Lost Highway
Nan Adams fait le parcours au travers des Etats-Unis lorsqu'elle est victime d'un grave accident qui l'oblige à faire appel à un mécanicien. Seulement, une fois repartie, un étrange évènement se produit, l'apparition d'un auto-stoppeur à l'apparence inoffensive qu'elle refuse de prendre à bord. Seulement, le phénomène se répète dans chaque ville, à chacune de ces tentatives pour marquer une pause, le même personnage présent au bord de la route encore et encore. Son seul espoir : rouler le plus vite possible, le plus loin possible pour fuir cet homme.
Résumé de la critique
Un épisode plaisant que l'on peut détailler ainsi :
- un épisode référence sur le thème du Purgatoire
- une plongée dans la folie mal orchestrée
- une intrigue dans l'esprit de la série
- une déception toute personnelle
Un épisode concept ingénieux
Difficile d'évoquer de manière objective cet épisode de The Twilight Zone qui fut l'un de mes premiers souvenirs de téléspectateur, première histoire dont je me souviens dans son intégralité. Seulement, les années ont passé et mon imagination a peu à peu transformé les détails de cette histoire, changeant l'ordre des évènements, le visage de l'auto stoppeur tandis que le souvenir prenait le pas sur l'oeuvre réelle. La redécouverte laisse le sentiment étrange d'une histoire si différente et si familière à la fois, avec comme seul point fixe le pitch terriblement efficace signé par Lucille Fletcher.
Même les fluctuations de mon imaginaire n'ont pas pu me faire oublier ce point de départ d'une simplicité remarquable : une femme seule parcourt l'Amérique en voiture et croise à plusieurs reprises le même auto stoppeur. S'en amusant dans un premier temps, elle vit cette apparition comme la preuve d'une anormalité de l'espace - temps, surtout qu'elle est la seule à la percevoir, l'obligeant à fuir toujours plus loin sans s'arrêter, quitte à mettre sa vie en danger. Une intrigue vraiment prenante, surtout que le réalisateur Alvin Ganzer donne à cet homme mystérieux une position particulière dans l'image, ne le plaçant jamais au même plan que le personnage principal.
La bonne idée de Rod Serling par rapport à l'intrigue de départ est de transformer le héros masculin en une jeune femme fragilisée par un long voyage en voiture. Son refus de prendre cet auto-stoppeur devient alors plus cohérent ainsi que le sentiment de persécution dont elle est victime envers cet homme qui n'a de cesse de se trouver sur son chemin. Perdue dans l'immensité d'un décor désertique, la jeune femme perd lentement son calme, choisissant la fuite en refusant d'affronter sa propre peur, donnant la base parfaite pour un épisode de The Twilight Zone.
Seulement, si l'idée de départ est bonne, l'épisode va se heurter à un gros problème de construction qui va résider dans son absence de crescendo dans la progression dramatique. Une mauvaise gestion du récit qui se retrouve dans une progression de l'intrigue maladroite et un personnage principal qui manque d'épaisseur.
Mauvais tempo
Si la magie de l'épisode s'évanouit en partie lors de ce visionnage, c'est en grande partie à cause d'un problème de construction regrettable. Ainsi, la phase de présentation du personnage principal est très maladroite, se réduisant à une conversation avec un machiniste peu concluante. Loin de miser sur le temps pour installer le sentiment d'angoisse de l'héroïne, les auteurs posent d'emblée sa frayeur comme un élément déjà acquis. Ainsi, une bonne partie du scénario va reposer sur une voix off pour nous expliquer les sentiments de l'héroïne, oubliant de donner assez de matière pour donner du sens à sa névrose.
Pourtant, la composition des plans est intéressante, surtout lors de la scène du tunnel où la force d'expression d'Inger Stevens laisse apparaître ce qu'aurait pu être cet épisode en optant pour une approche plus réaliste. Surtout que cette plongée dans la folie résonne particulièrement maintenant que l'on connait la destinée tragique de la comédienne qui tenta à plusieurs reprises de se donner la mort. Son regard fragile et angoissé est d'un sincérité troublante, témoin du désordre intérieur que vit cette jeune conductrice, point fort d'un épisode qui prend alors une signification assez tragique.
La scène où elle demande au marin de l'accompagner dans son parcours arrive beaucoup trop tard dans le déroulement du récit, cette rencontre n'ayant alors plus l'impact qu'elle devrait avoir. Au lieu d'une montée en puissance, Rod Serling offre un scénario désordonné, avec une succession d'évènements mal organisés, donnant une intrigue rendue seulement crédible par son pitch audacieux et une actrice principale impeccable.
Un enfer qui ne dit pas son nom (spoiler alert)
Pour jouer cet auto stoppeur, les auteurs ont eu la bonne idée de choisir Leonard Strong, connu pour sa participation à plusieurs épisodes de la série "Alfred Hitchcock presents". Son apparence inoffensive au premier abord permet de jouer sur l'idée que Nan Adams est juste victime de fatigue, lui valant un lot de remarque paternaliste de la part de ceux dont elle croise la route. C'est dans cette apparente normalité, dans cette volonté de détourner la réalité que la série trouve un de ses principes premiers, point de départ du fonctionnement d'un show qui affirme son identité.
Ni au paradis, ni en enfer, The Twilight Zone se joue dans un purgatoire qui ne montre pas son visage, cachant derrière une cohérence de façade la vrai nature d'une autre réalité, d'un changement en profondeur des règles de l'espace-temps. La présence d'un simple auto-stoppeur le long d'une route devient le signe d'une incohérence, le symbole d'un passage de l'autre côté, dans un univers où la simplicité et les certitudes du réel ont disparu. L'héroïne cherche alors en vain un soutien, quelque chose sur laquelle se reposer et se retrouve seule, prise au piège d'une peur qui prend lentement le contrôle de son esprit.
Le purgatoire apparaît alors comme le décor idéal pour un épisode de The Twilight Zone, plaçant le personnage seul face à une mort qu'il va devoir apprendre à accepter. Déjà-vu dans les épisodes précédents, ce concept récurrent dans la série prouve une nouvelle fois son efficacité, reposant sur le principe du fantôme qui ignore tout de son propre décès. La cinquième dimension devient celle de l'imaginaire, petite zone du cerveau qui fonctionne encore lorsque le corps ne fonctionne plus et que l'esprit essaye de fuir une réalité tragique.
Nostalgie des premiers temps
Difficile de revoir un épisode qui m'a autant marqué dans mon enfance sans constater combien ma propre naïveté m'a rendu aveugle aux problèmes de structure de l'épisode. Poussé aujourd'hui par un esprit critique plus affuté et contaminé par la mentalité cynique de l'époque, je constate tristement que l'intrigue a perdu une part de sa force avec le temps, laissant une histoire intéressante, mais pas aussi immersive que dans mes souvenirs. Où est-ce tout simplement moi le fautif, ayant perdu cette capacité à pénétrer dans cette cinquième dimension, prisonnier du réel et de ses lois connues et prévisibles, partageant la définition collective de la réalité
En conclusion, un épisode correct qui repose sur un pitch assez brillant, d'une simplicité et d'une efficacité telle qu'il inspira Orson Welles pour son émission de radio avant d'être reprise par Rod Serling. Porté par une Inger Stevens à la performance étonnante, un récit mal construit qui ne parvient pas à installer un vrai crescendo dramatique dans la progression de l'intrigue. Malgré tout, une histoire à part qui, comme Puck avec "Time Enought at Last", a entrainé ma passion pour les récits fantastiques où l'inconnu vient abattre les règles du quotidien.
J'aime :
- Inger Stevens convaincante
- le pitch de départ brillant
- l'ambiance singulière de l'ensemble
Je n'aime pas :
- la construction de l'épisode discutable
- la scène avec le marin peu convaincante
Note : 13 / 20
Malgré sa réputation liée à un pitch de départ brillant et ingénieux, l'épisode ne parvient pas à décoller totalement, ne parvenant pas à donner une vraie dimension tragique à cette histoire. Heureusement, quelques bonnes idées de mise en scène comme la séquence du tunnel et la performance troublante d'Inger Stevens suffisent à fournir le divertissement attendu.