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"D'abord, il y a une note. Puis, un air. Enfin une mélodie."
Il se trouve que malheureusement, c'est très compliqué de jouer seul une mélodie. Tu peux être le chef d'orchestre oui, mais pas le soliste qui transcende l'ensemble. Des solistes dans cette série, il y en a eu plein. Certains même sont restés bien trop longtemps. Certains tentent cette saison de tout maitriser de A à Z. RTD n'est pas un soliste malheureusement. C'est un bon musicien, qui connait ses gammes, qui sait sur quelle tonalité appuyer pour faire plaisir (Susan), mais il n'a que trop rarement eu par le passé la capacité à dépasser complètement son propre script.
Tout ici malheureusement est atone. Pas fade hein, juste simple. Deux rares moments méta viennent bousculer un script bien trop sage qui reste fidèlement appuyé sur ses gammes. L'épisode aurait dû être à la hauteur de la folie de Maestro. Il demeure comme le précédent à la bordure de LA bonne idée qui bouscule tout le reste. Les bases sont posées, mais à partir de là, RTD s'arrête et estime avoir fait le travail. Ce n'est toujours qu'en allant jusqu'au bout de ses idées que les meilleurs épisodes de Doctor Who ont été ce qu'ils sont (Midnight, Lisen, Doctor's Wife, etc). J'aime cette série précisément pour ça, pour son exigence qu'elle a avec elle-même, pour sa disposition à pousser n'importe quelle potentialité de script au maximum. Pour l'illusion que la fiction et l'art de manière générale (ou la musique ici) puissent être repoussé jusqu'aux limites du possible. Car parfois, même pendant l'espace d'un instant, Doctor Who rend possible l'impossible.
Malheureusement ici, à l'exception de la magnifique scène sur le toit, on reste coincé dans cette frontière étriquée du tout venant. Or, je veux bien qu'on m'explique mille choses, qu'on me raconte même que la lune peut être un œuf de dragon, mais Doctor Who est tout sauf du tout venant. Or, en voulant montrer l'extraordinaire pouvoir de la musique, mais en restant cantonné à des gammes simplistes, RTD démontre précisément l'inverse. Et c'est bien ça sans doute le plus triste.
Alors, il faut, peut--tre, qu'un vieux soliste s'éveille à son tour. Et que peut-être qu'il nous démontre à tous qu'il est encore capable (j'en doute personnellement) de composer, non pas une note, ni air, mais bel et bien une mélodie la mieux à même de donner à cette saison — enfin ! — le coup de fouet qu'elle mérite tant. Let's go Maestro !
Il faut toujours reconnaitre à un auteur la rigueur de la cohérence. Steven Moffat est entré dans la NewWho par la porte de la guerre (The Empty Child) et il est sorti également par cette même porte (Twice Upon a Time). Entre temps, il avait largement exploré la guerre et ses malheurs dans une palanquée d'épisodes : The Magician's Apprentice, Hell Bent, The Day of the Doctor, etc. Cette thématique (avec celle du temps) est peut-être celle qui est le plus revenu dans l'œuvre de l'écossais.
J'étais, il faut le dire, très sceptique par ce retour. Moffat m'a gavé et soulé (et parfois les deux en même temps) dès la saison 7. La saison 10 fut une souffrance et globalement, je continue de trouver très regrettable qu'en vingt ans la série n'ait quasiment été géré que par trois personnes (près de 120 épisodes à eux trois). J'ai toujours un peu l'impression d'être dans un Jour sans fin condamné à voir deux types refaire les mêmes trixs ("Ah ah t'as vu quelqu'un ramasse la bague du méchant, comme à la fin de la saison 3 !").
Ceci étant dit, Boom est... Un bon épisode. Pas parce qu'il vient apporter de la nouveauté (ça j'ai fait une croix dessus), mais parce qu'il vient solidifier l'œuvre du Moff'. Et ça, c'est bien plus intéressant et ça fait toute la différence. Car qui d'autre qu'un héros comme le Docteur pour souligner l'absurdité de la guerre. Ce n'est certes pas fait avec la plus grande des subtilités (le discours sur l'amour final, c'est une belle cata), mais ça vient définir avec peut-être la meilleure des précisions ce qu'est le Docteur pour Moffat : un héros qui arrête les guerres. Selon Moffat, c'est sûrement même davantage Villengard que les Anges ou le Silence qui se pose comme ennemi ultime pour le Doc. Car quoi de plus effrayant au fond que le capitalisme ? Noyé dans son verbiage incessant, je n'avais que peu perçu cet aspect des choses chez le scénariste. À rebours, je trouve même que cela grandit les œuvres précitées. Bien joué Steven.
PS : Le très beau trix spécial du show est de découvrir que l'image de Ncuti de la bande-annonce des spéciaux provenait en réalité de... Cet épisode.
PSS : Bon. Je lui ai passé la brosser à reluire, mais la dynamique 15th-Ruby totale décalque de 12th-Clara, ça m'a bien agacé quand même. Il y a d'autres manières d'écrire les femmes Steven...
Ah la poésie... C'est tellement pratique...
Tu peux terminer n'importe quel script avec une vague métaphore poétique et parvenir à obtenir les bravos. Même Chibnall avait su capter l'intention de certain.es avec son épisode (nul) sur la grenouille. "Le meilleur scénario que j'ai écrit" avait dit RTD. Le plus feignant surtout. Du Quentin Dupieux dans le texte. Entendons-nous bien : je n'ai aucun problème avec le féérique ou le surnaturel dans Doctor Who. Je trouve en revanche que c'est un épisode mal écrit, mal structuré, facilement prévisible (on grille l'identité de la veille femme à partir du moment où Ruby atteint 40 ans) et avec une seconde partie "Years and Years pour les CM2". Les bienheureux regarderont avec admiration la finalité métaphorique comme un sac fourre-tout de leurs multiples interprétations. Les plus circonspects retiendront tout de même la vacuité de l'écriture et de l'ensemble de manière générale.
Encore une fois, RTD me donne l'impression de ne pas aller jusqu'au bout de son idée. Il y avait pourtant un diamant à explorer : cette scène finale à l'hôpital dans laquelle Old-Ruby raconte des choses qui n'ont de plus de sens que pour elle. Il faut avoir été juste une fois dans sa vie en EHPAD pour saisir immédiatement la justesse de l'ensemble. Là oui, sans aucun doute, se trouvait le creuset d'une thématique mal / peu explorée. Pas de bol : la scène dure deux minutes.
Une nouvelle déception en ce qui me concerne, avec toujours l'impression tenace d'un bâclage de script par l'homme qui croyait pouvoir tout faire.
PS : Si, comme je le pense, le méchant final est lié à la narration (dans une approche méta), j'aurais peut-être une autre vision de cet épisode.
Pour la première fois depuis le début de la saison, RTD décide de terminer un script, en dépassant une simple décalque de Black Mirror par un twist assez (très) efficace. La rupture d'identification au personnage principal est d'autant plus brutal que tous les indices étaient là sous nos yeux (L'héroïne qui refuse de parler au Docteur parce qu'il est noir, mais qui accepte Ruby, par exemple). De fait, le cri, puis le rire du Docteur est de loin la chose la plus terrifiante que j'ai vue dans la série depuis des plombes. Comme le dit très justement Omar, il y a des monstres (le racisme systémique en l'espèce) que même le Docteur ne peut pas vaincre. Très bel épisode.
PS : Et on passera gentiment sur l'IA méchante, qui est, de loin, la chose la plus mal écrite (et incohérente) de l'épisode.