contact avec le monde réel, ruine parmi les ruines d'un univers cynique où l'humain est à l'origine de sa propre destruction.

 

Un final dans la grande tradition de Ray Bradbury

Premier twist de l'histoire du show, cet épisode marque l'aube de ce qui fera sa marque de fabrique, à savoir le retournement surprise qui marque une rupture définitive entre le réel et l'imaginaire. Entre humour noir et cynisme, la dimension de l'imaginaire devient un monde sur lequel le héros perd tout contrôle, le final montrant les dangers de l'imaginaire. A la fois tragique et drôle, un épisode abandonnant les habituelles conclusions explicatives pour une approche plus directe et sombre en scellant la destinée d'un homme non par la mort, mais par quelque chose de plus tragique encore : l'impuissance totale et irréversible.

En conclusion, un épisode impeccable, fondateur de l'identité du show et qui va servir de mètre étalon pour les volets à venir. En proposant un récit entre Bradbury et Brown, il nous offre un voyage dans le fantasme d'un monde où le temps s'est arrêté, celui d'une fin du monde où un homme se croit enfin libre de faire ce qu'il veut, mais tombe dans le piège tendu par une destinée cruelle et ironique. Le message est évident, mais demeure totalement actuel, à savoir que les hommes créent leur propre malheur et les conditions de leur propre disparition.

 

J'aime :

  •  Burgess Meredith génial 
  •  le plan final, peinture remarquable de la nature terriblement cynique du destin
  •  le scénario très malin, récit de science-fiction signé par une spécialiste de Ray Bradbury 
  •  la mise en scène et les décors superbes 
  •  le twist final à la fois drôle et cruel, comme la destinée 

 

Je n'aime pas : 

  •  rien

 

Note : 15 / 20 

Un épisode fondateur, qui lancera la série dans une nouvelle réflexion sur la destinée qui n'apparait plus comme bienveillante, mais cynique et cruelle, s'amusant du sort réservé aux hommes. Lieu glaçant et terrifiant, The Twilight Zone devient l'incarnation des fantasmes des héros, mais aussi de la peur indicible de l'inconnu. Remarquable. 

L'auteur

Commentaires

Avatar Puck
Puck
AH.... Mon épisode favori ! Avec comment servir l'homme ? Merci !

Avatar sephja
sephja
Je me suis dis que je te le devais... en plus il est vraiment bien ! Allez, encore un effort et je me rapproche de mon préféré : l'autostoppeur

Avatar Altaïr
Altaïr
ça donne envie de les revoir !

Avatar sephja
sephja
c'est l'idée :)

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