Sur Serie-all, on est nombreux à suivre Teen Wolf avec passion. Chaque nouvel épisode est une fête en soi, un rayon de soleil, un double arc-en-ciel scintillant au milieu d’une semaine sinon morne.
Pour quelle raison ? Officiellement, si vous suivez un peu les critiques et les commentaires de Serie-all, c’est parce que c’est un nanard réjouissant, une série pleine de passages tellement saugrenus qu’on se demande même comment MTV a pu accepter de produire un truc pareil.
Ça, c’est ce qu’ils vous diront tous parce que chacun à sa vanité, et qu’il est des choses qu’on ne peut pas totalement s’avouer sans avoir honte de se regarder ensuite dans le miroir : et dire « Teen Wolf, c’est trooop bien » en fait partie. Mais qu’on ne s’y trompe pas : on ne regarde pas un truc nul simplement parce qu’il est nul. Personne n’est masochiste à ce point.
Non, la véritable raison, c’est qu’on s’attache vraiment cette série, et pas seulement au deuxième, troisième ou millième degré. Quand on regarde Teen Wolf, le plaisir, pour coupable qu’il soit, est bien réel.
Pourquoi ? Je vais essayer de vous l’exposer à l’aide d’une pseudo-psychanalyse de comptoir (que vous n’êtes pas du tout tenus de prendre au sérieux).
(attention, il vaut mieux être à jour dans la vision de Teen Wolf pour lire cet article, forcément rempli de spoilers)
Teen Wolf : des personnages forts, incarnés par des acteurs subtils
Une série qui parle cul sans en avoir l’air
Toute personne qui a lu la psychanalyse des contes de fées de Bruno Bettelheim (livre excellentissime qui changera à jamais votre vision des fictions) sait que les histoires où les personnages se transforment en animal nous parlent en réalité de l’apprentissage de la sexualité lors de la puberté, de la découverte de notre animalité. Oui, je sais, ça a l’air pompeux dit comme ça mais c’est très vrai. Ces histoires rassurent notre inconscient sur notre corps qui change, sur nos désirs nouveaux, sur la peur des premières relations sexuelles. Dans les contes, ces animaux sont généralement des ours, symbole de la force virile, et des grenouilles, un animal gluant un peu dégoûtant avec lesquels les jeunes princesses doivent généralement passer leur nuit de noce – la métaphore sexuelle est assez explicite. Surtout quand la grenouille molle finit par se transformer en prince charmant vigoureux. Enfin bref.
Et dans Teen Wolf, qu’avons-nous ? Des loups-garous et des teen-lézards baveux – les ours et les grenouilles de Bettelheim ne sont pas loin.
C’est tout sauf un hasard si Scott, notre bêta préféré, fait son apprentissage de la loup-garoutitude parallèlement à son apprentissage de l’amoûr : il rencontre Allison peu de temps après avoir été mordu, et gagne petit à petit en force et en assurance au fur et à mesure que son amourette avec Allison se concrétise et se renforce. De la même façon, quand Erica se transforme en Barbie-garou, elle gagne trois bonnets de tour de poitrine, s’habille en cuir, et se met à allumer tous les gars du lycée – bref, se met à assumer pleinement sa sexualité, alors que c’était auparavant une nana coincée. Et que dire de l’aura sensuelle qui accompagne Derek et ses pectoraux d’airain ?
Si les loups-garous semblent exprimer une sexualité assumée qui leur donne force et assurance, à l’inverse les lézards-garous sont symptomatiques de personnages qui se cachent et qui doutent – à l’heure où j’écris, seul Jackson est un lézard-garou officiel, et de nombreux indices montrent que sous sa belle assurance de tête à claques se cache un petit cœur qui souffre et qui voudrait aimer et être aimé. C’est d’ailleurs pour cette raison que je verrais bien Lydia être une teen lézarde elle aussi – l’avenir me dira si j’ai raison ou non.
Il y a plein de sous-entendus sexuels encore plus évidents dans Teen Wolf. Les griffes érectiles de la première saison, la bave de lézard dans la deuxième (bue goulûment après succion par Jackson et Lydia dans l’épisode 2.05, je dis ça, je dis rien), le fameux léchage d’abdos de Derek par tatie Argent en saison 1, et globalement tous les sous-entendus gays omniprésents qui émoustillent tant les auteurs de fanfics (et à mon avis elles ne sont pas les seules).
Bref, consciemment ou inconsciemment, Teen Wolf nous parle l'animal qui sommeille en nous, de la sexualité adolescente (voire de l'homosexualité) de façon extrêmement rassurante, partout, tout le temps, mais sans jamais ne rien dire, sans jamais rien montrer explicitement, sans jamais choquer, donc. On pourrait dire qu’elle rassure nos peurs inconscientes vis-à-vis du sexe à la façon des contes de fées de Bruno Bettelheim.
Ou plus simplement que nous, spectateurs, ben on aime bien qu’on nous parle cul sans en avoir l’air.
L'état lycanthropique, c'est orgasmique
My Little Pony au pays des loups-garous
L’autre truc qui à mon avis nous plaît dans Teen Wolf, c’est qu’au fond, la série présente un monde rassurant où tout le monde est gentil sauf quelques psychopathes qui sont bien vite canalisés.
C’est quand même impressionnant qu’une série pleine de loups-garous et de chasseurs de loup-garous soit à ce point dénuée de violence. Généralement, les confrontations s’arrêtent à quelques grognements histoire de marquer son territoire. Si un conflit se déclenche, on s’arrête généralement au premier sang. On n’a jamais peur dans Teen Wolf, car on sait que les héros s’en sortiront toujours et que les méchants auront à peine l’occasion de nuire réellement – il y a quelques exceptions notables en saison 2, cependant, comme le pré-générique de l’épisode 2.
Les « méchants », tiens, parlons-en : il y en a en fait extrêmement peu. Le terme méchant est d’ailleurs mal adapté, dans Teen Wolf on croise plutôt des psychopathes : l’alpha et tatie Argent dans la première saison, maman et papy Argent dans la deuxième. Ils sont en fait très isolés dans leur extrêmisme, et dès qu’ils font des actions un peu trop borderline, ils sont désapprouvés par leur camp. Faudrait quand même pas que les loups-garous et les chasseurs de loups-garous se fassent du mal, quand même, on est dans le monde merveilleux de Teen Wolf !
Le reste des personnages de Teen Wolf s’aime bien, au fond, même s’ils ont l’amour vache. Il leur faut parfois un peu marquer leur territoire et du coup exprimer leur affection de façon un tantinet virile… Si tant est qu’un loup-garou à rouflaquettes et torse épilé, courant comme un lapin de garenne, parvienne à projeter une image virile...
Et puis il y a le sous-texte gay. Dans le monde de Teen Wolf, les gays ne sont pas opprimés, moqués, mis aux ban. Non, l'homosexualité y est perçue de façon totalement naturelle et normale : même Jackson, le capitaine hétéro tête-à-claques du club de Lacrosse, a un meilleur pote gay.
Et enfin, il y a l'humour (merci Puck de me l'avoir rappelé). Car même si on rit souvent dans Teen Wolf à cause du côté nanardisant, on rit également beaucoup grâce à l'humour des répliques, qui savent être vraiment drôle par moment. C'est le personnage de Stiles qui porte la majeure partie de cette dérision permanente sur les épaules, et pour le coup il faut saluer le talent de l'acteur, réel, qui sauve certains épisodes de la nullité complète par sa seule présence (et celle des pectoraux de Derek aussi, certes).
Bref, Teen Wolf est une série bon enfant qui nous amène dans un monde au fond très tolérant, gentil sans être trop gentillet, moral sans être moralisateur. C'est une série sans prétentions, pleine d'humour souvent involaire mais pas que, et surtout qui ne se prend jamais au sérieux. C'est un peu comme My Little Pony : Friendship is Magic au pays des loups-garous : un cocon rassurant et drôle qui nous fait oublier l’espace d’un épisode à quel point la vie peut être chienne, parfois. Et ça c’est beau.
Oui. Je sais. Ils sont tartes.
Des clichés pas si clichés
Et enfin, la dernière qualité de la série – réelle, celle-là- qui nous fait à mon avis tant accrocher, c’est que le scénario et les personnages nous surprennent souvent. La série, qui parait si cliché et prévisible au départ, réussit souvent à se démarquer en apportant de belles nuances aux archétypes, à inclure des rebondissements imprévisibles (parce que souvent complètement sortis du chapeau, certes), et à développer une mythologie qui n’est pas totalement bateau.
Des personnages clichés mais nuancés
Bon, qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit : il y a plein de clichés dans Teen Wolf. Tenez, prenez Derek : c’est l’archétype même du grand-beau-fort-ténébreux-mystérieux, qui s’habille en noir, a une voiture noire, qui fait des pompes en musique, vit dans une maison en ruine au milieu d’une forêt, a des répliques « cool » dites avec un regard pénétrant, des apparitions « cool » à base de projecteurs dans le dos et de brume, à un point que c’en est plus que comique (capitaine Intensité, on t’aime !).
Mais si on y regarde de plus près, le reste des personnages principaux est beaucoup plus nuancé.
Prenez Scott et Stiles, par exemple. Scott et Stiles, sur le papier, c’est Astérix et Obélix, Batman et Robin, Tintin et Milou, bref le héros et son side-kick. Oui, mais, chose rare, le plus intelligent des deux n’est pour une fois pas le héros mais son acolyte, et l’objet de dérision, celui qui est tourné en ridicule à longueur d’épisode tant il est bêta, c’est le héros de l’histoire. C’est une inversion des rôles qui marche d’ailleurs parfaitement et qui est à l’origine de nombreux passages vraiment drôles dans la série.
Allison avait quant à elle tout pour tenir le rôle de la sempiternelle demoiselle en détresse : tel est le destin (hélas) de 99% des petites amies de héros surpuissants – coucou Loïs Lane, Mary-Jane Watson, ou encore Bella Swan. Eh bien au final, non. Scott n’a jamais à la sauver, et dans la saison 2 elle montre à plusieurs reprises qu’elle est tout à fait capable de se défendre toute seule.
Et puis Jackson : c’est au premier abord le classique capitaine de l’équipe de sport du lycée, le type imbu de lui-même qui roule en Porsche et méprise le monde entier. Dans n’importe quelle autre série américaine, on pousserait le spectateur à le haïr, alors qu’au contraire, Teen Wolf s’attache à nous faire découvrir ses failles, et ses quelques bons côtés : son meilleur pote gay, son amour des sex-tapes, des concours de T-shirt mouillés ou encore des Granny Smith, par exemple. Il en ressort un personnage très humain, auquel on finit par s’attacher au fil des épisodes.
Idem pour Lydia, qui ressemble au départ à la cheffe du club de pompom-girls qu’on croise dans toutes les teen-séries américaines, donc jolie méprisante et sans cervelle. À priori haïssable. Mais elle dévoile petit à petit qu’elle est intelligente mais cynique, et que si elle casse en permanence les gens de son entourage, elle est au fond très dépendante d’eux et de leur amitié.
Où l'on constate que Teen Wolf évite le cliché éculé du héros grand beau fort et intelligent
Les poncifs auxquels on échappe
Non seulement Teen Wolf joue avec les clichés pour mieux les contourner, mais la série parvient aussi à éviter de nombreux poncifs des séries fantastiques pour adolescents.
Tout d’abord, je n’arriverai jamais à trouver les mots pour exprimer totalement ma reconnaissance envers les scénaristes de Teen Wolf de nous avoir épargné les sempiternels vampires qui semblent ces derniers temps indissociables des loups-garous (cf Twilight, True Blood, The Vampire Diaries, Vampire : la Mascarade, etc…). Franchement, qui se fiche des suceurs de sangs quand on a face à soi des loups-garous au sang chaud, à la voix rauque et au charisme brut et animal (aouh, aouuuuuh) ? L’introduction d’une nouvelle créature fantastique en saison 2 risquait de refaire tomber la série dans les poncifs du genre (il semble que toute créature fantastique se doit d’être accompagnée d’un bestiaire long comme un jour sans pain), mais finalement le lézard-garou baveur s’avère jusqu’ici être un parfait contrepoint aux lycanthropes des bois. Dans l’ensemble, Teen Wolf essaie de développer une mythologie qui, si elle n’est pas totalement originale, reste néanmoins suffisamment éloignée des travers éculés du genre pour surprendre agréablement à plusieurs reprises au cours de la série.
Mais surtout, là où je suis reconnaissante envers la série, et ça n’étonnera pas les personnes qui me connaissent un peu, c’est de nous épargner les clichés eu égard au sexe des protagonistes. Si le monde de Teen Wolf est peuplé de plus de mâles que de filles – le Lacrosse, c’est une affaire de mecs, de vrais, qui se rentrent dans le lard joyeusement avec des casques fumants sous les projecteurs des stades – il est rafraîchissant de constater que la gente féminine est très présente parmi les personnages principaux. Mieux, elle est construite généralement en binôme avec un personnage masculin dont le profil psychologique et le rôle sont proches.
Ainsi, à Scott le neuneu gentil, pacifique et fort répond Allison, à peine moins neuneu, mais elle aussi forte en son genre et non moins pacifique ; à la psychopathie sexy et mâle de l’alpha en saison 1 répond celle de la non-moins psychopathe et sexy Kate « Tatie » Argent ; Jackson et Lydia ont tous les deux le profil de l’ado beau gosse et tête à claque qui cache des blessures loin en dedans (avec un bonus en intelligence pour Lydia cependant). Idem pour maman Argent/Papy Argent en saison 2 dans le rôle des psychopathes sanguinaires, Papa Argent et Maman Mc Call dans le rôle des parents d’ados, inquiets de voir leur enfant grandir mais assez cool néanmoins, ou encore « Barbie-Garou » Erica et « Tractopelle boy » Isaac dans le rôle des loups-garous badguys et boulets.
Parmi les héros, il n’y a guère que Derek et Stiles qui n’aient pas leur alter-ego féminin – peut-être est-ce d’ailleurs la raison pour laquelle il ne faut surtout pas taper « Sterek » dans un moteur de recherche… à moins d’aimer le slash gay. Mais je m’éloigne de notre sujet.
Grâce à ce fonctionnement en duo mixte, Teen Wolf évite donc souvent (pas toujours, mais ne nous plaignons pas) les écueils des clichés sexués : pas de demoiselle en détresse, ni de bande de pouffes, ni de séductrice vénéneuse dans Teen-Wolf ; ni de héros mâle macho, ni de héros grand-beau-fort et inébranlable, ni de mec obsédé par les filles… à bien des égards, les héros de Teen Wolf semblent presque normaux, et vivre dans une monde presque paritaire. Et ça, c’est rarissime dans le monde des séries. Et sain. Précieux.
Vous avez au moins une chasseuse de loups-garous et un teen-lézard sur cette image. Devinez qui est qui.
Le mot de la fin
Tout ça pour dire que derrière ses aspects de nanard réjouissant, bourré d’incohérences, réalisé avec les pieds, et où les acteurs jouent comme des débutants à l’actor’s studio, se cache une série qui a aussi des qualités réelles. On sent toute une équipe pleine de bonne volonté derrière, et qui, à défaut d’être pro ou talentueuse, a des idées et sait s’amuser, sans jamais se prendre au sérieux.
Et c’est ce cocktail d’amateurisme et de bonne volonté qui font de Teen Wolf une série nanardesque hyper attachante et réjouissante…