Critique : Twin Peaks 1.03

Le 07 mai 2011 à 01:15  |  ~ 7 minutes de lecture
Episode frileux dont la structure rappelle beaucoup celle des soaps, cet épisode de transition fait preuve d'une absence d'ambition décevante. Au programme, Twin Peaks et le souci de continuité, un portrait des deux héroïnes tandis qu'une touche de surnaturel commence à poindre.
Par sephja

Critique : Twin Peaks 1.03

~ 7 minutes de lecture
Episode frileux dont la structure rappelle beaucoup celle des soaps, cet épisode de transition fait preuve d'une absence d'ambition décevante. Au programme, Twin Peaks et le souci de continuité, un portrait des deux héroïnes tandis qu'une touche de surnaturel commence à poindre.
Par sephja

Pitch Diane Selwyn

L'agent Dale Cooper tente de trouver une signification à son rêve tandis que Twin Peaks se prépare pour l'enterrement de Laura Palmer. L'occasion idéale pour faire rejaillir les tensions au sein d'une ville toujours plus étrange, qui vit dans la peur de forces mystérieuses qui la menacent. 

 

Un soap dans les règles de l'art 

Après l'irruption brutale et surprenante de la Red Room lors de l'épisode précédent, Twin Peaks revient à un schéma classique en proposant un épisode plus simple, qui tente de faire comme si de rien n'était. L'enquête de Cooper suit la piste de Leo Johnson, mais ne connaîtra que peu d'avancées réelle durant cet épisode. Cherchant visiblement à ne pas troubler le spectateur, cet épisode va se montrer légèrement ennuyeux et assez transparent. 

La faute à la réalisation de Tina Rathborne, trop simpliste, qui ne parvient pas à retrouver l'intensité des épisodes de Frost et Lynch. Jouant à fond la carte du soap, les créateurs peinent à faire avancer l'intrigue, ou à donner de la force à des scènes qui vont avoir un arrière goût légèrement pathétique. Seul l'enterrement de Laura, par son aspect étonnamment trouble, va apporter un peu de piment à un épisode particulièrement fade et peu inspiré. 

Les menaces s'intensifient aussi sur Jocelyn Packard, mais la narration se montre particulièrement maladroite à travers une histoire de livre de comptes très mal abordée. Mal équilibré, le scénario de Harley Peyton est clairement trop bavard et semble essayer de ramener la série à une narration plus confortable, celle du soap classique, venant créer une rupture par rapport à l'évolution de l'épisode trois.

Mal rythmé, cet épisode se démarque du style quasi-expérimental de Lynch en proposant une simple remise à plat de la situation. Le seul instant vraiment poignant et réussi, l'enterrement de Laura Palmer, laisse entrevoir la singularité du style des créateurs du show, souvent copiée et jamais égalée. On retrouve ce décalage si particulier à Twin Peaks, cette étrangeté si réjouissante jusqu'au plongeon totalement mélodramatique de Ray Wise.

Tous les éléments du soap sont dans cette scène qui s'avèrerait ennuyeuse sans l'irruption d'anomalies lynchiennes comme le "Amen" surprenant de Bobby Briggs et ce cercueil qui ne cesse de monter et descendre, allusion légèrement sexuelle totalement  hilarante.

 

Un gros problème de continuité

 

Après l'épisode très expérimental de Lynch qui proposait de nombreuses pistes et une révélation finale renversante, cet épisode s'amuse à revenir en arrière. Il provoqua à l'époque un certain agacement des spectateurs. En effet, l'oubli de Cooper concernant l'identité du coupable a beaucoup donné l'impression que Twin Peaks bluffait, laissant craindre une histoire sans queue ni tête. Vraiment regrettable, cette assertion est en plus totalement contredite par une scène finale qui prouve clairement que les auteurs avaient parfaitement conscience des événements à venir. 

Certes, Lynch a toujours été fasciné par l'inexplicable et donne fréquemment l'impression de chercher sa voie dans des films comme Inland Empire (à juste titre, le film n'ayant pas de scénario). Twin Peaks fait partie des oeuvres de Lynch les plus construites, puzzle étonnant qui ne déçoit pas et s'avère toujours aussi fascinant même vingt ans après. Seulement, conscient de la densité d'une mythologie qui les dépasse, le récit de cet épisode se montre trop timide par rapport au reste du show. 

Il en résulte une histoire visiblement allongée sans raison et qui manque cruellement de cohérence avec l'épisode précédent. Heureusement, Cooper, par sa surprenante perspicacité, va donner un vrai coup de fouet à un scénario qui se répète beaucoup, en résolvant les premiers mystères concernant son rêve. Car la compréhension de la vraie nature de la Red Room passera par la compréhension du fonctionnement de l'agent Cooper, Dale semblant posséder une connexion particulière avec cette ville. 

Bref, un épisode inférieur au précédent, qui ne prend pas suffisamment de risques en mettant mal en valeur les différents éléments de l'intrigue. Seul l'enterrement de Laura Palmer permet de retrouver l'espace d'un instant ce charme si étrange qui fait toute la réussite de Twin Peaks. L'intrigue portant sur le trafic de drogues est quant à elle particulièrement mal mise en valeur par une réalisation trop poussive. 

 

Audrey Horne, un personnage inoubliable

 

Inévitable, Audrey Horne est le personnage emblématique de la série, ce rôle apportant une reconnaissance internationale à Sherilynn Fenn. Parfaite incarnation de la fascination qu'exerce le show sur le spectateur, la jeune femme apporte une touche de charme vraiment singulier. A la fois manipulatrice et séductrice, Audrey Horne possède une relation particulière avec Cooper et constitue l'exemple idéal du niveau de complexité que donne David Lynch à ses personnages. 

A la fois troublante et glaciale, elle reste dans le souvenir de tous les fans celle qui a su le mieux incarner cette ville, entre charme et corruption. Son implication dans l'affaire Palmer est assez trouble, car si son innocence semble indiscutable, sa connaissance de certains secrets rende son rôle beaucoup plus ambigu. 

 

Donna Hayward, entre trahison et culpabilité

 

Moins charismatique que Audrey, Donna personnalise la force de destruction provoquée par la mort de Laura, la jeune femme se retrouvant prise au piège entre la fidélité à la mémoire de son amie et une passion pour James Hurley fondée sur un terrible sentiment de culpabilité. Possédant une naïveté qui fait d'elle une victime désignée pour une ville particulièrement prédatrice, son personnage apporte une touche de normalité, incarnant comme lui soufflait David Lynch durant le tournage : "l'élégance d'un cerf se déplaçant dans la neige".

La carrière de Lara Flynn Boyle est particulièrement impressionnante, en particulier son rôle marquant dans The Practice. Très expressive, elle porte avec elle toute la dimension réaliste d'une histoire dramatique, celle de la mort violente d'une jeune femme et des conséquences que cela engendre.

 

Une touche de surnaturel de plus en plus présente

Société partagée entre une apparence bienveillante et un monde secret particulièrement menaçant, Twin Peaks se révèle peu à peu, et laisse lentement apparaitre les différentes forces en présence. Loin d'être un simple accident, le meurtre de Laura Palmer est avant tout l'expression visible du mal qui ronge peu à peu la ville. Porté par des personnages toujours plus complexes, le show peine à trouver l'équilibre idéal entre le visible et le caché, mais parvient à susciter une fascination vraiment remarquable.

Dommage malgré tout que le récit se montre à ce point frileux, incapable de prendre des risques pour se montrer à la hauteur de l'épisode précédent. Il reste au final un moment assez sympathique, petit instant de respiration avant de plonger dans un monde si particulier.

 

J'aime :

  • la scène de l'enterrement formidable 
  • Cooper très convaincant
  • certains détails très lynchiens comme Dana Ashbrooks qui joue avec son briquet

Je n'aime pas : 

  • largement en dessous de l'épisode trois 
  • manque de continuité dans l'intrigue 
  • récit mal rythmé

Note : 13 / 20

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L'auteur

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