L'art de passer entre les gouttes
Caffrey tente de découvrir l'identité du mystérieux Sam, mais celui-ci reste insaisissable surtout que le dossier d'Ellen est inaccessible, enfermé dans le bureau des Marshalls. Pour se changer les idées, Neal accompagne en tant qu'expert Peter qui reprend sa première affaire et doit s'assurer de la sécurité à l'intérieur du musée Kessman. Les deux hommes repèrent alors une femme rousse nommée Abigail qui semble discrètement compter les tours de garde et, plus gênant, qui semble savoir que Caffrey travaille avec le FBI.
Du bel ouvrage
Si White Collar m'avait déçu jusqu'ici, cet épisode marque enfin une renaissance, renouant avec ce que le show est capable de faire de mieux en matière de récit de haut vol. Une intrigue en trois parties parfaitement entrelacées pour donner un ensemble cohérent et riche, où une simple histoire de vol se transforme en un subtil récit sur la confiance et le mensonge. Portée par une réalisation toujours impeccable, le show renoue avec sa qualité première, à savoir jouer sur l'ambiguïté de Neal qui se retrouve de nouveau totalement dos au mur.
L'enquête du jour ne paye pourtant pas de mine au démarrage, avec une histoire de musée plutôt classique où un vol est sur le point d'être effectué, la responsable étant interprétée par une Rebecca Mader convaincante. L'originalité du récit ne va pas venir du cambriolage en tant que tel, mais du fait que la cible connaît Neal et sa situation, le plaçant dans l'impossibilité de faire son habituel numéro de charme. C'est donc Caffrey qui devient la proie d'une femme manipulatrice et futée qui va le placer dans une situation telle qu'il va être contraint de faire le vol pour elle.
De nouveau, la loyauté de Neal est sur la sellette, contraint de dérober cette oeuvre d'art au nez et à la barbe de Peter qui ne le quitte pas de l'oeil, le climat actuel au FBI ne lui autorisant pas le moindre écart. L'occasion pour Neal de jouer une nouvelle fois à l'équilibriste, poussant Burke et Diana à se poser la question de sa loyauté, ramenant ce petit doute persistant sur ces intentions qui manquait au début de saison. C'est lorsqu'il traverse les limites de la légalité, lorsqu'il joue avec les frontières du bien et du mal que Neal est le plus irrésistible.
Tiraillé entre son amitié pour Peter et le chantage qu'il subit, Caffrey reste toujours aussi impossible à lire, à la fois manipulateur par instant et profondément humain dans sa relation avec Peter ou Diana. Des moments de fragilité désarmants qu'il laisse paraître face à une jeune femme fragilisée, joli dialogue où les deux parlent de la frontière entre le mensonge et la réalité, de la difficulté à assumer ses sentiments. Une troisième histoire se mélange alors à celle de Neal et Peter concernant les problèmes de coeur de Diana qui s'intègre bien à l'épisode et évite ainsi toute lourdeur.
Cette capacité à mélanger la vie privée et le travail fait partie de la stratégie de Neal pour désarmer ses interlocuteurs, lui laissant la possibilité de les percer à jour et de trouver les bons mots pour gagner leur confiance. Tout est toujours personnel avec Caffrey, même par rapport à Abigail, cachant derrière son désarroi un amour du jeu plus ou moins inconscient, suivant le regard que l'on choisit de porter sur lui. Maniant avec finesse la frontière entre vérité et le mensonge, Neal est fascinant par la façon dont chacun de ses actes a toujours deux modes de lecture, obligeant à toujours remettre en cause la sincérité de ses intentions.
L'art dans White Collar
Il n'y a rien de moins original dans la série de Jeff Eastin que de visiter un musée, tant ce lieu symbolise à lui seul l'union entre l'univers de Neal et celui de Peter Burke. Peter est cartésien, Caffrey est plus sensible, aspect de sa personnalité que l'épisode va exploiter pour mieux nous piéger, justifiant un démarrage un peu lent, mais très bien maîtrisé. Neal apparaît alors comme quelqu'un de fragile, capable de se laisser piéger par Abigail, son impuissance à atteindre le dossier d'Helen servant de point de départ à toute cette histoire.
L'enfance de Neal n'existe pas vraiment, l'absence du père et le décès de sa mère le privant à la différence des oeuvres d'art d'une histoire à raconter. Tous les signaux qu'envoient Neal à ses interlocuteurs sont biaisés par cette absence de base solide et son apparence ainsi que son comportement sont toujours adaptés à ses intentions, renvoyant aux gens l'image de ce qu'il veut laisser paraître. A sa manière, Caffrey est l'opposé d'une oeuvre d'art, juste un miroir qui renvoie l'image qu'il désire, ne possédant pas cette sincérité qui définit par essence toute création.
Son obsession pour la forme se prolonge dans sa façon de voler, Neal montrant un goût pour les plans complexes en apparence, mais qui repose au final sur une astuce suffisamment simple pour être crédible. Une légèreté du dernier acte qui témoigne du soin apporté cette semaine à l'écriture, l'ensemble reposant sur des ficelles assez grosses habilement dissimulées grâce à une progression très bien rythmée. La séquence devant le bureau des Marshalls, totalement parachutée, est un bel exemple de la manière dont les auteurs placent des petits éléments pour masquer les raccourcis les plus flagrants.
Evidemment, la qualité du casting est pour beaucoup dans le fonctionnement de l'épisode, les auteurs montrant une réelle adresse pour détourner l'attention du spectateur au bon moment. La performance de Marsha Thomason est d'ailleurs à souligner, Diana profitant d'une mise en lumière intéressante qui confirme le refus pour l'équipe créative de traiter les membres de l'équipe de Burke comme de simple faire valoir. La scène du baiser est très réussie, avec un parallèle très amusant avec le trio de témoins masculins qui assistent à la scène, surpris par l'érotisme d'une séquence très bien pensée.
Les raisons d'aimer White Collar
Certes, la série policière de Jeff Eastin n'était jugé à ses débuts que comme un show policier opportuniste qui suivait la mode des consultants qui sévissait à l'époque. Mais après des débuts convenables, la série a vraiment pris toute sa dimension avec la saison trois en donnant de plus en plus d'épaisseur aux personnages même secondaires tandis que Neal jouait au chat et à la souris avec le spectateur. Il faut bien avouer, après quatre années, qu'à l'exception de ce début de saison poussif, White Collar reste la meilleure série dans son registre, proposant un niveau d'exigence qui la place au-dessus du lot.
Une fois les éléments de base posés, l'intrigue est d'une fluidité parfaite avec un Neal qui se met encore en valeur dans les situations périlleuses. Comme devant un acrobate de cirque, le spectateur regarde Caffrey marcher sur le fil, se balançant par instant avec insolence pour donner juste le petit plus de frissons qui fait la différence. L'ajout d'un Willie Garson toujours impeccable ne fait qu'ajouter du plaisir à cet épisode qui porte en lui tout le charme de White Collar tout trouvant un moyen élégant et malin de faire avancer la mythologie sur le père de Caffrey.
Certes, le twist final est un peu prévisible, mais il nous oblige intelligemment à nous demander jusqu'à quel point Neal manipule tout son monde et s'il est vraiment possible de lui faire confiance. Devenu maître dans l'art de duper les autres et même le spectateur, le héros retrouve cette pointe de mystère qui manquait au début de saison, donnant un épisode particulièrement réussi. L'occasion après cinq épisodes faibles de redécouvrir ce qui fait la singularité de cette série, à savoir le plaisir de voir Caffrey passer élégamment entre les gouttes.
Même si le héros de White Collar n'a pas changé en profondeur, son repentir de cette saison semble particulièrement sincère, marquant une évolution intéressante tandis qu'il recherche activement la trace de son père. Derrière tout ceci se cache un secret qu'il convoite autant qu'il le craint, plaçant Neal devant la question de ce qu'il est prêt à faire, voire même à sacrifier, pour l'obtenir.
J'aime :
- esthétiquement impeccable
- une intrigue très bien rythmée
- les acteurs impeccables surtout Marsha Thomason
- le dénouement particulièrement malin
Je n'aime pas :
- le scénario qui repose sur une ficelle un peu énorme
Note : 14 / 20
Quel plaisir de retrouver le White Collar que j'aime avec cet épisode qui réalise un quasi sans-faute grâce à une réalisation et des comédiens impeccables. Une intrigue qui confirme l'importance de placer Neal sur la brèche, obligeant l'équipe de Peter à remettre une fois de plus en doute la confiance qu'il lui porte.