Le désert comme dernière demeure
La première fusée est envoyée vers l'espace, avec à son bord huit passagers, jusqu'à ce que celle-ci disparaisse totalement des écrans radars. Perdus en plein désert, les quatre rescapés du crash se réveillent et découvre leurs vivres détruites, ne leur laissant que quelques litres d'eau pour survivre en plein désert. Seulement, l'un d'entre eux, Corey, a bien l'intention de survivre plus longtemps que les autres, quitte à se débarasser des derniers survivants.
Résumé de la critique
Un épisode moyen que l'on peut détailler ainsi:
- un décor superbe pour une histoire tragique
- un scénario écrit dans des conditions particulières
- un final inutilement compliqué et raté
- une utilisation étrange de la voix off
La traversée du désert
Pour cet épisode singulier, Rod Serling propose l'histoire de quatre survivants, quatre astronautes ayant survécu au premier vol habité d'une fusée avant de perdre le contact avec la Terre pour se retrouver échoué dans un milieu hostile. Un récit qui va reprendre le thème de l'isolement et de la peur de la mort, entraînant une opposition entre le Colonel Donlin adepte du maintien d'une certaine discipline et Corey qui ne se soucie plus que de sa propre survie. Un canevas classique sur le thème du voyageur perdu dans un monde étranger, thème que réutilisera le créateur du show lors de son travail préparatoire sur l'adaptation du livre de Pierre Boulle : la Planète des Singes.
Il est amusant de voir l'épisode et de dresser les parallèles avec le film de Schaffner, mais d'observer l'ébauche d'une création qui sera à l'origine d'un des cliffs les plus célèbres du cinéma. Le thème de l'opposition entre l'humanité qui nous fait tenir debout et la sauvagerie qui nous permet de survivre, celui du voyageur égaré découvrant un monde qui lui est étranger et ce qui apparait comme un brouillon mal structuré. En effet, malgré certaines qualités, cet épisode parait pour le moins confus du point de vue de l'intrigue, reposant sur une dynamique trop prévisible et certaines incohérences assez flagrantes.
Perdus dans un désert sans fin, Dewey Martin et Edward Binns peine à faire exister des personnages réduits à l'état de concept, empêchant le spectateur de s'impliquer dans l'histoire. Seules les cadrages contemplatifs de Stuart Rosenberg (réalisateur entre autre de Luke la main froide et Brubaker) justifie le visionnage de cet épisode singulier, tirant parti d'un décor superbe, seul point positif au service d'une intrigue passablement ratée.
Un scénario particulier
Lorsqu'il lança The Twilight Zone, Rod Serling proposa un concours pour des auteurs amateurs consistant à lui soumettre une ébauche de scénario que le créateur du show se chargerait lui-même de mettre en forme. Le résultat fut un fiasco total, avec peu de textes proposés et seulement une gagnante, Madelon Champion, qui lui exposa cette idée non par écrit, mais lors d'une discussion. Seulement, cette idée va vite s'avérer peu adaptée à la série, La Quatrième Dimension racontant habituellement l'histoire du point de vue d'un personnage central, une individualité qui perd lentement pied, victime de sa propre imagination.
Ici, l'histoire pourrait être plaisante, mais elle ne parvient pas à proposer une évolution crédible dans les différents stades de la folie qui touche Corey. Dès la première scène, il apparaît comme un personnage cruel et égoïste, la suite confirmant tout du long cette première impression. La fin paraît d'autant plus forcée et peu cohérente, portrait d'un homme qui arrive à son but, laissant de nombreuses questions sur la signification morale de cette histoire. Oubliant de montrer un visage humain de Corey, cet épisode raconte au final l'odyssée d'un égoïste qui n'est pas la victime de qui que ce soit, mais le responsable de ce drame plutôt pathétique.
Ainsi, la scène d'introduction est loin des habitudes de la série, ne fournissant que peu d'éléments à développer par la suite, laissant dans l'ensemble un sentiment de vide qui fait écho au désert qui entourent les héros. Appuyé par une mise en scène contemplative et élégante, le réalisateur parvient à installer un climat étrange, seul point positif pour un épisode garni de multiples temps morts jusqu'à un final inutilement tarabiscoté qui peine à se donner du sens.
Un twist inefficace
Sans aucun background, les personnages de cet épisode ne sont pas du tout attachants, ni même familiers, laissant l'impression d'assister au combat perdu d'avance entre l'instinct de survie et l'humanisme. Mais le plus gênant dans cette intrigue consiste en l'absence de référent temporel ou spatial, le récit échouant à donner du rythme à cette recherche désespérée dans un univers de cailloux et de rochers. Certaines ellipses sont maladroites comme la séquence où Pierson et Corey partent à la recherche d'une trace de vie servant surtout aux auteurs pour masquer les incohérences d'un final qui se prend dans ses propres contradictions.
Ainsi, le message de Pearson est trop vague pour installer une pointe de mystère, les conditions exactes de sa mort restant beaucoup trop confuses. Inutilement compliqué, ce final ne parvient pas à installer le moindre effet de surprise, la conclusion n'appuyant au final que le côté pathétique de cette histoire. La morale est pourtant intéressante, celle de la folie du dernier survivant, où le caractère brutal et violent de l'être humain lui permet de poursuivre son chemin, l'âme brisée par sa propre cruauté, cette capacité des monstres à justifier le pire par la nécessité.
Seulement, au lieu d'aller au bout de cette réflexion sur le cynisme de la condition humaine, Rod Serling fait le choix d'un twist mal amené qui vient détruire toute l'ambiance étrange que l'épisode s'était chargé de mettre en place. Il reste alors un concept intéressant, mais mal exploité, à l'image d'une utilisation étrange de la voix off dont l'effet va se révéler désastreux, sortant définitivement le spectateur de cette histoire mal ficelée.
La place du narrateur dans The Twilight Zone
Habituellement, la voix off dans The Twilight Zone surgit en début d'épisode pour poser le décor, moyen particulièrement efficace de mettre en valeur la scène d'exposition. Incarné par Rod Serling, ce personnage est un chef d'orchestre, invisible, nous aidant à découvrir les forces étranges en présence. Seulement, ici, la voix off commet la faute de revenir dans le final pour commenter la traversée du désert du dernier survivant, portant un jugement moral déplacé sur celui-ci. Une faute de goût qui ne sera jamais reproduite, poussant même le créateur du show à apparaître en chair et en os à l'image.
En conclusion, un épisode singulier, porté par une ambiance étrange et le décor superbe de la Death Valley, univers contemplatif permettant de combler les trous d'air du scénario. Portée par des acteurs moyennement convaincants, cette intrigue se révèle beaucoup trop faible, la faute à une séquence d'exposition mal conçue et à une intrigue qui manque cruellement de matière. Le seul intérêt repose alors dans le parallèle évident entre cet épisode et le twist final du film La Planète des Singes, faisant de ce onzième épisode une curiosité intéressante, malgré les nombreuses incohérences qui le ponctuent.
J'aime :
- le parallèle avec le film de Schaffner
- le décor fascinant et l'ambiance troublante
Je n'aime pas :
- les personnages peu attachants
- le format de l'histoire peu adapté à la série
- le twist final mal mis en valeur
Note : 11 / 20
Un épisode très moyen qui ne vaut que pour le décor incroyable où se déroule l'action et le parallèle amusant entre ce twist et celui de La Planète des Singes. Malheureusement, une mauvaise séquence d'exposition, un déroulement trop prévisible et des personnages particulièrement peu attachants vont donner un résultat moyen, à voir comme une curiosité.