Une bénédiction de la taille d'une planète
Deux mois ont passés depuis la découverte de la plaque extraterrestre et Gwen Cooper se trouve avec Rhys au Pays de Galles pour protéger son père des rafles organisées pour emmener les catégories un dans les fours. Pendant ce temps, Jack Harkness se cache en Ecosse avec Esther, le temps qu'il se remette de la balle qu'il a reçu dans le ventre. Rex a regagné pour sa part les bureaux de la CIA, à la recherche d'informations sur les trois familles, en vain, tandis qu'un nouveau monde commence à apparaître.
Résumé de la critique
Un épisode convenable que l'on peut décrire ainsi :
- Jilly Kitzinger ou l'importance des mots et de leur signification dans notre monde moderne
- un épisode qui clôt les intrigues individuelles sans totalement convaincre
- une intrigue mondiale intéressante, mais qui progresse à un rythme inadéquat
- un puzzle mal découpé qui peine à s'assembler
La maîtrise des mots, c'est le pouvoir
Pour expliquer ce point un peu particulier que j'ai aimé dans cet épisode, il faut à la manière de cette saison revenir sur le travail de Russel T. Davis et en particulier l'épisode 4.10 de Doctor Who appelé Midnight. Un monstre prenait le contrôle du Docteur par le biais des mots, des phrases, du verbe et ses subtilités, source pour RTD d'un pouvoir infini. Torchwood reprend le même concept au niveau mondial, créant une dictature fondée sur la maîtrise de la communication, prouvant qu'à l'heure des moteurs de recherche, les mots n'ont jamais été aussi importants.
Oswald était une histoire impossible à vendre, un monstre transformé en vedette par la volonté et la poigne d'une Jilly Kitzinger acharnée. Pourtant, si cet infâme personnage est le centre d'attention des trois familles, ce n'est pas pour son charisme ou sa cruauté, Danes n'étant finalement qu'un test pour trouver la personne capable de trouver les mots et raconter son histoire. Les trois familles sont sur le point de révéler leur intention et ce ne sont pas des héros dont ils ont besoin, mais des soldats du verbe, des conteurs capables de transformer la pire monstruosité en bénédiction.
Les camps de la mort deviennent un mal nécessaire, les meurtriers pédophiles des résistants pour peu que le narrateur organise le récit de la bonne manière, preuve que les mots bien utilisés peuvent suffire à faire accepter les pires horreurs. A un épisode de la fin, les auteurs renouent avec un des thèmes chers à RTD en créant une dictature invisible, protégée de la vue des humains par une armée de communicants. Au final, Oswald Danes n'était qu'un test pour trouver la perle rare, la personne capable de transformer le miracle en bénédiction.
Maîtriser les mots, c'est contrôler les moteurs de recherche, les algorithmes comme Google fonctionnant essentiellement sur la recherche de ces objets. C'est ce point complexe du scénario qui aura poussé Torchwood à multiplier les intrigues secondaires qui s'achèvent ici et nous projettent enfin vers la résolution de cette intrigue qui devrait encore réserver quelques surprises.
Mettre fin aux intrigues secondaires qui refusent de mourir
Les êtres vivants ne pouvant plus mourir depuis le miracle, les histoires deviennent infinis, s'épuisant à raconter une histoire infinie. Les fours deviennent la seule solution d'un monde qui ne parvient plus à mettre fin à la vie, transformant la mort en une bénédiction. C'est exactement ce problème que rencontre la série avec le père de Gwen, celle d'une storyline en fin de course qui se sera prolongé trop loin et aura empêché Gwen de participer réellement à l'enquête de Torchwood.
Les intrigues secondaires s'achèvent péniblement, la série abusant d'ellipses forcées, proposant un saut dans le temps pour masquer son incapacité à raconter. Le bon de deux mois aura permis aux créateurs du show de se sortir d'une vraie impasse narrative, toute l'équipe demeurant totalement impuissante durant toute cette période. Sans proposer de conclusions satisfaisantes, les scénaristes délaissent des intrigues individuelles en souffrance pour se focaliser sur l'histoire principale, retrouvant alors une énergie qui s'était lentement évaporée.
Les livres, les histoires deviennent des sources d'informations, révélant les secrets des mensonges que les moteurs de recherches sont incapables de trouver. L'intrigue prend alors une dimension globale, révélant la vraie nature de "The Blessing", la chose qui n'a pas encore de véritable nom, mais qui semble lié à Jack Harkness d'une manière vraiment profonde.
Une histoire trop grande pour eux
Difficile de deviner où compte aller Russel T. Davies, l'épisode restant encore assez évasif sur la nature exacte du phénomène à l'origine du miracle. En se plaçant au niveau global, Torchwood retrouve un dernier souffle, le scénario possédant un vrai mystère particulièrement excitant qui entraîne l'équipe vers une aventure qui tient une partie de ses promesses. Saison exceptionnelle par sa longueur et la force de son principe de départ, les auteurs laissent le Capitaine Harkness et son équipe affronter une menace à la hauteur de l'ambition de la série, peut-être même trop.
La question du bien fondé de ces dix épisodes se pose surtout que la série, en optant pour un rythme lent, aura laissé le temps aux spectateurs de mettre en évidence les faiblesses de cette histoire. Le miracle, concept très bien conçu il faut le reconnaître, aura été un peu trop grand pour les épaules de la série et l'équipe, décimée par les saisons précédentes, n'était vraiment pas prête pour y faire face. Du coup, l'histoire traîne par moment, accélère à d'autres, donnant l'impression d'une progression équivalente à celle d'un jeune conducteur ne sachant pas se servir de la pédale d'embrayage.
Torchwood arrive à ses fins, mais le scénario aura beaucoup souffert, la faute à une ambition trop forte, celle de construire une histoire sur des thèmes universels sans parvenir à en maîtriser l'évolution et les enchaînements.
Le sang, le gêne comme mode d'expression du vivant
La vie devient petit à petit le centre de cette intrigue qui se focalise sur Jack Harkness et sur son sang en particulier, celui du mystère de ses origines, le plus grand secret d'un show qui trouve ici l'occasion de se clore en beauté. Plus qu'un épisode pour donner du sens à toutes ces intrigues et de justifier cette longue aventure qui aura connu des temps forts et des temps faibles. Le gêne et le sang, le mot et l'encre du vivant qui nous raconte une histoire par delà la mort avec, je l'espère, la révélation tant attendue sur la nature du Capitaine Jack Harkness.
En conclusion, un épisode intéressant, mais toujours aussi maladroit, essayant avec une certaine difficulté à mettre fin à des intrigues secondaires en souffrance. Le vrai visage de la menace commence à apparaître, tout comme le plan des trois familles pour l'avenir de l'humanité. Torchwood s'achève dans la souffrance, mais parvient à venir à bout d'une intrigue trop ambitieuse pour une équipe qui n'a pas eu le temps de se former et va devoir pourtant faire face à une menace d'une ampleur surprenante.
J'aime :
- la vraie raison de la présence d'Oswald Daness, brillante
- le thème de langage et de sa force, récurrent chez Russel T. Davis
- une intrigue principale qui redonne de l'énergie à la série
- un final vraiment prometteur
Je n'aime pas :
- des raccourcis particulièrement grossiers
- des ellipses comme un aveu d'impuissance
- certaines intrigues secondaires qui s'enlisent
- certains dialogues peu inspirés
Note : 13 / 20
Torchwood approche de sa fin et si la trame principale se montre à la hauteur de nos attentes, les intrigues secondaires prouvent la difficulté avec laquelle le show aura réussi à parvenir à ses fins. Entre raccourcis maladroits et ellipses peu inspirées, la série se rattrape en faisant enfin toute la lumière sur les raisons de la présence d'Oswald Danes. Vivement la semaine prochaine.