Critique : Twin Peaks 1.07

Le 19 mai 2011 à 02:49  |  ~ 7 minutes de lecture
Pour son final, Twin Peaks essaie d'impressionner en proposant un récit très dynamique centré sur des rebondissements majeurs. Au programme, un épisode qui bouleverse sans révolutionner, un portrait de deux personnages délaissés durant cette saison et qui reviennent au centre de l'intrigue.
Par sephja

Critique : Twin Peaks 1.07

~ 7 minutes de lecture
Pour son final, Twin Peaks essaie d'impressionner en proposant un récit très dynamique centré sur des rebondissements majeurs. Au programme, un épisode qui bouleverse sans révolutionner, un portrait de deux personnages délaissés durant cette saison et qui reviennent au centre de l'intrigue.
Par sephja

Pitch Alice Wakefield 

L'agent Cooper inspecte le "One eyed Jack" et reconnaît Jacques Renault parmi les croupiers du casino . Il se fait passer auprès de lui pour un associé de Leo Johnson. Pendant ce temps, James et Donna découvrent une cassette datant du jour de la mort de Laura où elle fait part de ses sentiments au docteur Jacoby. Ils découvrent alors son véritable visage.

 


Fermer un chapitre pour en ouvrir un nouveau 

La première saison de Twin Peaks s'achève par un épisode qui va tenter de cumuler toutes les qualités du show, apportant une vraie fin à certaines storylines en bout de course pour mieux ouvrir un nouveau chapitre du récit. Mark Frost est seul aux commandes et a bien l'intention de créer un trouble énorme chez les spectateurs en ne lésinant pas sur les retournements de situations et les cliffhangers de toutes sortes. 

Conçu pour laisser le plus grand éventail de possibilités pour les développements à venir, cet épisode vient conclure certaines intrigues de l'épisode précédent sans se montrer vraiment satisfaisant. Si l'histoire autour de Leo Johnson s'avère très satisfaisante dans sa conclusion, la storyline d'Audrey Horne ne sert qu'à amener un twist téléphoné et un rien décevant, en dessous de ce que l'on aurait pu espérer. 

Avec en tête de continuer à bonifier les différentes intrigues, Frost tente de remettre à plat l'histoire de Catherine Martell en la reliant avec celle de Hank Jenning, personnage inquiétant et très prometteur. De même, l'histoire assez peu exploitée sur Jacques Renault connaît un grand bouleversement lors d'une scène totalement inattendue qui constitue sans nul doute le choc de l'épisode, celui qui entraîne un vrai revirement. 

Ecrit avec un enthousiasme jubilatoire, ce scénario est entièrement centré sur la recherche d'une réaction du spectateur et sur une maîtrise parfaite du second degré. Le gag des rideaux lors de la scène volontairement kitsch entre Jack Nance et Piper Laurie est une trouvaille surprenante et hilarante en rupture complète avec le contenu de la scène. Balancé de droite à gauche, le spectateur est malmené, chamboulé, se laissant emporter par une narration que rien ne semble pouvoir retenir. 

L'histoire du deuil de Laura s'achève par la révélation d'un enregistrement où la jeune femme dévoile l'aspect le plus sombre de sa personnalité. Le simple cadre du "qui" est balayé par une autre question, celui du mobile du meurtre qui va nous entraîner dans un mystère bien plus grand encore. La ville devient le centre du show et Laura Palmer le symbole du secret qui règne dans cet univers mystérieux, dominé par des forces inquiétantes.

 

Beaucoup de rebondissements, peu de développements

Si l'épisode se montre généreux en matière de retournements de situation, il s'avèrera bien plus chiche dans la recherche d'une certaine profondeur. Délaissant les storylines d'Audrey Horne et de Big Ed, Mark Frost cherche avant tout à créer un mélange de désir et de frustration, qui jouera de vilains tours à la série, en se lançant dans une sorte de cliffhanger généralisé très enthousiasmant.  

De même, on pourra reprocher de nombreux éléments laissés de côté, la forme ayant clairement primé sur le fond, comme une gourmandise que se serait autorisée Frost pour prouver sa capacité à créer une addiction du public à sa création. Mais maintenant que les séries modernes ont abusé elle aussi de ces retournements à répétitions, on ne peut que constater que ce choix est avant tout celui d'une certaine facilité, les twists s'avérant suffisamment confus pour donner une vraie liberté d'interprétation au public. 

 

Catherine Martell, le problème de la première saison 

 

Personnage parmi les plus faibles de la première saison, Catherine Martell n'a strictement aucun lien avec Laura et sa storyline va énormément peiner à trouver une vraie dynamique. Ennemie jurée de Jocelyn Packard, convoitant son usine dont elle tient les comptes, Catherine est une vraie méchante de soap, jalouse et revancharde. La trahison de la plupart de ses soutiens, dont Benjamin Horne, va l'obliger à trouver de nouvelles alliances, quitte à se rapprocher d'un mari serviable, mais trop faible pour devenir un véritable allié. 

Actrice connue pour ses performances étonnantes (entre autre dans l'Arnaqueur avec Paul Newman), Piper Laurie confirme tout son talent malgré le manque de développement de son personnage. Sa scène en duo avec Jack Nance est formidable, quand à deux doigts de craquer totalement, elle fait le choix de s'appuyer sur son mari, détruisant le mur de mépris qu'elle avait bâti entre eux.

 

Leland Palmer, l'homme qui en savait trop 

 

Le père de Laura, Leland  Palmer, ère depuis le début de la saison entre désespoir et culpabilité, cédant régulièrement au chagrin à travers des scènes pathétiques particulièrement touchantes. S'il apparaît avant tout comme une victime, les derniers épisodes tendent à montrer qu'il sait des choses concernant la ville et les forces qui la perturbent. Chacune de ces scènes possède un double niveau de lecture, suivant que l'on ait fini la saison un ou pas, et prouve le soin particulier apporté à ce personnage. 

Inutile de présenter Ray Wise, acteur prolifique et respecté, qui n'avait, du temps de Twin Peaks, participé qu'à de nombreux soaps comme Dallas et Côte Ouest. Cette série constituera un tournant majeur dans sa carrière, l'acteur recevant dès lors des rôles plus ambigus et plus sombres où il excellera. Personne n'incarne mieux la frontière entre le bien et le mal que Ray Wise, grâce à un visage étonnamment expressif, et il interprète ici avec talent un rôle particulièrement difficile.

 

Une première saison qui fit la réputation de la série

Phénomène de société d'une dimension étonnante, Twin Peaks est un soap exigeant, le premier à s'adresser au spectateur délaissé par les soaps traditionnels. A travers le récit de la mort de Laura Palmer, David Lynch et Mark Frost tentent de construire une histoire de la taille d'une ville, développant un nombre de personnages impressionnants. Très ambitieuse, la série profite de cette saison resserrée pour prendre un rythme rapide et entraîner le spectateur dans une surprenante valse de retournements de situation et de révélations. 

De la Red Room à Leo Johnson, Twin Peaks affiche son originalité, osant même s'autoparodier grâce à un sens du second degré étonnant. Dotée d'une ambition folle et suivie par un public qu'elle a su fidéliser, Twin Peaks est l'une des séries les plus généreuses qui soient, refusant tous les formats et les standalones pour oser le choix du feuilleton. La mort de Laura Palmer aura entraîné une vague de changements importants, révélant les secrets cachés de la plupart de ses proches. 

Rarement création n'aura autant mérité ce nom, passant les années sans perdre de sa force : "Souvent copié, rarement égalé." 

 

J'aime :

  • des coups de théâtre surprenants 
  • un rythme effréné 
  • une direction artistique impeccable 
  • la scène entre Jack Nance et Piper Laurie dans la bibliothèque absolument géniale

 

Je n'aime pas : 

  • un récit moins maîtrisé que d'habitude 
  • la storyline Audrey Horne sacrifiée  

 

Note : 14 / 20 

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L'auteur

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