Dans la vie, on finit par mourir. C’est un peu le postulat de base pour chacun d’entre nous. Mais qu’est-ce qu’il y a après la mort ? Les religions se battent là-dessus depuis longtemps, chacune essayant d’imposer sa vision aux autres ; après tout, il faut attirer le plus de gens possible, donc autant que ce que l’on vende soit classe. Pour certains, après la mort c’est le paradis. Pour Ron Swanson, c’est des canoës, du bacon et des œufs brouillés, alors que de mon côté, j’espère franchement tomber dans un monde où l’on ne me parlerait plus de Game of Thrones ou de The Walking Dead.
Quoiqu’il en soit, il existe dans la religion l’idée de « bien vivre sa vie ». C’est un concept que l’on retrouve également dans la philosophie, mais ce qu’il y a de plus dans la religion, c’est qu’elle fonctionne comme un système de carotte et de bâton : plus tu fais de bonnes choses, plus tu as de chances de bien vivre ta mort. Néanmoins, qui décide ? Par quel système ? Est-ce juste de résumer un être humain à l’unique et froide somme de ses actes ? Une bonne action peut-elle être meilleure qu’une autre ? Ces questionnements sont aussi complexes que passionnants à étudier. Et c’est ce qu’essaye de faire The Good Place, nouvelle comédie estampillée Michael Schur (Parks and Recreation, Brooklyn Nine-Nine).
De quoi ça parle ? Eh bien, après sa mort – extrêmement ridicule, au passage –, Eleanor (Kristen Bell) se retrouve envoyée dans « The Good Place », un endroit mystérieux où se retrouve une petite fraction de personnes qui ont œuvré pour le bien de la vie. La jeune femme se rend néanmoins très vite compte qu’elle ne devrait pas être là, et que l’architecte du quartier, Michael (Ted Danson), a fait une grosse erreur : en effet, elle n’est pas une bonne personne. Avec l’aide de Chidi (William Jackson Harper), son « âme-sœur », elle va essayer de s’améliorer, de façon à pouvoir rester dans la « Good Place ».
Avec Kristen Bell et Ted Danson au casting, plus Michael Schur à la création, il y avait de quoi être confiant avant de se lancer dans la série. Avec un postulat de base plus qu'alléchant, The Good Place a toutes les cartes en main pour séduire. Alors ? Pari réussi ?
Un univers très particulier
La grande force de The Good Place se trouve dans l’originalité de son postulat de base. Honnêtement, créer un endroit où vont les meilleures des « bonnes personnes », s’interroger sur ce qui fait de nous des « bonnes personnes », sur la religion ou la mort, sur l’amour également, ce n’est pas donné à tout le monde. Qu’on se le dise, The Good Place va surprendre, dérouter, et ce n’est pas sûr qu’elle puisse plaire à tout le monde, tout du moins au début. Il faut dire que la lourde exposition effectuée par le pilote n’enchante pas vraiment ; même si elle se révèle nécessaire – après tout, un tel concept ne peut pas s’expliquer en deux temps trois mouvements –, la présentation de tout ce qui se passe et va se passer ne peut résolument pas tenir sur un seul épisode. C’est pour cela que Everything Is Fine (1.01) et Flying (1.02) ont du mal à nous transporter entièrement, manquant de naturel.
L’univers de la série représente néanmoins une grosse force dans les trois premiers épisodes, contrebalançant parfois la lourdeur mécanique de l’exposition par des moments complètement inattendus. Les gags visuels sont très souvent inspirés – la plante dans Tahani Al-Jamil (1.03), les catastrophes qui arrivent dans le pilote – et rajoutent de la personnalité aux décors. Qui plus est, le fait de tourner de nombreuses scènes en extérieur permet à la série de forger rapidement une identité visuelle plus qu’agréable. À côté de cela, l’humour n’est pas encore très présent au sein de The Good Place, mais c’était exactement la même chose avec Brooklyn Nine-Nine au départ : il va falloir s’accrocher un peu et attendre que les personnages soient suffisamment bien installés pour que le rire pointe réellement le bout de son nez. Pour le moment, on reste en compagnie de très bons gags visuels et physiques. Ce qui est déjà pas mal, vous me le concéderez.
Des personnages débordant de potentiel
Très souvent dans les séries, je suis bien plus enclin à laisser passer une intrigue parfois médiocre si les personnages sont attachants (coucou Supergirl, Chuck et encore tant d’autres). Avec l’exposition qui prédomine dans les premiers épisodes, je me suis donc rabattu sur les habitants de The Good Place pour essayer de m’impliquer dans le récit. Eleanor fournit un excellent point d’entrée, avec une Kristen Bell qui n’est jamais aussi efficace que lorsqu’elle laisse ressortir sa Veronica Mars. Le procédé est des plus classiques, mais voir le sarcasme et le cynisme de notre héroïne confronté à un univers tout mielleux est source de nombreuses situations sympathiques. J’espère juste que Schur nous a prévu un petit twist de derrière les fagots, parce qu’observer un « mauvais » personnage devenir « bon » n’est pas forcément le concept de l’année. Ted Danson tient parfaitement la baraque de son côté – il n’y a qu’à voir la scène d’introduction pour s’en convaincre. En revanche, son personnage manque encore de substance ; le côté trop lisse n’intéresse que trop peu, et c’est seulement dans de – rares – moments où l’on aperçoit des défauts « humains » que Michael prend véritablement forme.
Le reste du cast promet également beaucoup. Commençons d’abord par la déjà hilarante Janet (D’Arcy Carden), véritable Siri. C’est la véritable source d’humour des premiers épisodes, et – comme toute la série – elle devient encore plus drôle avec le troisième. Le personnage de Chidi est le plus « normal » de tous, mais il offre un intéressant contrepoids à Eleanor. Pour le moment, Tahani (Jameela Jamil) m’apparaît comme insupportable : c’est sans doute fait exprès, mais ses manières combinées au fait que ce type de personnage a déjà été vu et revu ne m’incite pas à la compassion – pour le moment en tous les cas. Enfin, Jianyu (Manny Jacinto) ne servait pas à grand-chose lors des trois premiers épisodes, mais un twist final inspiré promet de le mettre au centre des évènements pour la suite.
Plein de questions !
Enfin, l’une des autres grosses qualités de The Good Place réside dans les questions que la série nous fait nous poser. Avec les thèmes de la religion – avec une savoureuse pique au début du pilote –, du Bien et du Mal, de l’égalité et de l’équité, Michael Schur possède un nombre considérable de flèches à son arc. On remarque en effet très vite que l’endroit où réside Eleanor est perclus de défauts : l’hypocrisie règne en maîtresse, les personnes qui la peuplent ont tous des travers, le procédé de sélection est tout sauf juste et l’algorithme sélectionnant les personnes « dignes » de rentrer dans la « Good Place » réalise des différences arbitraires entre les différents types de bonnes actions. Qui peut en effet prétendre posséder la connaissance absolue ?
En plus de cela, Schur pose plusieurs pistes très intéressantes dès les premiers épisodes, nous faisant douter à chaque moment. Les personnages ne seraient-ils pas dans un endroit de transition afin de s’améliorer ? Quel est le rôle de Michael dans tout cela ? Et celui d'Eleanor ? Existe-t-il un Diable ? Si oui, quelle forme prend-il ? Bref, autant de questions que l’on peut se poser après le visionnage des trois premiers épisodes. Je ne connais pas beaucoup de séries qui m’ont autant fait me triturer les méninges. Et c’est l’une des raisons principales pour lesquelles je vais m’embarquer définitivement dans l’aventure.
The Good Place peut se révéler comme étant la sitcom la plus inventive de ces dernières années. L’originalité de son concept prend du temps à se mettre en place, mais elle pose d’entrée de jeu d’innombrables questions qui seront (ou non) résolues. Après une exposition forcément fastidieuse, la série prend son envol dans son troisième épisode, capitalisant au maximum sur Kristen Bell et Ted Danson. En attendant que son univers soit parfaitement calibré, The Good Place devra développer ses personnages tout en réussissant à faire rire. Pas une mince affaire, mais j’y crois vraiment.